Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office public de l'habitat du Tarn a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Jacky Massoutier et Fils à lui verser, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la somme de 82 223,68 euros réactualisée sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction à la date de son paiement.
Par un jugement n° 2001402 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, régularisée le 28 avril 2023, l'Office public de l'habitat du Tarn, représenté par Me Laurent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 mars 2023 ;
2°) de condamner, sur le fondement de la garantie décennale, la société Jacky Massoutier et Fils à lui verser la somme de 82 223,68 euros toutes taxes comprises réactualisée sur la base de l'indice BT01 du coût de la construction à la date de son paiement ;
3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les désordres affectant les murs extérieurs, qui sont généralisés et évolutifs, rendent les bâtiments impropres à leur destination dès lors qu'ils portent atteinte à la bonne habitabilité des logements en ce qui concerne leur étanchéité à l'air et la qualité de l'acoustique ; ces désordres présentent donc un caractère décennal de nature à engager la responsabilité de la société Jacky Massoutier et Fils ;
- ces désordres sont imputables à la société Jacky Massoutier et Fils en charge du lot " Plâtrerie et isolation " ;
- il est en droit de prétendre à une indemnité en réparation de ces désordres dont le quantum correspond au montant des travaux de réparation évalué par l'expert judiciaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, la société par actions simplifiées (SAS) Jacky Massoutier et Fils, représentée par Me Binel, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit ramenée à de plus justes proportions et ne puisse excéder la somme de 62 232,48 euros ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les désordres en litige ne présentent pas un caractère décennal ; l'incidence de ces désordres sur l'étanchéité à l'air et sur l'acoustique des bâtiments n'est pas établie par l'expertise ; ces désordres qui portent sur un élément d'équipement dissociable, sont de nature purement esthétique et n'empêchent pas le fonctionnement normal des logements qui sont occupés ;
- ces désordres ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle a respecté les règles de l'art et qu'elle a été contrainte par le maître de l'ouvrage d'achever les enduits en plâtre et les joints en période hivernale alors que le hors d'eau et hors d'air n'étaient pas assurés ;
- le coût des travaux de reprise chiffré par l'expert judiciaire est critiquable dès lors que l'évaluation de ce dernier repose sur le devis de la société Manresa qui renferme une erreur matérielle et qu'elle se fonde sur des prix unitaires surévalués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Laurent, représentant l'office public appelant et celles de Me Binel, représentant la société Jacky Massoutier et Fils.
Considérant ce qui suit :
1. Au terme d'un acte d'engagement signé le 6 juillet 2012, l'Office public de l'habitat du Tarn a confié à la société Jacky Massoutier et Fils le lot numéro 8 " Plâtrerie - isolation " dans le cadre du projet de construction de 27 logements sociaux situés Camp Countal, dans la commune du Séquestre (Tarn). Par un acte d'engagement du 9 septembre 2010, la maîtrise d'œuvre de cette opération a été confiée à Mme C... A..., architecte. Les travaux se sont déroulés du 16 novembre 2012 au 5 juin 2014, date à laquelle ils ont fait l'objet d'une réception sans aucune réserve s'agissant de ce lot. A la suite de l'apparition de désordres dans l'ensemble des logements, consistant en des fissures intérieures au droit des jonctions entre les murs extérieurs et les panneaux en plaque de plâtre, plusieurs réunions d'expertise amiable ont eu lieu. A l'issue de ces réunions, le directeur général de l'Office public de l'habitat du Tarn a mis en demeure Mme A... de lui transmettre une note présentant la pathologie des désordres, les préconisations qu'elle avait adressées en cours de chantier pour réaliser les joints entre ces matériaux afin de respecter les règles de l'art, les prestations techniques à mettre en œuvre pour réparer les désordres ainsi qu'une estimation globale des travaux de réparation. En l'absence de réponse de Mme A..., l'Office public de l'habitat du Tarn a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse qui, par une ordonnance du 17 décembre 2018, a nommé M. D... en qualité d'expert. Ce dernier a rendu son rapport le 30 juillet 2019. L'Office public de l'habitat du Tarn relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, de la société Jacky Massoutier et Fils à lui verser une indemnité de 82 223,68 euros au motif que les désordres en litige ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination.
Sur la garantie décennale
2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination.
3. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que les désordres affectant les logements sociaux en litige, qui se situent au niveau des angles entre les murs extérieurs et les cloisons intérieures en plâtre et les plafonds des locaux, consistent en des décollements et des déformations des moitiés de bandes à joint et des raccordements collés sur l'enduit en plâtre des murs extérieurs. Dès lors que les bandes à joint et les raccordements en litige avaient vocation à faire corps avec le bâti, ces équipements doivent être regardés, contrairement à ce que soutient la société intimée, comme des équipements indissociables de ce bâti et susceptibles, à ce titre, d'engager la garantie décennale des constructeurs.
4. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'insuffisance d'adhérence de la colle sur le plâtre, à l'origine des désordres en litige, est due à une préparation inadéquate de la surface du plâtre devant être encollée. Si l'expert judiciaire indique que ces désordres sont généralisés et évolutifs, il ne précise cependant pas que l'évolution de ces derniers entraînerait inéluctablement un phénomène emportant des conséquences graves pour le bâti et de nature, à terme, à rendre les logements sociaux impropres à leur destination. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que l'étanchéité à l'air ou à l'eau ou que la qualité acoustique des bâtiments seraient compromises du fait des désordres en litige. Au contraire, il résulte de l'instruction que les logements sociaux ont été et restent occupés par des locataires dans des conditions dont il n'est pas allégué qu'elles seraient anormales. De plus, il est constant que les désordres en litige ne portent pas atteinte à la solidité des ouvrages. Dans ces conditions, ces désordres, qui par leur nature simplement esthétique n'ont pas eu pour effet d'affecter le fonctionnement normal des bâtiments destinés à l'habitation, ne sont pas de nature à rendre ces ouvrages impropres à leur destination. Dès lors, le caractère décennal de ces désordres ne peut être regardé comme étant établi.
5. Il résulte de ce qui précède que l'Office public de l'habitat du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Jacky Massoutier et Fils, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'Office public de l'habitat du Tarn.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office public de l'habitat du Tarn une somme de 1 500 euros à verser à la société intimée sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de l'Office public de l'habitat du Tarn est rejetée.
Article 2 : L'Office public de l'habitat du Tarn versera à la société Jacky Massoutier et Fils une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office public de l'habitat du Tarn et à la société Jacky Massoutier et Fils.
Copie pour information en sera délivrée à M. B... D..., expert.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00749