Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière de l'Océan Atlantique a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a mise en demeure de faire cesser l'utilisation de locaux par nature impropres à l'habitation.
Par un jugement n° 2100316 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, la société de l'Océan Atlantique, représentée par Me Akdag, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2020 et la décision de rejet de son recours gracieux du 24 novembre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique dès lors qu'elle n'a signé ni un bail d'habitation ni un bail mixte avec la société DCLA Management, exploitante du fonds de commerce, mais un bail commercial qui comprenait notamment, au titre des éléments corporels, des réserves en sous-sol devant être utilisées pour les besoins du commerce à titre de seules réserves ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la nature des locaux loués qui ne sont pas à usage d'habitation ; la preuve de ce que les réserves de l'établissement loué seraient utilisées depuis 2011 comme un lieu d'habitation, n'est pas rapportée.
Une mise en demeure a été adressée le 10 avril 2024, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, au préfet des Pyrénées-Orientales qui n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une ordonnance du 24 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces de ce dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière de l'Océan Atlantique est propriétaire d'un immeuble situé 4, avenue du Paquebot des Sables, résidence la Sardane, sur le territoire de la commune de Le Barcarès (Pyrénées-Orientales). Après avoir cédé le fonds de commerce de vente alimentaire situé dans cet immeuble à la société DCLA Management, elle a conclu deux baux commerciaux avec cette dernière les 22 mars et 3 août 2017 portant respectivement sur les lots n° 5 et 193 et les lots n° 7, 195 et 196. Après un signalement de la commune de Le Barcarès, l'agence régionale de santé d'Occitanie a constaté, après une visite des lieux le 11 août 2020, que les réserves en sous-sols de l'immeuble étaient occupées et utilisées comme habitation principale par les exploitants du fonds de commerce et leurs trois enfants. Par un arrêté du 24 septembre 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a mis en demeure la société de l'Océan Atlantique, en tant que propriétaire, de faire cesser, dans un délai d'un mois, l'utilisation aux fins d'habitation de ces locaux regardés comme impropres par nature à l'habitation. Par courrier du 23 octobre 2020, la société a formé un recours gracieux, rejeté le 24 novembre 2020. La société de l'Océan Atlantique relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2020.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa version applicable au litige : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. La mise en demeure prévue au premier alinéa précise que, à l'expiration du délai fixé, en cas de poursuite de la mise à disposition des locaux impropres à l'habitation ou, le cas échéant, de non-réalisation des mesures prescrites, la personne qui a mis les locaux à disposition est redevable d'une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues à l'article L. 1331-29-1. Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. ". Le recours en annulation contre une telle mise en demeure du préfet est un recours de pleine juridiction. Il appartient, par suite, au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle il statue.
3. Il résulte de l'instruction que les locaux situés au sous-sol du bâtiment A de la résidence la Sardane, dont est propriétaire la société de l'Océan Atlantique, ne disposent pas d'éclairage naturel, de système de chauffage et d'aération, qu'ils présentent une hauteur sous-plafond inférieure à 2,20 mètres, comportent des canalisations en fibrociment dégradées, tandis que l'escalier menant au sous-sol présente des risques de chute. Par conséquent, ces locaux sont impropres à l'habitation. En application des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, ces locaux ne pouvaient être mis à disposition aux fins d'habitation.
4. Il résulte toutefois de l'instruction que la société DCLA Management s'est vu céder le
5 juillet 2018 par la société " Le Coco bar " un fonds pour l'exploitation d'un commerce de snack-bar et glacier comportant, notamment, la cession du bail commercial des locaux dans lequel il est exploité. Le bail commercial du 3 août 2017 afférent à ce fonds porte sur plusieurs lots comprenant au rez-de-chaussée du bâtiment un local d'activité et au sous-sol de ce bâtiment des réserves. S'agissant de la destination des lieux loués, ce bail stipule que " les locaux faisant l'objet du présent bail devront exclusivement être consacrés par le preneur à l'exploitation de son commerce de restauration traditionnelle, bar, tapas, préparation de plats cuisinés, glacier, vente sur place ou à emporter, à l'exclusion de tout autre, même temporairement ". Il résulte ainsi de ces actes que les réserves en sous-sol mises à disposition de la société DCLA Management par la société appelante concernent exclusivement des locaux dont l'usage est par définition commercial. Aussi, en aucun cas ces locaux ne pouvaient être utilisés à des fins d'habitation compte tenu de leurs aménagements et de leur configuration. De plus, comme l'indique le tribunal judiciaire de Perpignan dans son jugement du 10 janvier 2023, rejetant la demande de la société DCLA Management d'annulation de l'acte de cession de fonds de commerce sur le fondement de manœuvres dolosives, il n'est pas démontré qu'un bail d'habitation ou un bail mixte aurait été conclu, même verbalement, avec les gérants de la société exploitante du fonds. Enfin, les deux attestations faisant état de l'occupation des sous-sols à des fins d'habitation par les précédents gérants ne présentent pas de valeur probante suffisante dès lors qu'elles émanent d'une employée qu'un différend oppose à la société appelante et d'un employé de la société DCLA Management avec laquelle la société appelante est en litige. Enfin, à supposer même que les réserves en sous-sol du bâtiment en litige aient pu être occupées et utilisées comme logement par les précédents exploitants du fonds, cette circonstance n'est pas de nature à révéler que la société appelante aurait mis à disposition de la société DCLA Management des locaux à des fins d'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, la situation en litige résultant du détournement de l'objet du bail commercial par les exploitants du fonds de commerce. Par suite, en prenant l'arrêté en litige à l'encontre de la société appelante, qui ne pouvait être regardée comme ayant mis à disposition des locaux aux fins d'habitation, le préfet a méconnu l'article L. 1331-22 du code de la santé publique.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société de l'Océan Atlantique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2020 et, par voie de conséquence, du rejet de son recours gracieux du 24 novembre 2020.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à la société de l'Océan Atlantique.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril 2023, l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2020 et la décision de rejet du recours gracieux du 24 novembre 2020, sont annulés.
Article 2 : L'État versera une somme de 1 500 euros à la société de l'Océan Atlantique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de l'Océan Atlantique et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Copie pour information en sera délivrée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01478