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27/03/2025 | FRANCE | N°24TL01484

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 27 mars 2025, 24TL01484


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 24 mai 2024 par lesquels la préfète du Lot, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence.



Par un jugement n° 2403106 du 4 juin 2024, le

magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis provisoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 24 mai 2024 par lesquels la préfète du Lot, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2403106 du 4 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir admis provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle, a renvoyé sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté de la préfète du Lot devant une formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2024, et deux mémoires, enregistrés les 12 novembre et 2 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Sarasqueta, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 de la préfète du Lot en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 de la préfète du Lot portant assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Lot de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de cinq jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement dans le cas où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, les conditions prévues par les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas remplies ;

- la base légale du 3° de l'article L. 611-1 ne pourrait être substituée à la base légale mentionnée plus haut dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est elle-même illégale dès lors que l'avis de la commission du titre de séjour est insuffisamment motivé et que le motif de la décision de refus de titre de séjour selon lequel sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, sa présence en France ne représentant pas une menace pour l'ordre public ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, la décision portant refus de délai de départ volontaire étant illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire étant illégales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre et 22 novembre 2024, la préfète du Lot conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être substituées aux dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code précité ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2024.

Par une décision du 25 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,

- et les observations de Me Sarasqueta, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 15 février 1999, a sollicité, le 5 février 2024, le renouvellement de son titre de séjour pour raison de santé. Par deux arrêtés du 24 mai 2024, estimant que la présence en France de M. A... représentait un risque pour l'ordre public du fait de la pathologie dont il souffre, la préfète du Lot, d'une part, a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence. Par un jugement du 4 juin 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir renvoyé à une formation collégiale le jugement de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour contenu dans le premier arrêté du 24 avril 2024, a rejeté le surplus de sa demande d'annulation des décisions contenues dans les arrêtés de la préfète du Lot. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était titulaire d'une carte de séjour délivrée en raison de son état de santé dont il a sollicité le renouvellement le 5 février 2024. À la date de la décision contestée, l'appelant ne relevait pas des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elles s'appliquent aux étrangers en situation régulière depuis moins de trois mois ainsi qu'aux étrangers en situation irrégulière. Toutefois, comme l'a indiqué à juste titre le tribunal, le préfet ayant refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressé, la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui ne fait référence qu'au 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, trouve son fondement légal dans le 3° du même article. Par suite, le tribunal a pu à bon droit procéder à une substitution de base légale après avoir recueilli les observations des parties à l'audience.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ". Aux termes de l'article R. 432-14 du même code : " Devant la commission du titre de séjour, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ".

5. Le 7 mai 2024, la commission du titre de séjour du département du Lot a rendu un avis défavorable concernant le renouvellement du titre de séjour de M. A..., sur la base des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission a justifié cet avis en estimant que M. A... représentait " un danger pour l'ordre public ". Dans ces conditions, l'avis de la commission est motivé. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit, dès lors, être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".

7. Il ressort de l'arrêté contesté que la préfète du Lot a pris sa décision sur la base des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimant que la présence de M. A... en France constituait une menace pour l'ordre public. À cet égard, elle s'est notamment fondée sur l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour le 7 mai 2024, ainsi que sur la pathologie dont souffre l'intéressé, qui, selon elle, entraîne un risque élevé de récidive. Il est par ailleurs établi que M. A... a été interpellé à Montauban le 10 septembre 2017, à la suite de tentatives de meurtre sur deux personnes, dont l'une était dépositaire de l'autorité publique. Par un arrêt en date du 23 août 2018, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Toulouse l'a déclaré irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ayant aboli son discernement, ordonnant ainsi son admission en soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète. M. A... fait valoir qu'il a reconnu la gravité des faits commis en 2017, qu'il n'a pas commis de nouveaux actes dangereux depuis lors, grâce à un traitement adapté et que l'épisode de décompensation symptomatique qu'il a connu en juin 2020 n'avait pas une grande signification dès lors qu'il a permis d'ajuster son traitement antipsychotique injectable, assurant ainsi une meilleure stabilité de son comportement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du 19 février 2024 rédigé par le psychiatre en charge de son suivi, qu'en août 2023 M. A... a présenté une nouvelle décompensation délirante de type persécutif, dans un contexte de consommation de toxiques, alors qu'il poursuivait son traitement. À cet égard, le médecin a noté la nécessité d'augmenter la dose de son neuroleptique retard et a signalé la persistance d'un fond délirant de persécution, justifiant une possible révision du traitement. En outre, le compte rendu de son hospitalisation le 2 août 2023 fait état de symptômes délirants apparus depuis plusieurs semaines, probablement dus à un retard d'injection, causé par un problème de délivrance du médicament. Compte tenu des incertitudes relatives à l'évolution de l'état de santé de M. A... et des conditions dans lesquelles son traitement est administré, il ne peut être exclu qu'il commette un nouvel acte. Par suite, la préfète du Lot a pu légitimement estimer que M. A... présentait un risque élevé de récidive et constituait ainsi une menace pour l'ordre public. Le moyen invoqué à cet égard doit donc être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la mesure d'éloignement :

9. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée et répond ainsi aux exigences de motivation de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui déclare être entré en France en 2015 à l'âge de seize ans, a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance par une décision du 16 octobre 2015 en tant que mineur non accompagné, et qu'il a bénéficié, à sa majorité, d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", puis de titres de séjour régulièrement renouvelés en qualité d'étranger malade. Toutefois, l'intéressé ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle notable sur le territoire français. Par ailleurs, l'appelant ne produit aucun élément de nature à établir qu'il entretient des liens personnels, intenses et stables en France, alors par ailleurs qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches au Mali, où résident son père et ses frères et sœurs. En outre, il ressort des éléments précédemment exposés que le comportement de l'intéressé constitue une menace réelle et actuelle pour l'ordre public. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, au regard des objectifs qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé doit également être écarté.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, l'arrêté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant refus de délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, comme il a été exposé précédemment, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités alléguées, de sorte que le moyen tiré de ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement doit être écarté.

14. En troisième lieu, et ainsi qu'il a été exposé au point 7, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 avril 2024, le défaut de prise en charge médicale de M. A... peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, qu'il ne peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Cependant, il ressort des autres pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 11 juin 2024 par le médecin psychiatre en charge du suivi de l'intéressé, postérieur à la décision en litige mais révélant une situation de fait antérieure, que l'absence de traitement administré à l'appelant l'expose à un déclin grave et rapide de son état de santé, avec des séquelles irréversibles, entraînant des souffrances intenses et l'exposant à des troubles du comportement pouvant entraîner une réduction significative de son espérance de vie. En outre, le certificat médical en date du 19 février 2024 indique que toute interruption de l'injection ou du traitement à venir expose le patient à une rechute sérieuse, toujours plus délétère, même dans le cas où il n'aurait pris aucun toxique. Il est ainsi établi qu'une interruption des soins entraînerait, à tout le moins, des souffrances intenses pour l'appelant, voire une réduction significative de son espérance de vie. Dans ces conditions, il est établi qu'en l'absence de traitement adapté dans son pays d'origine, l'état de santé de M. A... atteindrait un seuil de gravité tel que son retour au Mali l'exposerait à un risque d'encourir des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le moyen selon lequel la décision fixant le Mali comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

18. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

19. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

20. Dans les circonstances de l'espèce, exposées précédemment, eu égard notamment à la menace pour l'ordre public que représente la présence en France de M. A..., en estimant que celui-ci ne justifiait pas de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français, et en fixant à cinq ans la durée de cette interdiction, la préfète du Lot n'a ni fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.

Sur la décision portant assignation à résidence :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

22. En second lieu, il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et en raison de la décision portant refus de délai de départ volontaire.

23. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté de la préfète du Lot du 24 mai 2024 doit être annulé uniquement en tant qu'il fixe le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. L'annulation par le présent arrêt de cette décision n'implique pas que la préfète du Lot admette provisoirement au séjour M. A... qui au demeurant reste sous le coup d'une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans. Les conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Sarasqueta d'une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Sarasqueta renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 24 avril 2024 de la préfète du Lot est annulé en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement dont M. A... fait l'objet.

Article 2 : Le jugement du 4 juin 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est réformé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à annulation de la décision fixant le pays de destination.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 200 euros à Me Sarasqueta en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Fanny Sarasqueta et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Lot.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le président-assesseur,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24TL01484 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01484
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SARASQUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;24tl01484 ?
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