Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2005651 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 6 décembre 2022 et le 30 mai 2023, M. A..., représenté par Me Blondelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont entachées d'erreur de fait s'agissant de l'ancienneté et de la continuité de son séjour en France ;
- elles méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
- les décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 1er juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les observations de Me Blondelle, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc entré en France pour la dernière fois en 2009 selon ses déclarations, à l'âge de 51 ans, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en se prévalant tant de sa vie privée et familiale que de son état de santé, à la suite de laquelle le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 7 octobre 2020, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions dirigées contre les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du docteur B... (généraliste) du 22 mai 2023 que M. A... souffre de diabète de type 2, d'une cardiopathie ischémique ayant donné lieu à la pose d'un stent, de précordialgies atypiques ainsi que d'hypercholestérolémie, sans qu'il soit établi s'agissant de ces deux dernières pathologies qu'elles étaient antérieures à la décision attaquée. Si ce certificat, comme ceux établis par le docteur D... (généraliste) en 2018, sont de nature à démontrer que l'absence de prise en charge de l'intéressé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en revanche, ni ces certificats, ni l'article versé au dossier sur les principales causes de décès en Turquie, ne sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel M. A... pourra effectivement bénéficier d'une prise en charge adéquate en Turquie. Dès lors, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Haute-Garonne a pu refuser à M. A... de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'article L. 313-14 permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. D'une part, M. A... soutient qu'il réside en France de manière stable depuis 1982, qu'il n'a quitté le territoire que de manière ponctuelle en 2005, 2006 et 2009, qu'il y réside sans discontinuer depuis et qu'il y dispose de liens familiaux stables dès lors qu'y résident ses deux filles françaises, leur mère avec qui il a gardé un lien fort ainsi que de multiples relations amicales. Toutefois, s'il n'est pas contesté que M. A... a vécu en France de 1982 à 2003 sous couvert de cartes de résident en qualité de réfugié, l'intéressé a renoncé à ce statut en 2003 et ne justifie plus, à partir de cette date, que d'une présence très ponctuelle sur le territoire français. Ainsi, s'il y est revenu sous couvert d'un visa Schengen le 14 octobre 2006 et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, il a à nouveau quitté le territoire au cours de l'année 2007 sans attendre de réponse à sa demande. Il ne ressort des pièces du dossier ni que l'appelant y soit revenu avant la fin de l'année 2009, ni qu'il s'y serait maintenu après que le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour le 17 août 2010, dès lors qu'il a fait l'objet de deux refus de visas en 2011 et 2012 et indique lui-même dans la demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée en 2018 qu'il est entré pour la dernière fois en France via l'Italie en avril 2012. Les pièces du dossier, constituées pour l'essentiel de documents médicaux concentrés sur des périodes réduites et d'attestations de connaissances peu précises, ne permettent pas davantage de justifier la continuité de sa présence sur le territoire de 2012 à 2020. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 8 avril 2005, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour aide au séjour irrégulier, le 6 septembre 2005, à huit mois d'emprisonnement pour emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail, prêt de main d'œuvre à but lucratif hors du cadre légal et exécution d'un travail dissimulé, et, le 16 juin 2009, à un an d'emprisonnement pour délit de banqueroute, alors qu'il avait l'interdiction depuis le 6 juin 2003 de diriger, administrer ou contrôler une entreprise pendant dix ans. S'agissant de ses liens familiaux, si les deux filles françaises majeures de M. A... résident sur le territoire français, ainsi que leur mère avec qui il a gardé des liens, l'appelant est toutefois célibataire et n'est pas dépourvu d'attaches en Turquie au vu de ses déplacements fréquents et sur de longues périodes dans ce pays, où résident sa mère, son frère et sa sœur. Au demeurant, alors que l'intéressé s'est vu refuser en 2010 un titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et l'éducation de ses filles françaises, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait gardé des liens avec sa fille cadette, qui a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative ouverte dans les années 2010. Eu égard au caractère ponctuel de sa présence sur le territoire français, la circonstance que l'appelant y aurait noué de nombreuses relations amicales et s'y serait récemment rapproché de sa fille aînée et son petit-fils n'est pas de nature à révéler l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à lui ouvrir droit au séjour.
7. D'autre part, M. A..., âgé de 62 ans à la date de la décision attaquée, ne s'est prévalu d'aucune insertion professionnelle particulière sur le territoire français, son parcours professionnel étant en outre émaillé d'anciennes mais multiples condamnations. C'est, dès lors, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a pu refuser à M. A... son admission exceptionnelle au séjour.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
9. Eu égard à ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, M. A... ne justifie pas de la continuité et de la stabilité de ses attaches sur le territoire français et n'est pas dépourvu d'attaches en Turquie. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur la situation personnelle de l'intéressé.
10. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, c'est sans commettre d'erreur de fait que le préfet de la Haute-Garonne a pu considérer que M. A... ne justifiait pas de la continuité et de la stabilité de sa présence sur le territoire français.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les stipulations précitées en fixant comme pays de renvoi la Turquie.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22TL22463