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12/12/2024 | FRANCE | N°23TL02373

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 12 décembre 2024, 23TL02373


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit la circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2304033 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a

rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit la circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2304033 du 13 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder, sans délai, à la suppression de son signalement dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, au seul titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- est entachée d'un vice de procédure, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration n'ayant pas été respectées ;

- méconnaît le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;

- est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, tenant à ce que l'autorité préfectorale a considéré à tort que son comportement constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- est insuffisamment motivée ;

- est dépourvue de base légale ;

- est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

La décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- est entachée d'un vice de procédure, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration n'ayant pas été respectées ;

- méconnaît le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;

- est dépourvue de base légale ;

- est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, tenant à ce que l'autorité préfectorale a considéré à tort que son comportement constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024.

Par une décision du 17 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 6 décembre 1996 et se déclarant de nationalité serbe et italienne, serait entré en France en 2016 en vue d'y solliciter l'asile. Sa demande ayant été définitivement rejetée par les instances compétentes le 13 mars 2018, M. B... a fait l'objet, les 2 mai et 9 juillet 2019, d'arrêtés préfectoraux portant obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit la circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... fait appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2023 du préfet de la Haute-Garonne.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 17 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a prononcé la caducité de la demande d'aide de M. B.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :

3. En premier lieu, les décisions contenues dans l'arrêté du 7 juillet 2023 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui les fondent et ne sont pas insuffisamment motivées.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté par adoption des motifs pertinemment retenus par la magistrate désignée aux points 4 et 11 de son jugement.

5. En troisième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été auditionné le 6 avril 2023 par les services de police, préalablement à l'édiction des mesures litigieuses, et qu'il a été mis en mesure, à cette occasion, de faire valoir toute observation utile relative à sa situation personnelle ainsi qu'à la perspective d'un éloignement. Il ne ressort par ailleurs des pièces du dossier ni qu'il aurait sollicité en vain un entretien ni qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir des éléments susceptibles d'avoir une influence sur les mesures édictées à son encontre. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu manque en fait et doit être écarté.

7. En quatrième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... avant d'édicter à son encontre les décisions litigieuses.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui soutient être présent sur le territoire français depuis 2016, s'y maintient en dépit de deux précédentes mesures d'éloignement, ne justifie d'aucune intégration particulière et a été condamné, le 24 octobre 2018, à deux mois d'emprisonnement pour vol avec destruction ou dégradation, puis, le 25 mai 2022, à dix-huit mois d'emprisonnement pour plusieurs faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt avec circonstance aggravante. Contrairement à ce que soutient M. B..., le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas contenté de constater l'existence de condamnations pénales pour considérer que le comportement de l'intéressé entrait dans le champ d'application des dispositions précitées, mais s'est fondé sur la gravité ainsi que la réitération des faits commis. Eu égard tant à la gravité, au caractère récent et répété des agissements délictueux de M. B..., qu'aux éléments de sa situation personnelle, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni méconnu les dispositions précitées ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que son comportement constituait une menace actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. B... se prévaut de sa durée de séjour en France et de la présence des membres de sa famille. Il n'apporte toutefois aucun élément quant à la régularité du séjour de son épouse ni à la scolarisation de ses enfants. Alors que M. B... a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, il ne fait état d'aucun élément d'intégration particulière, de lui ou de sa famille, dans la société française. Il n'établit en particulier pas que ses beaux-parents seraient de nationalité française. Dans ces conditions et eu égard également aux éléments exposés au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure litigieuse porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle doit également être écarté.

12. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas accordé une attention primordiale à l'intérêt de ses trois enfants, M. B... n'assortit pas le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel ".

15. La grave menace à un intérêt fondamental de la société caractérisée par le comportement de M. B..., tel que décrit au point 9, constitue une situation d'urgence à l'éloigner du territoire français. Il s'ensuit que le préfet de la Haute-Garonne n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai pour demander l'annulation de la décision portant interdiction de circuler sur ce même territoire.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ". Pour fixer la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire français, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à la situation de l'intéressé, notamment la durée de son séjour en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, ainsi que de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

18. Compte tenu des éléments exposés au point 11, le moyen tiré de ce que la mesure d'interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté.

19. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le comportement de M. B... constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à un intérêt fondamental de la société, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-BèthbéderLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23TL02373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02373
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SELARL Sylvain LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23tl02373 ?
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