Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206605 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2023, Mme D..., épouse A..., représentée par Me Soulas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elles n'ont pas été précédées d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle remplit les conditions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'absence de déclaration d'entrée en France ne peut lui être opposée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive et donc irrecevable ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par Mme D..., épouse A..., n'est fondé.
Par une ordonnance du 31 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse A..., de nationalité marocaine, fait appel du jugement du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
2. Par arrêté n° 31-2022-04-06-00001 du 6 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme E... B..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à fin de signer notamment les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, notamment des éléments précis concernant la situation personnelle de Mme D..., épouse A..., est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme D..., épouse A....
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations et des articles L. 621-2, L. 621-3, R. 621-2 et R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont reprises des articles L. 531-2, R. 211-32, R. 211-33 et R. 212-6 du même code, qui étaient en vigueur à la date alléguée par l'appelante de son entrée en France, que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., épouse A..., a bénéficié d'un visa de type C " États Schengen " de trente jours, délivré le 30 juin 2017 par le consulat général d'Espagne à Tanger (Maroc) et valable pour une seule entrée du 4 juillet au 17 août 2017. Si elle affirme être entrée en France le 12 juillet 2017, en provenance directe d'Espagne, État partie à l'accord de Schengen, munie d'un passeport revêtu de ce visa, d'une part, ce passeport porte seulement un tampon d'entrée dans cet État à cette date, d'autre part, elle ne justifie pas avoir souscrit la déclaration d'entrée prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement retenir qu'elle ne satisfaisait pas à la condition d'entrée régulière prévue par les dispositions précitées de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En quatrième lieu, Mme D..., épouse A..., qui est née le 23 février 1964, déclare être entrée en France en 2017, sans être en mesure de le démontrer. Elle s'est mariée avec un ressortissant français le 5 février 2022, soit huit mois seulement avant l'arrêté attaqué, et ne justifie pas de l'ancienneté de sa relation avec ce dernier en se bornant à produire une attestation selon laquelle un contrat de fourniture d'énergie d'un logement a été souscrit aux noms des intéressés depuis le 1er septembre 2019. Elle est sans charge de famille et ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Enfin, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni en tout état de cause les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D..., épouse A....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La motivation du refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 3, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme D..., épouse A..., avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D..., épouse A..., doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. En second lieu, l'arrêté attaqué vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que Mme D..., épouse A..., n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à cet article en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne, que Mme D..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D..., épouse A..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL03038