Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées Briqueterie Bouisset, devenue la société par actions simplifiée Terres cuites d'Occitanie, a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes n° 2005415 et n° 2005416, de prononcer, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Albine (Tarn) au titre de l'année 2018 pour la première et de l'année 2019 pour la seconde.
Par deux jugements n° 2005415 et n° 2005416 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars et 30 octobre 2023, la société Terres cuites d'Occitanie, représentée par Me Bocognano, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005415 du 22 décembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation primitive de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Albine au titre de l'année 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision implicite rejetant sa réclamation n'est pas motivée ;
- la circonstance qu'elle est assujettie à l'impôt sur les sociétés n'est pas de nature à l'exclure du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1452 du code général des impôts ;
- son activité est de nature artisanale et non industrielle, de sorte qu'elle n'entre pas dans le champ de l'article 1499 du code général des impôts mais dans celui de l'exonération prévue à l'article 1452 de ce code ;
- elle est en droit de prétendre à une réduction de l'imposition sur le fondement de l'article 1467 du code général des impôts dès lors que des immeubles entrant dans la base d'imposition ont été détruits ;
- les locaux destinés à réaliser les ventes constituent des locaux commerciaux distincts des locaux regardés comme industriels et ne devraient pas entrer dans le champ de la cotisation foncière des entreprises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août et 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2023.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars et 30 octobre 2023, la société Terres cuites d'Occitanie, représentée par Me Bocognano, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005416 du 22 décembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, de la cotisation primitive de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Albine au titre de l'année 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 7 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision implicite rejetant sa réclamation n'est pas motivée ;
- la circonstance qu'elle est assujettie à l'impôt sur les sociétés n'est pas de nature à l'exclure du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1452 du code général des impôts ;
- son activité est de nature artisanale et non industrielle, de sorte qu'elle n'entre pas dans le champ de l'article 1499 du code général des impôts mais dans celui de l'exonération prévue à l'article 1452 de ce code ;
- elle est en droit de prétendre à une réduction de l'imposition sur le fondement de l'article 1467 du code général des impôts dès lors que des immeubles entrant dans la base d'imposition ont été détruits ;
- les locaux destinés à réaliser les ventes constituent des locaux commerciaux distincts des locaux regardés comme industriels et ne devraient pas entrer dans le champ de la cotisation foncière des entreprises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 août et 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts, son annexe III et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
- et les observations de Me Bocognano, représentant la société Terres cuites d'Occitanie.
Considérant ce qui suit :
1. La société Briqueterie Bouisset, devenue société Terres cuites d'Occitanie, exerce une activité de fabrication et d'émaillage de tuiles, briques, terres cuites et poteries à Albine (Tarn). Par les présentes requêtes, la société, qui estime que c'est à tort que l'administration fiscale a regardé son établissement comme un établissement industriel, relève appel des jugements du 22 décembre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de cette commune au titre des années 2018 et 2019. Les requêtes nos 23TL00614 et 23TL00617 de la société Terres cuites d'Occitanie présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la décision prise sur réclamation préalable :
2. Les irrégularités qui peuvent entacher la réponse par laquelle le directeur des services fiscaux rejette une réclamation contentieuse sont sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition contestée. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite rejetant cette réclamation ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1452 du code général des impôts :
3. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". Aux termes de l'article 1452 du même code : " Sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises : 1° Les ouvriers qui travaillent soit à façon pour les particuliers, soit pour leur compte et avec des matières leur appartenant, qu'ils aient ou non une enseigne ou une boutique, lorsqu'ils n'utilisent que le concours d'un ou plusieurs apprentis âgés de vingt ans au plus au début de l'apprentissage (...). / Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent, sans perdre le bénéfice de l'exonération prévue au présent article, se faire aider de leur conjoint, du partenaire auquel elles sont liées par un pacte civil de solidarité et de leurs enfants. / Ces dispositions sont applicables, sous les mêmes conditions, aux sociétés imposées dans les conditions prévues au 4° de l'article 8 (...) ". Aux termes de l'article 8 de ce code : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique (...) ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le bénéfice de l'exonération prévu à l'article 1452 du code général des impôts est réservé aux artisans personnes physiques et aux artisans associés uniques de sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime des sociétés de capitaux, qui en remplissent les conditions. La société Terres cuites d'Occitanie, société par action simplifiée soumise au régime des sociétés de capitaux et imposable à l'impôt sur les sociétés, ne peut donc prétendre au bénéfice de cette exonération, dont elle ne remplit d'ailleurs pas la condition tenant à l'absence de salariés. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut, dès lors, qu'être écarté.
En ce qui concerne l'application des règles relatives aux établissements industriels :
5. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...). / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant. Ces critères jurisprudentiels ont été repris, à compter de l'année 2019, à l'article 1500 du code général des impôts.
