Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée So Fret a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2016, 2017 et 2018.
Par un jugement n° 2002764 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 avril et 12 octobre 2023, la société So Fret, représentée par Me Deleu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 février 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés dont elle bénéficiait sur le fondement de l'article 44 quindecies du code général des impôts, dès lors qu'en tant que commissionnaire de transport, elle n'était pas soumise au plafond de 100 000 euros d'aides de minimis applicable aux entreprises uniques actives dans le transport de marchandises par route pour compte d'autrui en vertu de l'article 3 du règlement UE n° 1407/2013.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 31 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2023.
Un mémoire présenté pour la société So Fret a été enregistré le 22 novembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
- et les observations de Me Babin, représentant la société So Fret.
Considérant ce qui suit :
1. La société So Fret, qui exerce une activité d'affrètement et d'organisation de transports routiers de marchandises à Saint-Chély-d'Apcher (Lozère), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, son intention de mettre à sa charge, notamment, des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 juin 2016, 2017 et 2018, au motif qu'elle n'était pas en droit de bénéficier de l'exonération prévue par l'article 44 quindecies du code général des impôts du fait qu'était dépassé le plafond d'aide de 100 000 euros prévu par les dispositions du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, en raison de ce qu'elle avait bénéficié de réduction de cotisations sociales excédant ce montant. La société So Fret relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt sur les sociétés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts : " I. -Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) V. - Le bénéfice de l'exonération et de l'imposition partielle est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis (...) ". Aux termes du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 visé ci-dessus : " (...) Le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique active dans le transport de marchandises par route pour compte d'autrui ne peut excéder 100 000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux. Ces aides de minimis ne peuvent servir à l'acquisition de véhicules de transport de marchandises par route ". Le 5ème considérant introductif de ce règlement précise : " Afin de tenir compte de la taille moyenne réduite des entreprises actives dans le transport de marchandises par route, il convient de maintenir le plafond de 100 000 EUR pour les entreprises exerçant des activités de transport de marchandises par route pour compte d'autrui. Les services intégrés dans lesquels la composante transport n'est qu'un élément parmi d'autres, tels que les services de déménagement, les services postaux ou de courrier ou les services de collecte ou de traitement des déchets, ne doivent pas être considérés comme des services de transport. Au regard de la surcapacité dans le secteur du transport de marchandises par route et des objectifs de la politique des transports en ce qui concerne la congestion routière et le transport de marchandises, les aides visant à l'acquisition de véhicules de transport de marchandises par route par des entreprises réalisant du transport de marchandises par route pour compte d'autrui doivent être exclues du champ d'application du présent règlement (...) ".
3. D'autre part, l'article L. 1411-1 du code des transports définit les commissionnaires de transport comme " les personnes qui organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises selon les modes de leur choix pour le compte d'un commettant ". Aux termes de l'article R. 1411-1 de ce code : " Les activités du commissionnaire de transport sont les suivantes : 1° Les opérations de groupage, par lesquelles des envois de marchandises en provenance de plusieurs expéditeurs ou à l'adresse de plusieurs destinataires sont réunis et constitués en un lot unique en vue de leur transport ; 2° Les opérations d'affrètement par lesquelles des envois sont confiés sans groupage préalable à des transporteurs publics ; 3° Les opérations de bureau de ville par lesquelles le commissionnaire prend en charge des colis ou expéditions de détail et les remet séparément soit à des transporteurs publics, soit à d'autres commissionnaires de transport ; 4° Les opérations d'organisation de transport par lesquelles le commissionnaire prend en charge des marchandises en provenance ou à destination du territoire national et en assure l'acheminement par les soins d'un ou plusieurs transporteurs publics par quelque voie que ce soit ".
4. La société So Fret soutient qu'en tant que commissionnaire de transport, elle se borne à réaliser des tâches administratives d'organisation du transport de marchandises, sans exécuter elle-même la prestation de transport, confiée à un transporteur, et qu'ainsi le plafond de 100 000 euros d'aides de minimis prévu par les dispositions précitées du règlement du 18 décembre 2013 ne lui est pas applicable. Toutefois, au contraire d'autres textes européens règlementant le domaine du transport routier, tels que les règlements du 21 octobre 2009 (CE) n° 1071/2009 et (CE) n° 1072/2009, le 2 de l'article 3 du règlement n° 1407/2013 ne vise pas seulement les transporteurs eux-mêmes mais l'ensemble des entreprises uniques actives dans le transport de marchandises par route pour compte d'autrui. Eu égard à l'intention du législateur européen, telle qu'elle ressort du 5ème considérant introductif de ce règlement, cette notion doit s'entendre comme englobant l'ensemble des entreprises actives dans le secteur du transport routier de marchandises. Alors même qu'un commissionnaire de transport routier ne disposerait pas d'une flotte de véhicules et n'exécuterait donc pas lui-même le transport, son activité s'exerce néanmoins dans le secteur du transport routier de marchandises pour compte d'autrui. Si le 5ème considérant introductif du règlement exclut de son champ un certain nombre de " services intégrés dans lesquels la composante transport n'est qu'un élément parmi d'autres ", la finalité du service offert par un commissionnaire de transport, quand bien même il s'accompagnerait de la réalisation de certaines prestations accessoires, reste l'exécution du transport de marchandises, au contraire des exemples qui y sont mentionnés. Dès lors, la société So Fret n'est pas fondée à soutenir que les commissionnaires de transport de marchandises par route seraient exclus du champ des dispositions du second alinéa du 2 de l'article 3 du règlement n° 1407/2013.
5. Il résulte de ce qui précède que la société So Fret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés en litige.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions s'opposent à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société So Fret une quelconque somme au titre des frais qu'elle a exposés en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société So Fret est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée So Fret et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00860