Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle Distribution Services Industriels a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne à lui verser une somme de 138 935 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 7 avril 2016 et la capitalisation de ces derniers.
Par un jugement n° 2025765 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier, à qui la demande avait été attribuée par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a condamné le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne à verser à la société Distribution Services Industriels une somme de 9 147,84 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016 et de leur capitalisation.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2023 et des mémoires enregistrés le 26 juin 2023 et le 19 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Distribution Services Industriels, représentée par Me Ortholan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2022 en tant qu'il a condamné le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne à lui verser seulement la somme de 9 147,84 euros ;
2°) de condamner le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement à lui verser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, une somme de 130 643,60 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2016 et de leur capitalisation, en réparation du préjudice lié aux frais et investissement non amortis ;
3°) de mettre à la charge de ce syndicat mixte la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application de l'article 38 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, elle est en droit de prétendre, dès lors que le total des commandes n'a pas atteint le montant minimum fixé par le marché, à une indemnité d'un montant total de 130 643,60 euros en réparation du préjudice financier subi du fait des dépenses et des investissements non amortis réalisés en exécution du marché en litige ;
- pour l'exécution des lots 2, 3, 4 et 5 du marché public d'entretien des espaces verts et dont elle est titulaire et assurer l'entretien de ces espaces entourant les 180 ouvrages d'eau potable et d'assainissement gérés par le syndicat mixte, elle a dû acquérir plusieurs biens dont certains en crédit-bail pour un montant cumulé s'élevant, en 2012, à la somme de 106 249,01 euros ; ces dépenses d'investissement n'ont pas pu être réaffectées sur des missions d'entretien comparables dès lors qu'elle est spécialisée dans le secteur d'activité de l'impression ;
- elle n'a pas pu réaffecter le personnel, composé de huit salariés, recruté spécifiquement pour assurer l'exécution des lots 2, 3, 4 et 5 ; faute de bons de commande suffisants, les huit salariés recrutés n'ont pas pu être occupés à plein temps alors qu'elle a été contrainte de continuer à les rémunérer ; postérieurement au 30 juin 2013, seuls les postes de trois d'entre eux ont été maintenus pour l'exécution du marché en litige ;
- disposant de l'agrément d'entreprise adaptée et solidaire d'utilité sociale, les huit salariés recrutés pour l'exécution du marché en litige sont des travailleurs disposant de la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés ne pouvaient pas, du fait de leur handicap, être réaffectés sur une activité autre que l'entretien des espaces verts ;
- le syndicat mixte lui a proposé le 30 janvier 2019 de conclure un protocole transactionnel aux termes duquel il s'engageait à lui verser une somme de 45 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire, globale et définitive en réparation de l'ensemble des préjudices, frais et dépenses ; ce faisant, il a reconnu la réalité de ses préjudices tout en proposant une indemnité insuffisante.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril et 6 juillet 2023, le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne, représenté par Me Raimbault, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- en ce qui concerne les investissements en matériels réalisés par la société appelante, elle ne démontre pas qu'ils étaient pourvus de caractéristiques spécifiques exigées par le marché en litige empêchant qu'ils puissent être réutilisés à d'autres fins ou revendus à des tiers ;
- en ce qui concerne le recrutement de salariés pour assurer l'exécution du marché en litige, la société appelante ne démontre pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité de redéployer tout ou partie de son personnel sur d'autres missions ;
- la société appelante ne peut se prévaloir du fait que le recrutement de travailleurs disposant de la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés serait conforme à son objet social dès lors que les contrats de travail des huit personnes recrutées pour l'entretien des espaces verts ont été signés avant la mise à jour de ses statuts le 22 novembre 2013, laquelle lui a permis, mais seulement à cette dernière date, d'intervenir dans le secteur de l'entretien d'espaces verts ;
- le projet de protocole transactionnel ne vaut pas reconnaissance de sa responsabilité à hauteur de 45 000 euros.
