La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2024 | FRANCE | N°23TL00761

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 décembre 2024, 23TL00761


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 mai 2021 par laquelle l'inspectrice du travail relevant de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement pour faute.



Par un jugement n° 2102197 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
r>

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 21 mai 2021 par laquelle l'inspectrice du travail relevant de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 2102197 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis transmise au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse,

M. B..., représenté par Me Soulier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 février 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 21 mai 2021 de l'inspectrice du travail ;

3°) de mettre à la charge de la société Edeis Aéroport de Nîmes et de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si la demande d'autorisation de son licenciement fait état de trois griefs, l'administration ne s'est fondée que sur le grief en lien avec son comportement prétendument déplacé à l'égard d'une salariée ;

- son comportement déplacé et les faits de harcèlement sexuel qui lui sont imputés à l'encontre d'une salariée de l'entreprise Mondial Sécurité ne sont pas matériellement établis ;

- son licenciement est en lien avec son mandat de représentant syndical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2023, la société Edeis Aéroport de Nîmes, représentée par Me Segond, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de M. B..., au vu des circonstances de droit et de fait à la date de ce réexamen, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les deux premiers griefs relatifs à la violation des règles de sûreté aéroportuaire et à la profération de menaces et d'intimidations, fondant sa demande d'autorisation de licenciement pour faute de M. B..., n'auraient pas dus être écartés par la décision attaquée ;

- les comportements et propos déplacés de l'appelant sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier, à eux seuls, le licenciement de ce dernier ;

- il n'existe pas de lien entre la demande d'autorisation de licenciement de l'appelant et son mandat syndical.

Par une ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 17 septembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Segond, représentant la société Edeis aéroport Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 11 juin 1970, a été recruté le 6 mai 2013 par la société d'exploitation de Nîmes Aéroport, devenue société Edeis Aéroport Nîmes, et affecté au poste d'agent d'escale polyvalent trafic 1. Il a été élu le 29 janvier 2021 en qualité de représentant de la section du syndicat aérien UNSA. Le 10 mars 2021, son employeur a sollicité l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. M. B... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 21 mai 2021 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour faute.

Sur les conclusions en annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

4. La décision attaquée, portant autorisation du licenciement pour faute de M. B..., est fondée sur les propos déplacés à caractère sexuel proférés par ce dernier à l'égard d'une salariée de l'entreprise Mondial Protection, seul grief retenu par l'inspecteur du travail parmi les trois formulés par l'employeur à son encontre.

5. M. B... conteste la réalité des propos déplacés à connotation sexuelle qui lui sont reprochés par une agente de sécurité de l'entreprise Mondial Protection pour lesquels cette dernière a déposé, le 1er février 2021, une main courante et adressé un courriel de dénonciation du 29 janvier 2021 à la direction de l'aéroport. Mais, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête contradictoire réalisée par l'inspectrice du travail, cette employée a relaté subir régulièrement les remarques déplacées à caractère sexuel de la part de l'appelant. A cet égard, la réalité de propos inconvenants ou déplacés proférés par M. B... à l'adresse de cette salariée est attestée par les témoignages d'employés de l'entreprise Mondial Protection et de la société Edeis Aéroport Nîmes qui ont déclaré, au cours de l'enquête, avoir personnellement entendu certains de ces propos ou avoir recueilli la parole de l'agente, en pleurs, à la suite d'avances déplacées de l'appelant. De plus, si le grief formulé dans la demande d'autorisation de licenciement ne concernait seulement que cette collaboratrice à l'origine de la dénonciation, les auditions réalisées au cours de l'enquête ont révélé à l'inspectrice du travail que d'autres salariées avaient fait l'objet de propos outrageants, d'avances insistantes ou scabreuses et de tentatives d'attouchements de la part de M. B.... Contrairement à ce que soutient l'appelant, ces témoignages concordants, qui mettent en évidence un mode de conduite répréhensible habituel de sa part à l'égard du personnel féminin, sont de nature à établir la réalité des faits qui lui sont reprochés. D'autre part, M. B... n'apporte aucun témoignage de la part de ses collègues ou de ses supérieurs hiérarchiques attestant qu'il ferait preuve d'un comportement respectueux et professionnel dans le cadre de ses relations avec le personnel féminin. A cet égard, la circonstance qu'il n'avait, jusqu'ici, fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire et qu'aucune plainte ou poursuite pénale n'ait été engagée à son encontre ne suffit pas à faire la preuve de son comportement irréprochable. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que non seulement la véracité des faits dénoncés par l'agente de sécurité est établie mais aussi que le comportement inapproprié de M. B..., qui ne peut être réduit à de simples propos triviaux adressée à une employée, présente un caractère répété, voire systématique, à l'égard du personnel féminin qu'il est amené à côtoyer dans le cadre de ses relations professionnelles. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits reprochés à M. B... seraient entachés d'inexactitude matérielle.

6. Ces faits sont constitutifs d'une faute qui, compte tenu de leur caractère dégradant ou offensant et répété envers les salariées qui en ont été les victimes, sont d'une gravité suffisante pour justifier, à eux seuls, le licenciement de l'intéressé.

7. Par ailleurs, la seule circonstance que la demande d'autorisation de licenciement pour faute présentée par l'employeur soit intervenue un mois après l'élection de M. B... le 29 janvier 2021 en tant que représentant d'une section syndicale de l'UNSA aérien, ne suffit pas à établir l'existence d'un lien entre cette demande de licenciement et le mandat détenu par l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 21 mai 2021.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'appelant, l'Etat et la société Edeis Aéroport Nîmes n'étant pas les parties perdantes.

10. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la société Edeis Aéroport Nîmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société Edeis Aéroport Nîmes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail et de l'emploi, et à la société Edeis Aéroport Nîmes.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00761
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute. - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23tl00761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award