Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203090 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2023, M. A..., représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 18 octobre 2023.
Par une ordonnance du 29 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1964, déclare être entré en France, pour la première fois au cours de l'année 1996. Il est entré pour la dernière fois en France, postérieurement au 26 octobre 2018, date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour. Du 1er au 31 décembre 2017, M. A... a séjourné en France sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 28 décembre 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la " vie privée et familiale " et en qualité de salarié. Par un arrêté du 18 octobre 2021, le préfet de la Haute Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
3. L'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.
4. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants / 1° Un visa de long séjour ;(...) ". Dès lors que le préfet de la Haute-Garonne pouvait refuser de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " pour le seul motif tiré de ce que M. A... ne justifie pas détenir un visa de long séjour, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. D'une part, si M. A... se prévaut d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité de manœuvre polyvalent établie le 24 février 2020, il ne justifie, à l'exception de quelques bulletins de paie établis au cours de l'année 2007, soit plus de 13 années avant sa demande de titre de séjour, d'aucune expérience professionnelle particulière ni d'aucune qualification ou diplôme particulier de nature à permettre une mesure de régularisation de son séjour par le travail. D'autre part, à l'exception de la présence de sa sœur qui l'héberge, de nationalité française, et de celle de son frère, de nationalité espagnole, M. A... ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle sur le territoire français où il vit de manière précaire et isolée. Par ailleurs, la situation de l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans enfant, ne permet pas de caractériser l'existence de liens intenses, stables et anciens en France. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au titre de ses liens privés et familiaux en France et en refusant de régulariser sa situation en qualité de salarié dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant en tant qu'il est dirigé contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié à M. A..., laquelle n'appelle pas d'appréciation de ses liens privés et familiaux en France. D'autre part, à l'exception des éléments mentionnés au point 7, M. A... ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité des liens privés et familiaux qu'il a développés en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine alors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc, son pays d'origine où il a conservé des attaches dès lors qu'y résident ses deux sœurs selon les mentions portées sur sa demande de titre de séjour. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, où il est entré, pour la dernière fois, de manière récente au plus tard en 2018, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant.
10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.
11. M. A..., qui est entré sur le territoire français pour la dernière fois au plus tard au cours de l'année 2018, date à laquelle il a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour, se prévaut d'une présence en France depuis plus de dix ans. Outre que l'intéressé ne produit pas la copie intégrale de son passeport, laquelle permettrait d'établir s'il a quitté ou non " l'espace Schengen " au cours des dix années précédant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, les justificatifs produits au titre des années 2008 à 2018, qui ne sont pas diversifiés et ne comportent aucun élément de domiciliation, ce qui en limite la force probante, ne sont pas de nature à établir de manière certaine sa présence continue en France depuis plus de dix ans. Dans ces conditions, dès lors que M. A... ne démontre pas totaliser dix ans de résidence habituelle en France à la date de sa demande de titre de séjour et qu'il ne remplissait pas, ainsi qu'il a été dit au point 7, les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le vice de procédure allégué doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02103