Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200170 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 421-5 du même code dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- le jugement attaqué n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les articles L. 423-23 et L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en litige :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.
Par une ordonnance du 6 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention franco-mauritanienne relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie signée le 1er octobre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante mauritanienne née le 12 janvier 1990, est entrée en France le 12 septembre 2012 munie d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valable du 3 septembre 2012 au 3 septembre 2023. Elle a séjourné en France du 4 septembre 2013 au 30 septembre 2019 sous couvert de titres de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés avant d'obtenir un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " valable du 3 octobre 2019 au 2 octobre 2020, puis un titre de séjour portant la mention " entrepreneur - profession libérale " valable du 3 octobre 2020 au 2 octobre 2021. Le 16 septembre 2021, Mme A... a sollicité un changement de statut en vue d'obtenir un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 2 novembre 2021, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, Mme A... soutient, d'une part, que le jugement attaqué n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation personnelle et, d'autre part, que les premiers juges ont méconnu les articles L. 423-23 et L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, de tels moyens, qui ne tendent pas à remettre en cause la régularité de la décision attaquée mais le raisonnement adopté par les premiers juges, et qui se rattachent dès lors au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des points 2 et 3 du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par Mme A..., a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de fait et de droit retenus pour écarter de manière circonstanciée le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait lui-même insuffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour vise les dispositions applicables à la situation de Mme A..., en particulier les articles L. 421-5 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour. Elle mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français ainsi que les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour doit être rejetée. La décision en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est, dès lors, suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation de l'arrêté en litige, qui est exhaustive, que le préfet de l'Hérault se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de l'appelante.
6. En troisième lieu, d'une part, l'article 6 de la convention franco-mauritanienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er octobre 1992 stipule que : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle industrielle, commerciale ou artisanale, doivent être munis du visa long séjour prévu à l'article 4 après avoir été autorisés à exercer cette activité par les autorités compétentes de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article 13 de cette même convention : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale" d'une durée maximale d'un an ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui souhaite exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Dès lors que l'étranger est lui-même le créateur de l'activité, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée.
8. Il est constant que Mme A... a créé, le 14 septembre 2020, une micro-entreprise individuelle dans le domaine des études de marché et des sondages au titre de laquelle elle a obtenu une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/profession libérale " valable du 3 octobre 2020 au 2 octobre 2021. Toutefois, indépendamment des difficultés liées à l'état d'urgence sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, les déclarations de chiffre d'affaires, le compte de résultats prévisionnel sur trois ans et les avis d'impôts sur le revenu produits par l'intéressée ne permettent d'évaluer ni la viabilité économique de cette activité ni la capacité de Mme A... à en tirer des revenus sur une trajectoire plus longue. En particulier, il ressort des pièces du dossier, notamment des avis d'impôt sur le revenu de l'année 2020 que Mme A... n'a déclaré aucun revenu au titre de sa micro-entreprise sur cet exercice. De même, il ressort des avis d'impôt sur le revenus établis au titre de l'année 2021 que les moyens d'existence dégagés par Mme A... demeurent très faibles, cette dernière n'ayant déclaré que 3 300 euros de revenus au titre de son activité de micro-entrepreneuse, le chiffre d'affaires déclaré à l'URSSAF pour chacun des trimestres de l'année 2021 s'élevant respectivement à zéro euro, 900 euros, 1 530 euros et 870 euros. Les chiffres d'affaires déclarés à l'URSSAF au cours de l'année 2022 et des deux premiers trimestres de l'année 2023, qui s'élèvent respectivement à 7 133 euros, 4 102 euros et 6 781 euros, demeurent modestes et ne permettent pas de caractériser l'existence de ressources propres à assurer sa subsistance. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " à Mme A... dont la demande de titre de séjour souscrite en préfecture ne tendait qu'à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le cadre d'un changement de statut, mais qui a néanmoins été examinée également au titre de l'article L. 421-5 précité.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme A... se prévaut de sa présence en France, des diplômes qu'elle y a obtenus, de son intégration socio-professionnelle et des attaches familiales dont elle dispose, attestées par la présence de son frère et la naissance de sa fille, en 2017 à Montpellier, où cette dernière est scolarisée. Elle soutient ainsi y avoir noué des liens personnels et familiaux très forts. Toutefois, par ces éléments, Mme A... ne démontre pas, en dehors de la seule présence de son frère, l'intensité et la stabilité de ses liens privés et familiaux qu'elle a développés en France au regard de ceux qu'elle a conservés dans son pays d'origine alors qu'elle se déclare célibataire et ne produit aucun élément relatif à la situation en France du père de sa fille. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait totalement dépourvue d'attaches privées ou familiales et isolée dans son pays d'origine où sa fille pourra, compte tenu de son jeune âge, poursuivre sa scolarité, de sorte qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Mauritanie, pays dont l'appelante a la nationalité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant en tant qu'il est dirigé contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale ", laquelle n'appelle pas d'appréciation des liens privés et familiaux en France.
11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. L'illégalité de la décision portant refus de séjour n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 11, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01793