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26/02/2025 | FRANCE | N°23TL01260

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 26 février 2025, 23TL01260


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée TotalÉnergies Marketing France a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 4 février 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle du sud-ouest du 9 octobre 2020, lui a infligé un avertissement à titre

de sanction disciplinaire.



Par un jugement n° 2102483 du 30 mars 2023, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée TotalÉnergies Marketing France a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 4 février 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle du sud-ouest du 9 octobre 2020, lui a infligé un avertissement à titre de sanction disciplinaire.

Par un jugement n° 2102483 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, et des mémoires complémentaires enregistrés les 29 août 2023 et 26 novembre 2024, la société TotalÉnergies Marketing France, représentée par Me Lhomme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la délibération du 4 février 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité lui a infligé un avertissement à titre de sanction disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- il a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le mémoire en défense présenté en première instance le 22 février 2022 par le Conseil national des activités privées de sécurité ne lui a pas été communiqué, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance des moyens soulevés et d'y répondre ;

- il est entaché d'un défaut de base légale ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la minute du jugement attaqué n'est pas signée par le président de la formation de jugement et le greffier d'audience.

En ce qui concerne la légalité de la décision en litige :

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, premièrement, le procureur de la République n'a pas été préalablement informé de la visite des agents du Conseil national des activités privées de sécurité dans les conditions prévues à l'article L. 634-1 du code de la sécurité intérieure, le fax faisant apparaître un envoi à un horaire fantaisiste le 20 janvier 2020 à 4 heures 49, pour une visite prévue le même jour à 14 heures, ne permettant pas d'assurer une information et un contrôle effectifs de la part de cette autorité ; deuxièmement, les agents de contrôle n'ont pas informé le responsable des lieux ou son représentant de son droit d'opposition à la visite prévu à l'article L. 634-2 du code de la sécurité intérieure et n'ont pas davantage identifié le responsable légal du site afin de recueillir son consentement ; troisièmement, les agents de contrôle ont pénétré sur le site de Lespinasse et procédé aux premiers constats sur place avant même de notifier les droits de la société au chef de dépôt, notamment son droit d'opposition à la visite ; enfin, quatrièmement, aucun compte-rendu contradictoire de visite n'a été établi, en méconnaissance de l'article L. 634-3 du code de la sécurité intérieure ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits dès lors que les activités exercées par l'agent polyvalent d'exploitation ne constituent pas des activités privées de sécurité au sens des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, mais relèvent des prescriptions de sécurité auxquelles est assujetti l'établissement de Lespinasse en application de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

- elle méconnaît le champ d'application des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure dont ne relève pas son activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 décembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Buisson, substituant Me Lhomme, représentant la société TotalÉnergies Marketing France, et de Me Daffis-Costa, substituant Me Claisse, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 janvier 2020, deux agents de contrôle de la délégation territoriale du sud-ouest du Conseil national des activités privées de sécurité ont procédé à la visite d'un dépôt pétrolier classé " Seveso " situé à Lespinasse (Haute-Garonne) exploité par la société TotalÉnergies Marketing France. À l'issue de ce contrôle, il a été relevé que cette société disposait d'un service interne de sécurité sans être titulaire de l'autorisation nécessaire à l'exercice d'une telle activité et qu'un salarié y était affecté pour exercer des missions de surveillance et de gardiennage sans être titulaire d'une carte professionnelle. Sur la base de ces constats, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a engagé une action disciplinaire à l'encontre de la société TotalÉnergies Marketing France. Par une délibération du 9 octobre 2020, la commission locale d'agrément et de contrôle du sud-ouest du Conseil national des activités privées de sécurité a infligé à cette société une interdiction temporaire d'exercer toute activité de sécurité pendant une durée de douze mois et une pénalité financière d'un montant de 10 000 euros à titre de sanction disciplinaire. Par une délibération du 4 février 2021, qui s'est substituée à la délibération précitée, la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé par la société, a prononcé un avertissement, pour les mêmes faits. La société TotalÉnergies Marketing France relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 4 février 2021 précitée.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. D'une part, l'article L. 634-3 du code de la sécurité intérieure dispose, dans sa version applicable au litige, que : " Les membres et les agents de la commission nationale ou des commissions d'agrément et de contrôle peuvent demander communication de tout document nécessaire à l'accomplissement de leur mission, quel qu'en soit le support, et en prendre copie ; ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles. Ils peuvent consulter le registre unique du personnel prévu à l'article L. 1221-13 du code du travail. Ils peuvent, à la demande du président de la Commission nationale ou de la commission d'agrément et de contrôle territorialement compétente, être assistés par des experts désignés par l'autorité dont ceux-ci dépendent. Il est dressé contradictoirement un compte rendu de visite en application du présent article dont une copie est remise immédiatement au responsable de l'entreprise ".

