Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 8 octobre 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique a refusé de lui délivrer l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste conceptrice.
Par un jugement n° 2006550 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Lapuelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 8 octobre 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique lui a refusé l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste conceptrice ;
3°) d'enjoindre à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques de lui délivrer l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste conceptrice ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens, dont il était implicitement saisi, tirés de l'insuffisante motivation de la décision en litige et du défaut d'examen sérieux de sa demande ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision en litige ;
En ce qui concerne la légalité de la décision en litige :
- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est insuffisamment motivée
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors, premièrement, que la commission consultative, qui a réuni seize membres au lieu de onze, était irrégulièrement composée, deuxièmement, que l'avis rendu ne précise pas le sens des voix exprimées par les membres de la commission ni les écarts de voix, ce qui ne permet pas de déterminer si l'avis a été émis à l'unanimité ou à la majorité des membres de cette instance, et, enfin, troisièmement, que cette commission a pris en compte l'expérience acquise au sein d'une agence de paysagiste alors que ce critère n'est pas prévu par les textes et fait preuve ainsi de subjectivité dans l'examen de son dossier en appréciant ses capacités professionnelles de manière arbitraire ainsi qu'en témoignent les divergences d'appréciation entre les avis émis dans le cadre de ses différentes demandes ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplit l'ensemble des critères requis pour être autorisée à utiliser le titre de paysagiste conceptrice.
La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires lequel n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée par une lettre du 7 novembre 2023, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le décret n° 2017-673 du 28 avril 2017 ;
- l'arrêté du 28 août 2017 fixant les conditions de demande et de délivrance de l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste concepteur des personnes mentionnées au décret n° 2017-673 du 28 avril 2017 relatif à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur ;
- l'arrêté du 16 juin 2020 portant nomination des membres de la commission consultative relative à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Foucard, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., titulaire d'un brevet de technicienne supérieure agricole, option " aménagements paysagers ", a créé une agence de paysagiste au cours de l'année 2000. Le 4 août 2020, elle a présenté une demande tendant à être autorisée à utiliser le titre de paysagiste conceptrice sur le fondement de l'article 174 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Lors de sa séance du 16 septembre 2020, la commission consultative relative à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur a émis un avis défavorable à cette demande. Par une décision du 8 octobre 2020, la ministre de la transition écologique a refusé à Mme A... l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste conceptrice. Mme A... relève appel du jugement du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le cadre juridique applicable au litige :
2. Aux termes de l'article 174 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : " Seuls peuvent utiliser le titre paysagistes concepteurs, dans le cadre de leur exercice professionnel, les personnes titulaires d'un diplôme, délivré par un établissement de formation agréé dans des conditions fixées par voie réglementaire, sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception paysagère. / Pour bénéficier de ce titre, les praticiens en exercice à la date de publication de la présente loi doivent satisfaire à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 avril 2017 relatif à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur : " Peuvent être autorisés à utiliser, dans le cadre de leur exercice professionnel, le titre de paysagiste concepteur les personnes titulaires d'un diplôme qui sanctionne une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception paysagère d'une durée minimale de cinq années après le baccalauréat pour laquelle un dispositif d'évaluation nationale est prévu, et qui figure sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la politique du paysage, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture et de la culture ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " Les personnes qui, à la date de publication de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 susvisée, exerçaient une activité de conception paysagère sans remplir les conditions prévues à l'article 1er peuvent, pendant une période de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent décret, demander à être autorisées à utiliser le titre de paysagiste concepteur lorsqu'elles possèdent un diplôme sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception paysagère autre que celui prévu à l'article 1er ou lorsqu'elles justifient d'une expérience professionnelle minimale d'un an dans le domaine de la conception paysagère. / La demande est présentée (...) au ministre chargé de la politique du paysage, qui statue après avis de la commission consultative pour l'utilisation du titre de paysagiste concepteur. / Les critères d'exigence relatifs au diplôme, au contenu des formations y conduisant et à l'expérience professionnelle sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la politique du paysage, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture et de la culture ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 28 août 2017 fixant les conditions de demande et de délivrance de l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste concepteur : " (...) les connaissances et compétences du demandeur sont appréciées au regard des critères d'exigence suivants : / - capacité à concevoir le paysage par une démarche de projet de paysage ; / - capacité à mobiliser des connaissances générales liées au paysage et à les articuler ; / - capacité à élaborer un diagnostic des territoires et à comprendre les enjeux territoriaux ; / - capacité à communiquer, à exprimer et à mener des médiations de situations paysagères ; / - capacité à anticiper l'évolution d'un paysage ; - capacité à assumer une maîtrise d'œuvre opérationnelle et à travailler en équipe professionnelle pluridisciplinaire ; / - capacité à assumer plusieurs situations professionnelles. / Une description détaillée de ces critères d'exigence figure en annexe du présent arrêté. / Les personnes qui ne peuvent faire état, à travers leur formation et/ou leur expérience professionnelle, que d'activités de gestion, d'entretien, de maintenance de parcs ou d'espaces verts, de travail de chantier ou de production horticole, ne peuvent pas prétendre à utiliser le titre de paysagiste concepteur ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste concepteur est délivrée à toute personne titulaire d'un diplôme délivré par un établissement de formation agréé dans des conditions fixées par voie réglementaire, sanctionnant une formation spécifique de caractère culturel, scientifique et technique à la conception paysagère d'une durée minimale de cinq années après le baccalauréat. À titre transitoire, les personnes exerçant, à la date de la publication de la loi du 8 août 2016 précitée, une activité de conception paysagère sans toutefois détenir l'un de ces diplômes peuvent, en application de l'article 9 du décret du 28 avril 2017 relatif à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur et pendant une période de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de ce décret, demander au ministre chargé de la politique du paysage à être autorisées à utiliser ce titre, le ministre se prononçant, après avis de la commission consultative pour l'utilisation du titre de paysagiste concepteur, en tenant compte de la formation ou de l'expérience professionnelle détenues par la personne intéressée.
