Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de l'Aude a procédé au retrait de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2103186 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2023 et le 12 février 2024, Mme B..., représentée par Me Font, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021, par lequel le préfet de l'Aude lui a retiré son titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre à l'argument tiré de l'existence d'un premier jugement annulant l'arrêté de retrait pris à l'encontre de son fils, condamné pour les mêmes faits ;
- la décision portant retrait de son titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation s'agissant de la condition liée à la menace à l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 432-4 et L. 432-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale.
La procédure a été communiquée au préfet de l'Aude qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 13 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2024.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,
- les observations de Me Font, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1961, déclare être entrée en France au cours de l'année 2002. Elle a été titulaire de plusieurs titres de séjour continuellement renouvelés depuis le 1er août 2006 et a bénéficié, en dernier lieu, d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 15 octobre 2019 au 14 octobre 2021. Par un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de l'Aude a décidé de retirer le titre de séjour de l'intéressée. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". L'article L. 432-6 du même code dispose : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut être retirée à l'étranger ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40, 224-1-A à 224-1-C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1 et 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, au 7° de l'article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du code pénal ".
3. Pour retirer le titre de séjour pluriannuel détenu par l'appelante, le préfet de l'Aude s'est fondé sur les antécédents judiciaires de Mme B... et a estimé que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, dont le casier judiciaire ne comportait jusqu'alors aucune trace de condamnation, a été condamnée par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Béziers, le 6 septembre 2019, à une peine de deux ans d'emprisonnement, dont six mois avec sursis, et à une amende de 1 000 euros pour des faits de violence aggravée par deux circonstances, suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, commis le 25 mars 2016. Il ressort également des pièces du dossier que postérieurement à cette condamnation, le titre de séjour de Mme B... a été renouvelé par le préfet de l'Aude le 15 octobre 2019. En outre, l'arrêté portant retrait du titre de séjour pris par le préfet de l'Aude à l'encontre de son fils, condamné aux mêmes peines pour les mêmes faits et dont le casier judiciaire était également vierge jusqu'alors, a été censuré par le tribunal administratif de Montpellier au motif que les faits reprochés n'étaient pas suffisants pour caractériser une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées, par un jugement dont l'administration n'a pas fait appel. Dans ces conditions, et notamment en l'absence de toute argumentation contraire de la part de l'administration, les faits reprochés, qui présentent un caractère ancien et isolé, ne sauraient suffire à caractériser une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public. Par suite, le préfet de l'Aude a commis une erreur d'appréciation en décidant de retirer le titre de séjour de Mme B... au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, y compris ceux qui sont relatifs à la régularité du jugement, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2021 du préfet de l'Aude.
Sur les frais liés au litige :
5. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Font au titre des frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 mai 2021 du préfet de l'Aude est annulé.
Article 3 : L'État versera au conseil de Mme B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle dans les présentes affaires, la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Victor Font et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23TL01077