3. Il résulte de ces dispositions que la visite de contrôle d'un site au sein duquel sont exercées des activités mentionnées aux titres Ier, II et II bis du code de la sécurité intérieure donne lieu à l'établissement d'un compte-rendu de visite dressé contradictoirement dont une copie est, à l'issue du contrôle, remise immédiatement au responsable de l'entreprise.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa version alors en vigueur : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. ".

5. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité.

6. Par suite, si la société appelante ne peut utilement invoquer des moyens tirés des vices propres à la délibération initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle du sud-ouest du 9 octobre 2020, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, elle peut, en revanche, exciper de l'irrégularité de la procédure suivie devant cette instance.

7. Enfin, les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport intitulé " démarches entreprises " rédigé par l'agent de contrôle et du compte-rendu final de contrôle, tous les deux datés du 29 juin 2020, que la visite, opérée le 20 janvier 2020 dans les locaux de la société TotalÉnergies Marketing France, a donné lieu à des constatations matérielles ayant permis de caractériser des manquements à l'encontre de cette société. En particulier, l'agent de contrôle a relevé, sur la base de constatations visuelles, que ce site, ayant le caractère d'une installation classée pour la protection de l'environnement, est équipé de grillages hauts, d'un système de caméras, d'un système de portes coulissantes pour la gestion de l'entrée et de la sortie des véhicules et d'un tourniquet sécurisé actionné par l'usage de badges magnétiques pour l'accès des piétons. L'agent de contrôle a également relevé que ces équipements sont implantés à proximité d'un local où se trouve un agent polyvalent chargé du contrôle de l'accès et de la supervision d'un ensemble d'écrans retransmettant les images captées par les caméras de vidéoprotection implantées sur le site. Interrogé par l'agent de contrôle sur la teneur exacte de ses missions, ce salarié a indiqué, d'une part, être responsable du filtrage de l'accès au site au moyen du tourniquet, d'autre part, de la supervision des écrans de retour des caméras de vidéoprotection et des vérifications visuelles requises et, enfin, de donner l'alerte en cas de déclenchement d'une alarme anti-intrusion. Ce salarié a précisé être relayé, depuis le 31 décembre 2019, dans l'exercice de ces mêmes missions, par une société de sécurité privée chargée d'assurer des vacations durant la nuit, les fins de semaine et les jours fériés.

9. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un compte-rendu contradictoire de la visite du site ait été dressé et remis au responsable du centre immédiatement après la visite, laquelle a eu lieu le 20 janvier 2020, comme le prévoient pourtant les dispositions précitées de l'article L. 634-3 du code de la sécurité intérieure applicables en l'espèce. Il ressort au contraire des pièces du dossier que ce compte-rendu n'a été remis à la cheffe du service " exploitation et méthodes " de l'établissement que plusieurs mois après, soit le 29 juin 2020, lors de son audition en la forme administrative dans les locaux du Conseil national des activités privées de sécurité, alors que cette dernière n'était pas présente lors de la visite de contrôle. Cette remise tardive du compte-rendu, qui plus est à une personne n'ayant pas assisté au contrôle, a privé la société appelante de la garantie consistant à bénéficier immédiatement d'un compte-rendu contradictoire de cette visite et, par voie de conséquence, de pouvoir formuler des observations en réponse aux constatations visuelles et aux informations recueillies par l'agent chargé du contrôle. Par suite, la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 4 février 2021 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 634-3 du code de la sécurité intérieure et doit, compte tenu de la garantie dont la société concernée a été privée, être annulée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner ni la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la société TotalÉnergies Marketing France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société TotalÉnergies Marketing France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Conseil national des activités privées de sécurité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société TotalÉnergies Marketing France et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2102483 du 30 mars 2023 et la délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité du 4 février 2021 sont annulés.

Article 2 : La Conseil national des activités privées de sécurité versera à la société TotalÉnergies Marketing France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée TotalÉnergies Marketing France et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré prolongé après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 février 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01260
Date de la décision : 26/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Professions - charges et offices - Accès aux professions.

Professions - charges et offices - Discipline professionnelle - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SELARL LHJ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-26;23tl01260 ?
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