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10/10/2024 | FRANCE | N°24TL01521

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 24TL01521


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Cecoville a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne, prise lors de sa séance du 20 octobre 2023 et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne du 7 décembre 2023, portant mise à jour des paramètres départementaux d'évaluation des locaux professionnels pour les impositions 2024,

en tant que cette décision assigne un coefficient de localisation de 1,15 à la parcelle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cecoville a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne, prise lors de sa séance du 20 octobre 2023 et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne du 7 décembre 2023, portant mise à jour des paramètres départementaux d'évaluation des locaux professionnels pour les impositions 2024, en tant que cette décision assigne un coefficient de localisation de 1,15 à la parcelle cadastrée section AT n° 164 située sur le territoire de la commune de Roques (Haute-Garonne) et ne modifie pas le coefficient de localisation de 1,1 appliqué à la parcelle cadastrée section AT n° 168 située sur le territoire de la même commune.

Par une ordonnance n° 2400713 du 13 juin 2024, la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, en application des dispositions combinées des articles R. 351-3 du code de justice administrative et L. 201 D du livre des procédures fiscales, transmis à la cour le dossier de la requête et du mémoire de la société Cecoville, enregistrés au greffe du tribunal les 6 février et 29 avril 2024.

Procédure devant la cour :

Par cette requête et ce mémoire, enregistrés le 13 juin 2024 au greffe de la cour, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 29 juillet 2024, la société Cecoville, représentée par Me Schiano Gentiletti, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 20 octobre 2023 de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne, en tant qu'elle assigne un coefficient de localisation de 1,15 à la parcelle cadastrée section AT n° 164 et ne modifie pas le coefficient de localisation de 1,1 appliqué à la parcelle cadastrée section AT n° 168 ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne de fixer un coefficient de localisation de 1 sur les parcelles cadastrées section AT n° 164 et n° 168, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est justifié ni de la consultation régulière de la commission communale ou intercommunale des impôts directs, ni de la régularité de sa composition ;

- il n'est justifié ni de la régularité de la composition de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, ni du respect des règles de fonctionnement au cours de la délibération contestée ;

- la détermination d'un coefficient de localisation supérieur à 1 sur les parcelles en cause est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au sein du secteur d'évaluation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 et 31 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé .

Par une ordonnance du 10 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,

- et les observations de Mme A... pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision prise lors de sa séance du 20 octobre 2023 et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne du 7 décembre 2023, la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne a fixé la liste des parcelles affectées d'un nouveau coefficient de localisation à prendre en compte pour 2024, dans le cadre de la mise à jour permanente des valeurs locatives révisées des locaux professionnels prévue par le II de l'article 1518 ter du code général des impôts. La société Cecoville, propriétaire d'un centre commercial implanté sur les parcelles cadastrées section AT n° 164 et n° 168 situées sur le territoire de la commune de Roques (Haute-Garonne), a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir cette décision, en tant qu'elle assigne un coefficient de localisation de 1,15 à la première parcelle et ne modifie pas le coefficient de localisation de 1,1 appliqué depuis 2017 à la seconde parcelle. Le tribunal n'ayant pas statué dans le délai de trois mois prévu à l'article L. 201 D du livre des procédures fiscales, sa présidente a, par une ordonnance du 13 juin 2024, transmis à la cour la demande de la société Cecoville, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes du II de l'article 1518 ter du code général des impôts : " Au cours des troisième et cinquième années qui suivent celle du renouvellement général des conseils municipaux, la commission départementale des valeurs locatives mentionnée à l'article 1650 B peut se réunir afin de modifier l'application des coefficients de localisation mentionnés au 2 du B du II de l'article 1498 après avis des commissions communales ou intercommunales des impôts directs respectivement mentionnées aux articles 1650 et 1650 A (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise après avis, émis le 18 septembre 2023, de la commission intercommunale des impôts directs de la communauté d'agglomération " Le Muretain Agglo ", dont est membre la commune de Roques. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la régularité de cette consultation et de la composition de la commission intercommunale des impôts directs n'est pas justifiée n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

4. En second lieu, les moyens tirés de ce que ni la régularité de la composition de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne, ni le respect des règles de fonctionnement au cours de sa réunion du 20 octobre 2023 ne sont justifiés ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du cadre juridique du litige :

5. Le premier alinéa du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, repris, à compter du 1er janvier 2018, au second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, prévoit que la valeur locative des propriétés bâties est déterminée en fonction de l'état du marché locatif ou, à défaut, par référence aux autres critères prévus par cet article et qu'elle tient compte de la nature, de la destination, de l'utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou fraction de propriété considérée.

6. En prévoyant, par l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, de nouvelles modalités de détermination et de révision de la valeur locative cadastrale des locaux professionnels, en vue de l'établissement des impositions directes locales, le législateur a entendu fonder l'assiette des impositions frappant les propriétés bâties ayant un usage professionnel, jusque-là fixée par référence aux conditions du marché locatif au 1er janvier 1970, sur leur valeur locative réelle et renforcer ainsi l'adéquation entre ces impositions et les capacités contributives de leurs redevables.