Par une ordonnance du 6 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne a conclu avec la société Distribution Services Industriels cinq marchés à bons de commandes en vue d'assurer l'entretien des espaces verts autour d'ouvrages d'assainissements sur une période de quatre ans, courant de 2012 à 2015. Constatant que le montant minimum prévu pour les lots n° 2 à 5 de ce marché n'avait pas été atteint au terme des commandes, la société Distributions Services Industriels a demandé, par courrier du 22 juillet 2020, au syndicat mixte une indemnisation à hauteur de 138 935 euros en réparation, notamment, du préjudice financier subi du fait des dépenses et des investissements non amortis réalisés en exécution des marchés en litige. En l'absence de réponse à son mémoire en réclamation, elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation du syndicat mixte à lui verser la somme demandée. Par un jugement rendu le 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de la Haute-Garonne à verser à la société Distribution Industriels Services une somme de 9 147,84 euros et a rejeté le surplus de la demande. La société Distribution Services Industriels relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire à hauteur de 130 643,60 euros.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Aux termes de l'article 1.7 du cahier des clauses particulières du marché à bons de commande pour l'entretien des espaces verts en litige : " Les pièces constitutives du présent marché comprennent par ordre de priorité : 1. L'acte d'engagement ; 2. Le bordereau des prix unitaires ; 3. Le présent cahier des clauses particulières (...) ; 4. Le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services (...) ".
3. Aux termes de l'article 38 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services, faisant partie des pièces composant le marché public à bons de commande en litige : " Lorsqu'au terme de l'exécution d'un marché à bons de commande le total des commandes du pouvoir adjudicateur n'a pas atteint le minimum fixé par le marché, en valeur ou en quantités, le titulaire a droit à une indemnité, égale à la marge bénéficiaire qu'il aurait réalisée sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre ce minimum. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter au pouvoir adjudicateur toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. "
4. L'article 1.6 du cahier des clauses particulières précise que le marché en cause est un marché à bons de commande avec un montant de prestations minimum et maximum pour chacun des six lots. Ce montant minimum n'ayant pas été respecté au terme de l'exécution du marché à bons de commande en litige, d'une durée de quatre ans, pour les lots n° 2 à 5, la société Distribution Services Industriels est susceptible d'être indemnisée de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché, sous réserve que ces dépenses soient strictement nécessaires à son exécution et que cette part de frais et investissements n'ait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées.
5. En premier lieu, les achats de matériels de transports et d'équipements réalisés par la société Distribution Services Industriels pour les besoins de l'exécution du marché en litige, correspondaient à des immobilisations amortissables inscrites à l'actif de son bilan à l'exception des biens financés par une opération de crédit-bail qui, pendant la période de location, ne figuraient pas au bilan immobilisé de l'entreprise. D'une part, la société appelante n'établit pas, par la seule production des factures d'achats, que les acquisitions immobilisées n'auraient pas été amorties au cours de l'exécution du contrat, ni que l'ensemble de ces biens ne pouvaient être vendus ou loués à d'autres entreprises. D'autre part, dès lors que la société appelante a mis à jour ses statuts le 22 novembre 2013 en intégrant à son objet social l'entretien des espaces verts, ces biens matériels, qui ne présentaient aucune caractéristique spécifique ou adaptation imposée pour l'exécution du marché en litige, étaient susceptibles d'être réutilisés dans le cadre de cette activité. Par suite, n'étant pas strictement nécessaires à l'exécution du seul marché en litige, ces dépenses d'achat de matériels de transport et d'équipement ne peuvent être regardées comme des frais et investissements exclusivement liés à l'exécution du marché.
6. En second lieu, la société appelante, qui a obtenu un agrément du ministère du travail et de l'emploi et entre dans la catégorie des entreprises adaptées, emploie, de ce fait, majoritairement des travailleurs handicapés. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que le personnel affecté à l'exécution du marché conclu avec le syndicat mixte aurait exclusivement été recruté pour les seuls besoins du marché en litige. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics du 19 septembre 2017 que, dès l'année 2013 et donc en cours d'exécution du marché, ce personnel a été redéployé vers d'autres clients de l'entreprise. Ainsi, les dépenses de personnel engagées par la société appelante pour l'exécution du marché public à bons de commande en litige n'ont pas été strictement nécessaires à sa seule exécution. Par suite, elle ne peut prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distributions Services Industriels n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire à hauteur de de 130 643,60 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
9. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société appelante une somme de 1 500 euros au titre à verser au syndicat mixte intimé.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de la société Distribution Services Industriels est rejetée.
Article 2 : La société Distribution Services Industriels versera une somme de 1 500 euros au syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Distribution Services Industriels et au syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement de Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00302