Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme D... C..., épouse A..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.
Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis leur demande, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, au tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement n° 2025684 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge de la fraction de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférente à la plus-value résultant de la cession de titres survenue en 2014, et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Pichon, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 13 février 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la somme de 100 000 euros inscrite au compte courant d'associé de M. A... ne constitue pas une distribution mais la cession d'une créance détenue par sa fille en rémunération de la cession de titres opérée le 23 septembre 2014 ;
- la présomption d'appréhension ne pourrait porter que sur le résultat fiscal imposable rectifié, soit 24 422 euros ;
- l'administration ne justifie pas l'appréhension de revenus distribués dès lors que la situation de trésorerie de la société ne leur permettait pas d'en disposer ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ;
- elles ne peuvent être cumulées avec les pénalités prévues aux articles 1728 et 1758 A du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture immédiate de l'instruction est intervenue le 5 juillet 2024 par ordonnance du même jour en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
- et les observations de Me Pichon, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, faisant suite à la cession de titres dont M. A... disposait dans le capital de la société ETS A..., qui exerce une activité de commerce de gros dans le domaine agricole et dont M. A... était le dirigeant jusqu'en 2014. À l'issue de ce contrôle concomitant à la vérification de comptabilité de la société, le service a rectifié à la hausse la plus-value réalisée par M. A... à raison de la cession de ces titres, et a regardé comme distribuée une somme de 100 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé de ce dernier. En conséquence, le service a notifié à M. et Mme A..., par une proposition de rectification du 16 juin 2016 et selon la procédure contradictoire, son intention de mettre à leur charge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de pénalités. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 13 février 2023 en tant que le tribunal administratif de Montpellier, après avoir fait droit à leur demande en ce qui concerne la rectification de la plus-value de cession des titres, a refusé de faire droit au surplus de leur demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
2. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1690 du code civil : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ".
4. En premier lieu, M. et Mme A... soutiennent que la somme de 100 000 euros, inscrite le 30 septembre 2014 au crédit du compte courant d'associé détenu par M. A... dans les comptes de la société ETS A..., ne constitue pas une distribution au profit de ce dernier mais une cession de la créance du même montant détenue par sa fille dans les comptes de la société, opérée en rémunération de la cession à son profit des titres que M. A... détenait dans le capital de la société, intervenue le 23 septembre précédent. S'ils versent au dossier un acte de cession de créance censé corroborer leurs dires, cet acte, établi le 30 novembre 2016, soit postérieurement à la proposition de rectification qui leur a été adressée le 16 juin 2016, est insuffisamment probant pour justifier à lui seul de la réalité de cette cession de créance censée avoir été opérée le 30 septembre 2014, alors même qu'il a été signifié le 15 décembre 2016. Ni les termes de cet acte, ni les autres éléments versés au dossier ne permettent d'ailleurs d'identifier la nature et l'origine de la créance prétendument détenue par sa fille sur la société ETS A.... Au contraire, l'inscription de cette somme au crédit du compte courant d'associé de l'intéressé s'est accompagnée d'une inscription symétrique de la somme au débit du compte client-fournisseur de la SCI Willom, sans qu'aucun lien comptable puisse être établi avec l'opération de cession des titres de la société ETS A.... À cet égard et en tout état de cause, l'erreur d'inscription comptable qu'ils allèguent n'est corroborée par aucun élément du dossier. Il ressort, en outre, des mentions portées dans l'acte de cession des titres que tant sa fille que son gendre ont réglé les frais d'acquisition de ces titres par deux chèques tirés sur leur compte commun, dont M. A... leur a donné quittance définitive sous réserve d'encaissement. Si M. et Mme A... soutiennent que le chèque remis par leur fille n'a pu être encaissé, faute de provision, ils ne versent au dossier aucun document permettant de justifier du rejet de ce chèque ou même de la situation financière de leur fille, alors que l'administration fiscale fait valoir que le chèque remis par leur gendre a été tiré sur le compte le 14 janvier 2015. Dès lors, M. et Mme A... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que l'inscription de cette somme au crédit du compte courant d'associé de M. A... ne correspondait pas à la mise à disposition d'un revenu.
5. En deuxième lieu, s'agissant d'un rehaussement fondé non sur le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts mais sur le 2° du 1 de cet article, M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que le montant des distributions donnant lieu à imposition à leur charge ne pouvait excéder le montant du bénéfice imposable rectifié.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".
7. En se bornant à soutenir que les disponibilités de la société ETS A... s'élevaient à 1 576 euros au 30 septembre 2014, ainsi que le révèle le bilan de cette dernière, les appelants ne justifient pas que la situation de trésorerie de la société faisait obstacle à tout prélèvement de la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. A..., de la date d'inscription de cette somme le 30 septembre 2014 au 31 décembre 2014, et qu'ainsi l'administration fiscale n'était pas fondée à imposer cette somme au titre de l'année 2014.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article 1728 du même code : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ". Aux termes de l'article 1758 A de ce code : " I. -Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue (...). II. - Cette majoration n'est pas applicable : (...) b) Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728 [et] par l'article 1729 (...) ".
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des termes de la proposition de rectification du 16 juin 2016 adressée à M. et Mme A... que les pénalités prévues au a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts et au premier alinéa de l'article 1758 A de ce code ont été appliquées exclusivement au rehaussement portant sur le montant de la plus-value de cession des titres détenu par M. A... dans le capital de la société ETS A..., tandis que les pénalités prévues au a de l'article 1729 ont été appliquées au seul rehaussement portant sur la distribution de la somme de 100 000 euros inscrite le 30 septembre 2014 au compte courant d'associé de M. A.... Les appelants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'administration aurait à tort procédé à un cumul de ces pénalités. Du reste, le rehaussement lié à la plus-value de cession de titres a été intégralement déchargé en première instance, de sorte que l'intégralité des pénalités prévues au a du 1 de l'article 1728 et au premier alinéa de l'article 1758 A du code général des impôts ont été dégrevées.
10. En second lieu, pour justifier de l'application de pénalités pour manquement délibéré, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que la somme de 100 000 euros portée au crédit du compte courant d'associé de M. A... constituait une distribution au profit de M. A... qui, en sa qualité de dirigeant et d'associé de la société, s'est abstenu de la déclarer alors qu'il ne pouvait ignorer son caractère imposable. Ainsi que dit au point 4 du présent arrêt, M. et Mme A... échouent à démontrer que l'inscription de cette somme correspondrait à une cession de créance et non à un abandon de créance constitutif de distribution. L'administration fiscale doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de M. A... de se soustraire à l'impôt et était fondée, de ce fait, à assortir le rehaussement de pénalités pour manquement délibéré.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de leur demande à fin de décharge. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et D... C..., épouse A..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
Mme Fougères, première conseillère.
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00867