Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2105044 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Soulas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105044 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté dans son ensemble :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son auteur ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé au regard des éléments de fait et se trouve entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 6 (1°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle compte tenu du fait qu'il justifie d'une présence de plus de dix ans sur le territoire français, comme l'établissent les pièces qu'il produit au titre des années 2009 à 2016, le fait qu'il vit en concubinage avec une ressortissante algérienne en situation régulière qui a le statut d'handicapée et est mère de deux enfants mineurs dont il s'occupe depuis 2016 ; par ailleurs, l'un de ses frères, en situation régulière, a deux enfants de nationalité française ; il maîtrise la langue française et se trouve parfaitement intégré en France ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;
- le refus de séjour méconnaît l'intérêt supérieur des enfants de sa compagne au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant compte tenu des liens qui l'unissent à ces enfants ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur des enfants de sa compagne au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité qui affecte les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 23 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 1er juin 1985, est entré en France irrégulièrement à une date qu'il indique être, sans l'établir, le 29 décembre 2009. Il a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière le 12 janvier 2010, dont le recours en annulation a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 janvier 2010. M. A... a sollicité, le 14 janvier 2020, son admission au séjour sur le fondement de l'article 6 (1°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays destination de la mesure d'éloignement.
2. M. A... relève appel du jugement n° 2105044 du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen commun aux différentes décisions :
3. Par un arrêté du 15 décembre 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne n° 31-2020-290, le préfet de ce département a donné délégation à Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions de refus de séjour à quelque titre que ce soit, ainsi que les décisions prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur le refus de certificat de résidence :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne la date à laquelle M. A... serait entré en France, sa situation personnelle et familiale, caractérisée notamment par la présence sur le territoire français de sa concubine et de l'un de ses frères. Le préfet indique que, compte tenu de l'absence d'ancienneté, de stabilité et d'intensité de la relation alléguée avec sa concubine, et de la présence en Algérie de ses parents, de ses deux frères et trois sœurs, le refus de certificat de résidence ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, le préfet, qui n'était pas tenu de retracer l'intégralité des éléments caractérisant la situation personnelle de M. A..., a suffisamment motivé son arrêté. Cette motivation révèle également que le préfet a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. A....
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
6. M. A... allègue qu'il séjournerait en France depuis plus de dix ans, et produit au soutien de ses affirmations des pièces, de nature principalement médicale, en particulier pour les années 2011 à 2016. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que M. A... aurait séjourné de manière continue, ou même régulière, en France tout au long de ces années, notamment au cours de la période allant de 2008 à 2015.
7. En troisième lieu, M. A... n'a pas sollicité un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et la décision de refus de certificat de résidence ne se fonde pas davantage sur ces stipulations. Par suite, le moyen invoqué par M. A..., tiré de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, est inopérant et doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative : / 1° lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Ces dispositions s'appliquent aux ressortissants algériens lorsqu'ils se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord franco-algérien et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme c'est le cas en l'espèce. Toutefois, le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par l'accord franco-algérien auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les demandeurs qui s'en prévalent. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. A... n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence en France. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour et le moyen tiré du vice de procédure résultant de l'absence de saisine de cette commission ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Ainsi qu'il est dit au point 6 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... résiderait habituellement en France depuis plus de dix ans. Par ailleurs, s'il se prévaut de sa relation avec une ressortissante algérienne en situation régulière sur le territoire français, mais de santé fragile, et de ce qu'il s'occuperait des enfants de celle-ci , il ne démontre pas que l'état de santé de cette dernière nécessiterait une assistance particulière de sa part, et qu'il serait indispensable à l'entretien et à l'éducation des enfants de celle-ci compte tenu de liens affectifs qu'il aurait tissés avec eux. Par ailleurs, M. A... ne justifie pas de la réalité et a fortiori de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec son frère résidant en France. Plus généralement, il n'est pas établi au dossier que M. A... aurait noué en France des liens personnels ou familiaux revêtant un caractère ancien, intense et durable. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
13. Ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, M. A... n'établit pas être indispensable à l'entretien et à l'éducation des enfants de sa compagne et n'a, par ailleurs, aucune charge de famille sur le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
14. En septième lieu, il résulte de ce qui précède que l'arrêté en litige n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, faute d'illégalité de la décision de refus de certificat de résidence, le moyen invoqué par l'appelant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, par voie d'exception d'illégalité de ce refus, ne peut qu'être écarté.
16. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige, sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.
Sur le pays de renvoi :
18. En premier lieu, et alors que M. A... n'a pas fait état d'un risque auquel il serait exposé en cas de retour en Algérie, la décision fixant le pays de destination, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et indique que l'intéressé n'a pas demandé l'asile et n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie, est suffisamment motivée.
19. En second lieu, compte tenu de ce qui précède, l'appelant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de certificat de résidence et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays à destination.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01805 2