Sur la régularité de la décision ministérielle du 8 octobre 2020 :
4. D'une part, aux termes de l'article 3 du décret du 28 avril 2017 relatif à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur : " Il est créé, pour une durée de trois ans, une commission consultative chargée d'émettre un avis sur l'utilisation, par les personnes mentionnées aux articles 4 et 9 du présent décret, du titre de paysagiste concepteur, compte tenu de leur formation ou de leur expérience professionnelle. / La commission est présidée par le directeur général ou le directeur chargé de la politique du paysage ou son représentant. Sa composition est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la politique du paysage, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture et de la culture. (...). / La commission se réunit et délibère dans les conditions prévues aux articles R. 133-3 à R. 133-13 du code des relations entre le public et l'administration (...) ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 28 août 2017 fixant les conditions de demande et de délivrance de l'autorisation d'utiliser le titre de paysagiste concepteur : " La commission consultative prévue à l'article 3 du décret précité est présidée par le ministre chargé de la politique du paysage ou son représentant. / Elle comprend, outre son président : / 1° Deux directeurs d'établissement d'enseignement supérieur de paysage habilités à délivrer l'un des diplômes dont la liste figure dans le présent arrêté ou leurs représentants, désignés respectivement sur proposition du ministère chargé de la culture, du ministère chargé de l'agriculture et du ministère chargé de l'enseignement supérieur ; / 2° Un enseignant chargé d'enseignement dans l'un des établissements d'enseignement supérieur de paysage précités ; / 3° Six personnalités qualifiées dans le domaine de la conception paysagère, dont deux paysagistes titulaires d'un diplôme dont la liste figure dans le présent arrêté, désignées respectivement sur proposition du ministère chargé de la politique du paysage, du ministère chargé de la culture, du ministère chargé de l'agriculture et du ministère chargé de l'enseignement supérieur ; / 4° Un représentant de la maîtrise d'ouvrage, désigné par le ministère chargé de la politique du paysage. / Dans les catégories mentionnées aux 1°, 2° et 4°, des suppléants sont désignés selon les mêmes modalités que les membres titulaires ". Les membres de la commission consultative chargée d'émettre un avis sur l'utilisation du titre de paysagiste concepteur ont été nommés par un arrêté de la ministre de la transition écologique et solidaire du 16 juin 2020.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 133-10 du code des relations entre le public et l'administration : " Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents (...) ". L'article R. 133-11 du même code dispose que : " La commission se prononce à la majorité des voix des membres présents ou représentés. Lorsqu'il a droit de vote, le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix ".
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
7. Alors que les dispositions précitées de l'arrêté du 28 août 2017 fixent à onze le nombre de membres la composant, il ressort des pièces du dossier que la commission consultative relative à l'utilisation du titre de paysagiste concepteur, réunie le 16 septembre 2020 pour émettre un avis sur la demande présentée par Mme A..., comptait quinze personnes, au rang desquelles figuraient quatre représentants des directeurs d'établissement d'enseignement supérieur de paysage, dont deux suppléants, deux représentantes des enseignants chargés d'enseignement dans le domaine de la conception paysagère, dont une suppléante, cinq personnalités qualifiées, une membre suppléante représentant les maîtres d'ouvrage, et enfin trois représentants du ministère de la transition écologique et solidaire dont la représentante de la directrice générale de l'aménagement, du logement et de la nature et deux paysagistes-conseils de l'État. En outre, le compte-rendu de cette séance se borne à relever que la commission a émis un avis défavorable sans préciser le nombre de personnes ayant pris part au vote ni la répartition des voix exprimées, si bien qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis émis sur la demande de Mme A... aurait été émis à la majorité des membres présents ayant voix délibérative et que la participation des quatre membres surnuméraires, qui n'avaient pas vocation à siéger, n'aurait eu aucune incidence sur le sens de cet avis, quand bien même il revêtait un caractère consultatif. Dans ces conditions, l'irrégularité de la composition de la commission, consultée en application de l'article 3 du décret du 28 avril 2017, a été susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision attaquée. Par suite, ce vice de procédure entache d'irrégularité la décision attaquée.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de légalité soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que la décision en litige du 8 octobre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a seulement lieu d'enjoindre à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2006550 du 8 mars 2023 et la décision de la ministre de la transition écologique du 8 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01065