6. L'activité exercée par la société Terres cuites d'Occitanie dans la commune d'Albine, qui consiste en la fabrication et l'émaillage de tuiles, briques, terres cuites et poteries, constitue une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers. Il résulte de l'instruction, notamment du constat d'huissier du 26 novembre 2019 produit par la société elle-même, ainsi que de son site internet, auquel renvoie l'administration, que l'appelante dispose, pour la réalisation de son activité, d'une presse mécanique pour la fabrication des chapeaux de pilier et des tuiles faîtières, d'un transpalette et d'un gerbeur, d'au moins un four de grande taille permettant la cuisson de la poterie, d'un séchoir attenant alimenté par l'air chaud du four, d'une grande filière permettant le moulage des briques et de bras-robots réalisant l'enfournement et le défournement des briques de taille standard. Il est constant que la valeur brute comptable de ces équipements s'élève à environ 1,6 million d'euros au titre de chacune des années en litige, quand bien même leur valeur nette comptable après amortissements n'excèderait pas 166 033 euros, ce qui n'est pas démontré au demeurant. Enfin, l'extraction, le concassage et le mélange de l'argile issue de sa propre carrière nécessite l'emploi d'engins de chantiers que la société loue chaque année. Il est, dès lors, établi que les moyens techniques rendus nécessaires par l'activité de la société sont importants. Dès lors et pour ce seul motif, les installations de l'appelante constituent des installations industrielles, quand bien même le rôle de ces équipements dans le processus de fabrication ne serait pas prépondérant.
7. Aussi, les circonstances que la réalisation de certains produits et l'utilisation de certains équipements laisseraient encore une large part au travail manuel, que la part que représente la masse salariale dans le chiffre d'affaires et dans les charges d'exploitation avoisinerait les 40 % et serait supérieure à celle de ses concurrents industriels, et que la société ne spéculerait pas sur les matières premières puisqu'elle est propriétaire de sa propre carrière, ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère industriel de l'établissement. Il en va de même des circonstances que la société ait bénéficié du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts prévu à l'article 244 quater O du code général des impôts et soit titulaire du label " Entreprise du patrimoine vivant " prévu à l'article 23 de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dès lors que le bénéfice de ces dispositifs ne repose pas sur les mêmes critères que ceux prévus pour la détermination de la valeur locative des installations industrielles.
En ce qui concerne l'inclusion d'un bâtiment détruit :
8. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts que la valeur locative d'un bien figurant à un compte d'immobilisations corporelles du bilan de l'exercice clos, à la fin ou au cours de l'année précédant l'année d'imposition entre dans la base de la cotisation foncière des entreprises à moins que le contribuable n'établisse qu'au cours de cet exercice, ce bien a été détruit ou cédé, ou a, pour une autre cause, définitivement cessé d'être utilisable.
9. Si les factures et les pièces produites par la société Terres cuites d'Occitanie justifient de ce que le site industriel concerné a subi des évolutions au fil des ans et que des opérations de travaux impliquant une part de démolition ont eu lieu en juillet et août 2008, les éléments produits sont insuffisants pour apprécier la nature et l'étendue de cette démolition et pour justifier que la valeur comptable des actifs inscrits à son bilan pendant les exercices concernés serait erronée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la valeur locative devrait être corrigée sur ce point.
En ce qui concerne les locaux à usage de bureaux et de surface de vente :
10. D'une part, aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article (...). II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1494 de ce code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". L'article 324 A de l'annexe III à ce code dispose : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : (...) b. En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols terrains bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique (...) ".
11. La société Terres cuites d'Occitanie soutient que les constructions à usage de bureaux constituent une unité foncière distincte des bâtiments à usage industriel dont la valeur locative doit être évaluée selon la méthode de la comparaison prévue par l'article 1498 du code général des impôts et non selon la méthode comptable employée par l'administration. Elle fait valoir que ces constructions, qui accueillent des bureaux et un service de vente, sont physiquement séparées et ont une finalité distincte des installations industrielles. Toutefois, si le bâtiment en question est effectivement situé sur une parcelle cadastrale distincte et non contiguë de celles sur lesquelles se trouvent les autres bâtiments, les constructions abritant les activités administratives et commerciales de la société ne sont pas physiquement distinctes du reste de l'établissement industriel et concourent à l'activité exercée sur le site. La circonstance que deux bâtiments à usage d'habitation seraient présents sur les parcelles situées entre celle comportant le bâtiment commercial et celles comportant les installations industrielles, notamment, n'est pas de nature à faire obstacle à ce que l'ensemble de ces bâtiments puissent être regardés comme appartenant au même groupement topographique. La société appelante n'est donc pas fondée à soutenir que le bâtiment à usage de bureaux et de vente devrait être regardé comme une fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Terres cuites d'Occitanie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2018 et 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société Terres cuites d'Occitanie sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées Terres cuites d'Occitanie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL00614,23TL00617