Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Le Lézard a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016.
Par un jugement n° 2005991 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2023, la société le Lézard, représentée par Me Pugliese et Me Rosier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière au regard du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, du fait de la méconnaissance de l'option choisie par elle, de son manque d'information quant aux traitements effectués et à la possibilité de changer d'option, des modalités d'implantation et d'utilisation du logiciel ainsi que de réalisation des traitements ;
- il en est résulté une méconnaissance du débat oral et contradictoire ;
- le contrôle inopiné s'est déroulé en méconnaissance des garanties prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 47 A du livre des procédures fiscales du fait de l'emport physique de fichiers informatiques, sans confrontation ni restitution des scellés et sans bénéfice du délai raisonnable avant le début des opérations de contrôle ;
- sa comptabilité a été écartée à tort dès lors que, contrairement à ce qu'a estimé le service, elle n'est pas entachée, sur l'ensemble de la période vérifiée, d'irrégularités suffisamment graves ou ne pouvant s'expliquer par des éléments indépendants de sa volonté ;
- la méthode retenue pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires est incohérente, imprécise et conduit à une exagération des recettes ;
- elle ne tient pas suffisamment compte de la consommation des dirigeants et du personnel, des pertes et des offerts ;
- elle ne tient pas suffisamment compte du stock existant en début d'exercice ni de la correspondance entre certains achats et ventes considérés comme manquants ;
- le service a omis de tenir compte de la constitution d'un stock en fin d'exercice, de la vente ponctuelle en " vins du mois " ou au verre de bouteilles présentées à la carte, ainsi que de l'incidence des menus de groupe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Le Lézard ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 20 juin 2024 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la société Le Lézard a été enregistré le 20 juin 2024, postérieurement à la notification de l'ordonnance susvisée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rosier, représentant la société Le Lézard.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Lézard, qui exploite un restaurant à Palavas-les-Flots (Hérault), a fait l'objet d'un contrôle fiscal inopiné, le 14 décembre 2017, suivi d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a rejeté sa comptabilité et procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires. Par une proposition de rectification du 29 novembre 2018, elle a été informée de l'intention du service de procéder à des rectifications de ses résultats soumis à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et à des rehaussements de ses bases imposables à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2015 et 2016. La société fait appel du jugement du 7 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et du complément de taxe sur la valeur ajoutée trouvant leur origine dans le contrôle précité.
Sur la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) IV. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ". Aux termes du a du III de l'article L. 47 A de ce livre : " Dans le cadre du contrôle inopiné mentionné au dernier alinéa de l'article L. 47, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration peuvent réaliser deux copies des fichiers relatifs aux informations, données et traitements informatiques ainsi que de la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements mentionnés au IV de l'article L. 13. / Ces copies sont scellées selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé du budget. Une copie est remise au contribuable ou à son représentant, l'autre copie est conservée par l'administration. / A l'issue du délai raisonnable mentionné au dernier alinéa de l'article L. 47, les deux copies sont confrontées ".
3. Il résulte de l'instruction que le 14 décembre 2017, l'administration fiscale a procédé à un contrôle inopiné du restaurant " Le petit lézard " exploité par la société appelante, au cours duquel lui a notamment été remis un avis de vérification de comptabilité indiquant une première intervention le 10 janvier 2018. Au cours de ce contrôle, ont été réalisées deux copies sur clé USB des fichiers informatiques relatifs à la comptabilité de l'entreprise, placées ensuite dans deux enveloppes fermées dont l'une a été remise au représentant de la société et l'autre conservée par l'administration. Les copies ayant ainsi été réalisées dans le strict respect des dispositions précitées, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration se serait livrée à un emport irrégulier de pièces comptables. En outre, si l'omission de restitution des copies des fichiers d'écritures comptables, en méconnaissance des dispositions citées au point 2, peut entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent, elle est sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. La société appelante ne peut donc pas utilement faire état de l'absence de preuve de destruction des copies des fichiers remises au service. Par ailleurs, dès lors que les copies mises sous scellés n'ont pas été utilisées par l'administration, ce qui ne constituait pour elle qu'une simple faculté, la circonstance qu'elles n'aient pas fait l'objet de la confrontation prévue au dernier alinéa du a du III de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales précité n'a privé la société appelante d'aucune garantie. De même, les enveloppes scellées contenant les copies des fichiers comptables n'ayant pas été ouvertes, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les opérations de contrôle auraient débuté avant le début de la vérification de comptabilité, lequel est intervenu plus de trois semaines après la remise de l'avis de vérification, de sorte qu'elle n'a pas été privée de la garantie tenant au respect d'un délai raisonnable visé au dernier alinéa du a du III de l'article L. 47 A précité. Dans ces conditions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le contrôle inopiné se serait déroulé dans des conditions contraires aux garanties des articles L. 13, L. 47 et L. 47 A du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) / L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, après, le cas échéant, la remise des copies prévue au second alinéa du présent b, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration, dans les quinze jours suivant la formalisation par écrit de son choix, les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.
6. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du vérificateur du 10 janvier 2018, la société appelante a été informée, avec une précision suffisante, de la nature et de l'objet des traitements informatiques envisagés par le vérificateur ainsi que des différentes options s'offrant à elle pour la réalisation de ces traitements. L'administration n'était en revanche pas tenue, à ce stade, de l'informer expressément de la possibilité de changer d'option à tout moment de la procédure. Le 19 janvier 2018, le représentant de la société a choisi l'option prévue au a du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales précité. Conformément à son choix, les traitements ont été réalisés par M. B..., sur le matériel de l'entreprise, après installation sur celui-ci et avec l'accord de cette dernière, du logiciel ACL nécessaire à la réalisation des traitements. Contrairement à ce que soutient la société appelante, le respect de l'option prévue par le a du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales n'impliquait pas que le logiciel importé par l'administration fût utilisé sur un support externe. Au demeurant, et ainsi que le fait valoir l'administration en défense, le logiciel a été installé sur un ordinateur neuf fourni par la société pour les besoins du contrôle au vérificateur, qui a travaillé à partir de copies des fichiers des écritures comptables, de sorte que les traitements effectués n'ont fait courir aucun risque au système informatique utilisé pour l'exploitation du restaurant. Enfin, les traitements ayant été réalisés par M. B..., dont il est constant que l'identité et l'adresse administrative ont été communiqués au contribuable, il n'incombait pas à l'administration fiscale d'indiquer à la société les mêmes informations concernant M. A..., inspecteur divisionnaire expert informatique de la direction du contrôle fiscal Sud Pyrénées, qui s'est borné à activer la licence ACL pour le vérificateur. Il s'ensuit que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le service se serait livré à des traitements informatiques de sa comptabilité sans respecter l'option choisie par elle et en méconnaissance des garanties propres à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, il résulte notamment de la proposition de rectification et des lettres des inspecteurs des finances publiques ayant procédé au contrôle, datées des 10 janvier, 12 avril et 7 août 2018, que tant les modalités pratiques de mise en œuvre que les résultats des traitements informatiques auxquels a procédé le service ont pu être discutés oralement entre la société et le vérificateur, à l'occasion de plusieurs réunions qui se sont tenues les 10 janvier, 6 février, 9 et 20 avril et 25 juillet 2018 ou encore le 10 octobre 2018. Ces échanges ont d'ailleurs conduit le vérificateur à effectuer de nouveaux traitements pour tenir compte des remarques de la société. Au vu de ces nombreuses rencontres, dont la liste n'est au demeurant pas exhaustive, la société appelante ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pas été en mesure de discuter des traitements réalisés par l'administration fiscale dans le cadre d'un débat oral et contradictoire.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
8. Pour décider de rejeter la comptabilité de la société Le Lézard, le service s'est fondé sur l'absence d'état détaillé des stocks, sur l'identification insuffisante de certaines ventes du fait de l'utilisation de désignations génériques et imprécises, ainsi que sur la présence d'anomalies révélées par les traitements informatiques, à savoir la suppression de 3 437 enregistrements correspondant à un chiffre d'affaires de 54 270 euros toutes taxes comprises, et le décompte de 178 numéros de tickets manquants sur la période du 1er janvier 2015 au 10 octobre 2015. En outre, la comparaison effectuée par le vérificateur entre les données de caisse et les factures présentées n'a permis qu'un recoupement partiel, faisant apparaître, en dépit des rapprochements pouvant être admis, des ventes de vins sans achats correspondants, et inversement et dans une plus forte mesure, des factures d'achats sans reventes correspondantes. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'administration rapporte la preuve des graves irrégularités entachant la comptabilité de la société de nature à lui faire perdre son caractère sincère et probant, sans que la société puisse utilement invoquer une mise à jour de son logiciel ou encore le décès de son expert-comptable.
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
9. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) ". L'administration fiscale, qui n'a pas suivi l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'agissant de la quantité de bouteilles à prendre en compte au titre de la consommation des dirigeants et du personnel, des pertes et des offerts, supporte la charge de la preuve, sur ce point, du bien-fondé de la reconstitution de recettes à laquelle elle s'est livrée.
10. Il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Le Lézard, le vérificateur a appliqué la méthode des vins. Pour ce faire, il a procédé à la comparaison entre les données enregistrées par le logiciel de caisse et les factures d'achat de vin de la société. Ainsi que cela a été dit au point 8, un tel exercice a mis en évidence, pour certaines références de vin, des ventes supérieures aux achats ou sans achats correspondants, et pour d'autres, et dans une plus forte mesure, des achats sans recettes correspondantes. Le vérificateur a alors tâché de recouper, lorsque cela était possible, certains achats et ventes manquants, compte tenu des prix et des appellations figurant sur la carte des boissons. Il a ensuite procédé, au regard des proportions de reventes au verre, au pichet ou à la bouteille, déterminées dans le cadre de ses échanges avec la société, à la reconstitution du chiffre d'affaires correspondant aux factures d'achat pour lesquelles aucune vente n'avait été identifiée. Ce chiffre a été additionné à celui déjà déclaré par la société, et des correctifs ont ensuite été appliqués. Faute d'inventaire de stock détaillé et compte tenu de la faible variation globale du stock d'un exercice à l'autre ainsi que des explications de la société sur sa politique d'approvisionnement, le vérificateur a considéré les stocks comme constants sur toute la période vérifiée. Enfin, un coefficient a été appliqué sur le chiffre d'affaires " vin " ainsi reconstitué afin de déterminer les recettes d'ensemble de la société.
