Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2203822 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, Mme A..., représentée par Me Bautes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, le cas échéant sous astreinte, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet a commis une erreur de droit en examinant si elle avait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, alors que cette condition n'est pas requise pour l'application de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation sur la poursuite effective de ses études ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale car fondée sur un refus de titre lui-même illégal ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 24 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2024.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne entrée en France à l'aide d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " le 19 août 2016, à l'âge de 18 ans, a été munie de 2016 à 2022 de titres de séjour portant la mention " étudiant ". Par arrêté du 2 mai 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à la demande de renouvellement de titre de séjour qu'elle avait présentée le 7 mars 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. / Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Pour l'application de cet article, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est successivement inscrite en première année commune aux études de santé (PACES) à l'université de Montpellier durant les années universitaires 2016/2017 et 2017/2018 et a été ajournée pour les deux années consécutives, puis s'est inscrite à trois reprises en première année de licence " Sciences Technologies - portail Monod " de cette même université au titre des années universitaires 2018/2019, 2019/2020 et 2020/2021, sans parvenir malgré ces redoublements à valider sa première année, ni à augmenter ses résultats de manière significative. Mme A... soutient certes avoir pris conscience tardivement qu'un cursus scientifique n'était pas fait pour elle, justifie avoir validé, postérieurement à la décision attaquée, la première année de bachelor dans laquelle elle s'est inscrite au cours de l'année 2021/2022 auprès de l'école ESG de Montpellier et produit quelques attestations de proches et de deux enseignants de l'ESG soulignant son sérieux dans ses nouvelles études de commerce. Toutefois, ces seules circonstances ne sont pas de nature, au regard de l'absence de toute progression dans son cursus durant les cinq premières années qu'elle a passées en France, à entacher d'erreur d'appréciation la décision du préfet de l'Hérault quant à l'absence de caractère réel et sérieux de ses études.
4. En second lieu, comme le soutient Mme A..., c'est à tort que le préfet de l'Hérault a recherché au visa des stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne si elle disposait en France du centre de ses intérêts privés et familiaux, dès lors que ces stipulations ne subordonnent pas le renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " au respect d'une telle condition. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur le parcours universitaire de l'intéressée. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.
Sur les conclusions dirigées contre la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français :
5. En premier lieu, l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme A... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme A... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France dès lors qu'elle y poursuit avec succès des études, qu'elle a tissé de nombreux liens avec des amis qui témoignent de sa bonne intégration en France et qu'elle y dispose d'un membre de sa famille. Il ne ressort pas des pièces du dossier, toutefois, que l'appelante, célibataire et sans charge de famille en France, serait dépourvue d'attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans au moins. À cet égard, l'intéressée n'explique ni ne justifie la nature exacte des liens familiaux qui l'unissent à celui qui se présente comme " l'un [de ses] représentants légaux " dans l'attestation qu'elle verse au dossier. Par ailleurs, Mme A..., qui a validé seulement sa première année de bachelor postérieurement à la décision attaquée, après six ans passés en France, ne justifie ni qu'elle aurait un projet universitaire ou professionnel précis, ni avoir travaillé durant ses études. Si elle justifie avoir tissé des liens amicaux sur le territoire français, cette circonstance n'est pas suffisante pour établir qu'elle aurait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 2300506