Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2200211 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 décembre 2021 et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant cette notification.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A..., et qu'aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour
3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'arrêté attaqué était entaché de défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- il avait présenté une demande sur le fondement de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation sur la régularité de son entrée sur le territoire français ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 24 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2023.
M. A... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les observations de Me Ouddiz-Nakache, avocate représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien entré en France, selon ses déclarations, le 16 février 2019 sous couvert d'un permis de résidence espagnol, à l'âge de dix-huit ans, a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français à la suite de laquelle le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 21 décembre 2021, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 21 février 2023 dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Si l'arrêté du 21 décembre 2021 mentionne à tort qu'un visa de long séjour était requis pour bénéficier de plein droit de la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de Français et que M. A... ne justifiait pas de la détention d'un tel visa, erreur qui n'aurait pu être censurée que sur le fondement d'une erreur de droit non invoquée devant le tribunal, il y est également mentionné que M. A... ne pouvait justifier d'une entrée régulière sur le territoire français durant la période de validité de son permis de résidence espagnol valable du 13 décembre 2018 au 13 novembre 2019. Il ressort en outre des termes de cet arrêté que le préfet de la Haute-Garonne a pris en compte les éléments de la situation personnelle de l'intéressé, notamment son mariage avec une ressortissante française, et a vérifié que sa décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. La circonstance que l'intimé ait produit des éléments de justification d'une entrée régulière non contredits par le préfet de la Haute-Garonne, qui s'est abstenu de produire une défense devant les premiers juges, si elle aurait été de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué pour erreur de fait, moyen qui n'était pas expressément soulevé devant le tribunal, n'était en revanche pas susceptible de justifier un défaut d'examen circonstancié de la situation de l'intéressé, qui ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut d'examen circonstancié de la situation de M. A....
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ainsi qu'en appel au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 décembre 2021.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il mentionne notamment le mariage de M. A... avec une ressortissante française, le 14 août 2021, la durée de son séjour ainsi que le fait que l'intéressé ne justifie pas remplir la condition d'entrée régulière exigée par les dispositions du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué par M. A... n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée et le bien-fondé. Il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
6. En troisième lieu, à supposer que M. A... ait entendu invoquer la violation du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui repris à l'article L. 233-1 de ce code, l'intéressé, de nationalité algérienne, n'entre pas dans le champ de ces dispositions, pas davantage que son épouse, de nationalité française.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance à un ressortissant algérien d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de ressortissant français n'est pas subordonnée à la détention d'un visa de long séjour mais à la simple entrée régulière sur le territoire français. La régularité de l'entrée en France d'un étranger soumis à la détention d'un visa, admis à séjourner sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne et en provenance directe du territoire de cet État est subordonnée à la souscription, au moment de l'entrée sur le territoire français, de la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de de la convention d'application du 19 juin 1990 de l'accord de Schengen et l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Pour justifier de la régularité de son entrée sur le territoire français, M. A... se borne à produire un bon de confirmation d'une réservation Flixbus pour un trajet à effectuer le 8 octobre 2019 entre Toulouse et Gérone. Toutefois, ce document est au contraire de nature à démontrer que M. A... a quitté le territoire français à cette date pour retourner en Espagne. Il n'est donc pas justifié que son permis de résidence espagnol était toujours valable à la date à laquelle il est entré pour la dernière fois sur le territoire français. À supposer même que ce soit le cas, et quelle que puisse être cette date d'entrée, l'intéressé ne conteste pas ne pas avoir souscrit auprès des autorités françaises, ainsi qu'il y était tenu, la déclaration prévue à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, comme l'affirme pour la première fois en appel le préfet de la Haute-Garonne. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de fait ou de l'erreur d'appréciation commise par le préfet dans l'application des stipulations précitées du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, à les supposer invoqués par M. A..., ne peuvent qu'être écartés.
9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France dès lors qu'il y réside depuis plus de deux ans auprès de son épouse et son frère, tous deux de nationalité française. Toutefois, les quelques documents épars versés au dossier par l'intéressé ne révèlent qu'une présence très ponctuelle sur le territoire français, et son mariage avec une ressortissante française seulement quatre mois avant la décision attaquée ne permet pas de justifier de l'ancienneté et de la stabilité de cette relation. En outre, M. A... ne prétend ni ne justifie être dépourvu de toute attache en Algérie, où il a vécu au moins jusqu'à ses dix-huit ans. La circonstance qu'il disposerait d'une promesse d'embauche établie par son frère n'est pas non plus de nature à justifier, à elle seule, une intégration professionnelle sur le territoire français. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 21 décembre 2021 refusant à M. A... la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200211 du 21 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que les conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00659