11. D'une part, pour contester la méthode ainsi décrite, la société appelante reproche au service de ne pas avoir suffisamment tenu compte de l'état de son stock initial. Alors qu'il résulte de l'instruction qu'il a été admis, dans la mesure où des factures d'achat antérieures à la période vérifiée ont pu être présentées par la société, l'utilisation de bouteilles provenant du stock initial, la société appelante ne peut reprocher à l'administration, faute d'être en mesure de présenter les inventaires détaillés de ses stocks, d'avoir considéré ceux-ci comme constants, sa position étant justifiée par les motifs rappelés au point précédent. La société appelante reproche également au service de ne pas avoir suffisamment tenu compte, dans le cadre des recoupements précédemment décrits, de l'utilisation de bouteilles figurant à la carte pour les ventes de " vins du mois ". Toutefois, ainsi que le fait valoir le service, le vérificateur a admis de prendre en compte, au titre de ces ventes, les vins susceptibles de correspondre à l'esprit d'une telle offre, l'utilisation sous cet intitulé de références de vin pérennes de la société étant peu crédible. L'administration relève en outre que les explications de la société relatives à l'utilisation de bouteilles de rosé " Dune " sont démenties par le fait qu'au titre de l'exercice 2015, les achats de rosé en vrac suffisent à expliquer les ventes au verre. Il résulte en outre de l'instruction que l'utilisation de bouteilles pour les ventes au verre a été admise par le vérificateur s'agissant de références dont le prix et l'appellation pouvaient correspondre aux verres figurant sur la carte, ce que la société ne conteste pas sérieusement en se bornant à affirmer que des erreurs auraient été commises à cette occasion pour le rapprochement entre les achats et les ventes de verres de vin rouge. Pour refuser, en revanche, de rapprocher les ventes de verre de vin avec des achats de bouteilles dont les références ne correspondaient pas aux verres indiqués sur la carte, que la société explique par les demandes de clients ou d'éventuelles ruptures d'approvisionnement, l'administration relève, à juste titre, que de telles ventes n'ont pas été enregistrées en tant que telles en comptabilité et qu'à les supposer avérées, elles n'ont pu être que marginales, faute de quoi la société aurait été conduite à faire évoluer sa carte, laquelle doit en principe être respectée. Il résulte encore de l'instruction que les menus " vin bio ", qui ne correspond pas à des menus de groupe contrairement à ce que soutient la société, n'ont pas été pris en compte dans la reconstitution compte tenu de leur incidence non significative. Enfin, la société Le Lézard n'indique pas dans quelle mesure le regroupement, par le vérificateur, de vins différents vendus sous la même identification dans le logiciel de caisse conduirait à une surévaluation de ses recettes.
12. D'autre part, la société appelante pointe la faiblesse du nombre de bouteilles retenues au titre de la consommation des dirigeants et du personnel, des pertes et des offerts, qui représentent moins de 1 % de son chiffre d'affaires. Elle se prévaut de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a estimé, lors de sa séance du 12 novembre 2019, que la prise en compte, par le service, de la consommation des dirigeants et du personnel, des pertes et des offerts, apparaissait insuffisante au vu des conditions réelles de l'activité de restauration. L'administration fiscale, qui n'a pas suivi cet avis, appuie toutefois le taux retenu sur plusieurs éléments. Elle a ainsi relevé que le taux d'offerts aux clients constaté sur les tickets de caisse, qui inclut en principe les vins " bouchonnés ", apparaissait particulièrement faible. S'agissant de la consommation du personnel, celle-ci n'a pas été évoquée spontanément lors des opérations de contrôle par la société et n'est pas corroborée par les données de caisse alors que le logiciel comporte une touche à cet usage. Le vérificateur a également relevé que la consommation du personnel avait déjà été mise en avant par la société pour expliquer d'importants écarts entre les achats et les ventes de bières et de softs. Quant à la consommation personnelle des dirigeants, le vérificateur a notamment tenu compte de l'absence de comptabilisation d'une partie des achats de bouteilles. Enfin, il a pris en compte les faibles capacités de stockage de bouteilles, limitant les casses et les vols. Dans ces circonstances, l'administration fiscale rapporte la preuve du caractère suffisant de la prise en compte d'une quantité de cent bouteilles par exercice au titre des offerts, des pertes et de la consommation des dirigeants et du personnel. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale justifie du bien-fondé de la reconstitution de recettes à laquelle elle s'est livrée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Le Lézard est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Le Lézard et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00016