Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302070 du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2024, M. A..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; sinon, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen tiré de l'absence de motivation soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
Il soutient, en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Il soutient, en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, que :
- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- elle est privée de base légale dans la mesure où elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par décision du 12 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Faïck, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant géorgien né le 20 juin 1970, a déclaré être entré sur le territoire français le 12 juillet 2022. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 19 juillet 2022. Sa demande a été rejetée en procédure accélérée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 27 décembre 2022. Sa demande de réexamen, déposée le 8 janvier 2024, a été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 10 janvier 2024. Entre temps, par un arrêté du 23 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 12 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2023 présentée par M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de ses écritures de première instance que M. A... a soulevé un moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi. Le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'une omission à statuer et à en demander l'annulation, pour irrégularité, en tant qu'il statue sur sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.
3. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse à l'encontre de l'arrêté du 23 mars 2023 en tant qu'il fixe le pays de renvoi et de se prononcer sur les autres conclusions par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 611-1 (4°) et L. 542-2 (1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne avec une précision suffisante les considérations de faits sur lesquelles il repose, rappelant en particulier les conditions d'entrée et de séjour du requérant sur le territoire français, les étapes de sa procédure d'asile et les éléments caractérisant sa vie privée et familiale. Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié... ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales produites, que M. A... souffre d'une cirrhose post virale C en cours de traitement, aggravée d'un carcinome hépatocellulaire. Le certificat médical versé au dossier, rédigé le 10 mars 2023, indique que M. A... a entamé un traitement par EPCLUSA (association médicamenteuse) lors de sa dernière hospitalisation. Toutefois, si les documents produits révèlent la nécessité pour le requérant de bénéficier d'un suivi médical, ils ne permettent pas d'estimer que leur absence exposerait celui-ci à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. De plus, si de telles conséquences devraient être reconnues, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 12 juillet 2022 et justifiait ainsi d'un séjour d'une durée de huit mois seulement à la date de la décision attaquée. De plus, sa présence sur le territoire français a seulement été rendue possible par le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. S'il se déclare marié et père de deux enfants majeurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est même pas allégué, que ces derniers séjourneraient sur le territoire français. M. A... n'apporte aucun élément lui permettant de se prévaloir d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant fixation du pays de renvoi :
9. En premier lieu, l'arrêté du 23 mars 2023 en litige a été signé, pour le préfet de la Haute-Garonne, par la directrice des migrations et de l'intégration, laquelle bénéficiait d'une délégation à cet effet en vertu d'un arrêté préfectoral du 13 mars 2023, publié le 15 mars suivant. Par suite, le moyen tenant à l'incompétence de l'auteure de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.
10. En deuxième lieu, l'arrêté en litige précise que la demande d'asile de M. A... a été rejetée en procédure accélérée par l'OFPRA dès lors que ce dernier était ressortissant d'un pays d'origine sûr. Cet arrêté précise encore que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
12. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. Si M. A... indique avoir fui son pays en raison de risques pour sa sécurité, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ses allégations. En outre, comme il a été exposé au point 6, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait accéder aux soins requis par son état de santé en cas de retour en Géorgie. Ainsi, et alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, son retour dans son pays d'origine ne saurait être regardé comme l'exposant à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. La présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302070 du 12 juin 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les conclusions de première instance de M. A... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à B... A... au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. FaïckLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL00392 2