Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2206499 du 18 janvier 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 24 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Francos, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 janvier 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 25 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane entrée en France irrégulièrement le 1er juillet 2017 selon ses déclarations, à l'âge de 19 ans, a présenté une demande d'asile, rejetée le 29 octobre 2021 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 août 2022. À la suite de ces refus, le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 21 octobre 2022, a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 18 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait procédé à un examen insuffisamment sérieux de la situation personnelle de Mme A..., qui n'indique d'ailleurs pas quels éléments de sa situation n'auraient pas été pris en compte.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme A... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France dès lors qu'elle y réside depuis cinq ans en situation régulière, qu'elle y entretient une relation amoureuse avec un ressortissant français depuis quatre ans et que sa sœur y réside également sous couvert d'un titre de séjour. Toutefois, l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de sa relation avec celui qu'elle présente comme son concubin n'est pas établie par la seule production de quelques photos et attestations de connaissances et d'une attestation d'Électricité de France comportant leurs deux noms mais établie postérieurement à la décision attaquée. En outre, si sa sœur est présente en France sous couvert d'un récépissé de demande de titre de séjour, ce récépissé ne préjuge pas du sort qui sera réservé à sa demande. Enfin, alors que Mme A... ne justifie d'aucune intégration professionnelle en France mais y avoir seulement tissé quelques amitiés, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans au moins. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ou sur les conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur celle-ci.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, l'illégalité de la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel Mme A... pourra être éloignée, ne peut qu'être écartée.
6. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. Mme A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle serait exposée à des risques de peines ou traitements inhumains en raison de son appartenance au groupe social des femmes nigérianes victimes d'un réseau de traite des êtres humains. Toutefois, alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours présenté contre cette décision, l'intéressée se borne à faire état de difficultés d'acheminement du courrier dans le centre d'accueil des demandeurs d'asile où elle était domiciliée qui l'auraient empêchée de se rendre à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile. À supposer ces difficultés avérées, celles-ci ne sont pas de nature à établir que Mme A..., qui ne justifie d'ailleurs ni avoir introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ni avoir présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, encourrait un risque réel et actuel en cas de retour au Nigéria. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées en fixant comme pays de renvoi le Nigéria.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23TL00369