7. À cette fin, le législateur a prévu la constitution de secteurs d'évaluation regroupant les communes ou parties de communes qui, dans chaque département, présentent un marché locatif homogène et le classement des locaux professionnels par sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination et, à l'intérieur de ces sous-groupes, par catégories, en fonction de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques. Il a également prévu la fixation, dans chaque secteur d'évaluation, de tarifs par mètre carré déterminés à partir des loyers moyens constatés par catégorie de propriétés. La valeur locative de chaque propriété bâtie est obtenue par application à sa surface pondérée du tarif par mètre carré correspondant à sa catégorie, modulé, le cas échéant, par l'application d'un coefficient de localisation de 0,7, 0,8, 0,85, 0,9, 1,1, 1,15, 1,2 ou 1,3, destiné, en vertu du 2 du B du II de l'article 1498 du code général des impôts, à tenir compte de la situation particulière de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation.

S'agissant de l'office du juge :

8. Si, en vertu des dispositions, issues du XV de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010, codifiées à l'article 1518 F du code général des impôts, les décisions fixant les tarifs applicables pour la détermination de la valeur locative d'un local professionnel ou la fixation d'un coefficient de localisation ne peuvent pas être contestées par la voie de l'exception à l'occasion d'un litige relatif à la valeur locative d'une propriété bâtie, ces décisions peuvent faire l'objet devant le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux par les personnes intéressées.

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Si le juge peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

10. Ainsi, lorsqu'un requérant conteste, devant le juge de l'excès de pouvoir, la fixation des tarifs applicables pour la détermination de la valeur locative d'un local professionnel ou la fixation d'un coefficient de localisation pour la parcelle sur laquelle se situe ce local et qu'il fait état d'éléments suffisamment étayés à l'appui de son recours, il appartient au juge de se déterminer sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, l'administration, sollicitée en tant que de besoin par le juge, devant apporter au débat les éléments relatifs au calcul de ces tarifs et, lorsqu'elle n'est pas suffisamment prise en compte par ceux-ci, à la situation de la parcelle en cause justifiant l'application d'un coefficient de localisation.

S'agissant du moyen soulevé par la société Cecoville :

11. Il ressort des pièces du dossier que la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels de la Haute-Garonne a décidé, conformément à l'avis de la commission intercommunale des impôts directs de la communauté d'agglomération " Le Muretain Agglo ", rendu lors de sa séance du 18 septembre 2023, d'affecter un coefficient de localisation de 1,15 à la parcelle cadastrée section AT n° 164 et, de manière implicite, de ne pas modifier le coefficient de localisation de 1,1 appliqué à la parcelle cadastrée section AT n° 168. Ces deux parcelles abritent le centre commercial de Roques, qui, avec une superficie de 85 000 mètres carrés, est l'un des plus importants du département de la Haute-Garonne. Il comprend un hypermarché, une galerie marchande composée de cent-vingt boutiques et de douze restaurants, ainsi que l'unique magasin à l'enseigne " Ikea " de la région toulousaine, lequel accueille cinq millions de personnes par an. Il bénéficie d'une grande accessibilité par le croisement de l'autoroute A 64 et de la route départementale 68 et d'une zone de chalandise de 600 000 habitants. L'ensemble de ces éléments, qui peuvent être tous pris en compte dès lors qu'ils illustrent la spécificité des parcelles en cause au regard de leur accessibilité et de leur attractivité, caractérisent leur situation particulière au sein du secteur d'évaluation n° 3 du département de la Haute-Garonne. La seule circonstance, invoquée de façon générale par la société Cecoville, que ce secteur comprend d'autres communes faisant partie de l'unité urbaine de Toulouse ne suffit pas à remettre en cause cette situation particulière, qui d'ailleurs a été également retenue pour treize parcelles limitrophes et pour les parcelles d'assise du centre commercial de Portet-sur-Garonne, lesquelles ont été affectées d'un coefficient de localisation de 1,15. Par ailleurs, le constat d'une divergence entre le montant moyen des loyers pratiqués par la société Cecoville pour les cellules commerciales situées sur les deux parcelles en cause, qui s'élèverait à 493,49 euros par mètre carré selon un tableau versé au dossier, et le tarif de valeur locative appliqué à la catégorie de locaux professionnels correspondante, MAG3 (magasins appartenant à un ensemble commercial), au sein du secteur d'évaluation n° 3, soit 545,20 euros par mètre carré, ne saurait suffire à établir l'existence d'une erreur commise dans la détermination des coefficients de localisation. Par suite et compte tenu de la situation particulière des deux parcelles en cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application de coefficients de localisation de 1,15 et de 1,1 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de ces parcelles au sein du secteur d'évaluation n° 3 du département de la Haute-Garonne, au sens des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une quelconque mesure d'instruction auprès de l'administration compétente, que la société Cecoville n'est pas fondée à demander l'annulation partielle de la décision du 20 octobre 2023. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cecoville est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cecoville et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24TL01521 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01521
Date de la décision : 10/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Recours pour excès de pouvoir.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Questions communes - Valeur locative des biens.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SCHIANO-GENTILETTI FIONA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-10;24tl01521 ?
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