Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 9 juin 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2201350 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2023, Mme B..., représentée par Me Pinson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201350 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 9 juin 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée ou familiale " ou " salariée " dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé, et se trouve entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ainsi que d'une erreur de fait, en ce qu'il se fonde sur le motif tiré de ce qu'elle aurait déposé une plainte, le 22 novembre 2018 à Nice, pour menace de mort réitérée, laquelle aurait été classée sans suite ; or à cette date elle se trouvait au Nigéria, à Lagos, ainsi que l'établissent les tampons apposés sur son passeport faisant état d'un départ pour Lagos le 10 septembre 2018 et d'un retour en France le 30 janvier 2019 ;
- le tribunal, à la demande du préfet, a procédé à une substitution de motif en retenant que le préfet aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder sur le motif tiré de l'absence de dénonciation de faits, condition à laquelle est subordonnée l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; néanmoins, le fait qu'à compter du 28 octobre 2014 il lui a été attribué une carte de séjour temporaire d'un an en qualité de victime de proxénétisme implique nécessairement qu'elle a dénoncé de tels faits par dépôt de plainte ou témoignage ; par ailleurs elle a dénoncé de tels faits entre 2009 et 2010 à Strasbourg.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 12 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur , a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante nigériane née le 17 août 1988, est entrée en France, selon ses déclarations, le 2 janvier 2007. Elle a fait l'objet, le 7 mai 2008, d'une décision rejetant sa demande d'asile présentée sous une autre identité. Par un arrêté du 8 juillet 2008, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Par arrêté du 19 janvier 2011, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de victime de proxénétisme et l'a obligée à quitter le territoire français. Néanmoins, Mme B... a obtenu, à compter du 28 octobre 2014, une carte de séjour temporaire d'un an en qualité de victime de proxénétisme, laquelle lui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 12 juin 2020. Le renouvellement de sa carte de séjour en cette qualité lui a cependant été refusé par une décision du 9 juin 2021 du préfet de la Haute-Garonne.
2. Mme B... relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 9 juin 2021.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne a visé les dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Cette décision mentionne, de plus, la date alléguée d'entrée en France de l'intéressée et les différents titres de séjour dont elle a bénéficié auparavant. Elle relève encore que si Mme B... a déposé plainte, en 2018, pour menaces de morts réitérées, cette plainte a été classée sans suite. Les éventuelles erreurs de fait qui entacheraient certains des motifs de la décision ne sont pas, par elles-mêmes, constitutives d'un défaut de motivation de la décision attaquée, laquelle énonce l'ensemble des considérations ayant permis à Mme B... d'en comprendre le fondement. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation du refus de séjour ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'étranger ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de victime de proxénétisme qu'à la condition, notamment, que la procédure pénale qu'il a engagée soit toujours en cours à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce sur sa demande.
6. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point 4 du présent arrêt, que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B....
7. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le refus de séjour est entaché d'une erreur de fait en retenant qu'elle a déposé une plainte à Nice, le 22 novembre 2018, pour menace de mort réitérée, alors qu'à cette date elle se trouvait au Nigéria. Toutefois, ce moyen est inopérant dès lors que le préfet avait, en première instance, demandé une substitution de motif, dont Mme B... ne conteste pas le bien-fondé, en opposant à cette dernière un nouveau motif tiré de ce qu'elle ne justifiait pas avoir déposé une plainte pour des faits de proxénétisme, ou dénoncé de tels faits, condition exigée à l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance du titre de séjour prévu au même article. Par suite, l'erreur de fait commise par le préfet est sans incidence sur la légalité de sa décision.
8. En troisième lieu, ainsi qu'il est dit au point précédent, l'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée à un dépôt de plainte pour des faits de proxénétisme ou à la dénonciation de tels faits. Faute pour Mme B... de justifier avoir déposé une telle plainte, que ce soit en première instance comme en appel, ou dénoncé des faits de cette nature, son moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. De même, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être retenu au seul motif qu'une carte de séjour en qualité de victime de proxénétisme a été attribuée à Mme B..., le 28 octobre 2014, dès lors que, comme il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige cette dernière avait déposé une plainte ou témoigné au cours d'une procédure.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02052 2