Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300479 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, Mme A..., représentée par Me Chmani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
La décision portant refus de séjour :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien dont elle remplit toutes les conditions ;
- est entachée d'une erreur de droit, le préfet de la Haute-Garonne s'étant cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est insuffisamment motivée ;
- est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
La décision fixant le délai de départ volontaire :
- est insuffisamment motivée ;
- n'a pas été prise à l'issue d'une procédure contradictoire ;
- est dépourvue de base légale ;
- est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée pour en fixer la durée ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 25 juillet 1988, est entrée en France le 23 juin 2017 et a bénéficié, en raison de son état de santé, d'un certificat de résidence à compter du 13 décembre 2018 régulièrement renouvelé jusqu'au 30 janvier 2022. Le 16 décembre 2021, elle a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 7 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre un tel arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 22 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
3. L'arrêté du 21 novembre 2022 vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis émis le 13 octobre 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il rappelle le contenu. Il mentionne en outre les éléments de fait, relatifs à la situation personnelle de Mme A..., ayant présidé à son édiction. La décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'avait pas à la faire l'objet d'une motivation distincte de la décision portant refus de séjour. Enfin, en l'absence de demande en ce sens, le préfet n'avait pas à indiquer les motifs pour lesquels il n'a pas accordé un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'en 2018, Mme A... a subi, en raison d'un ostéosarcome, une amputation de la cuisse droite avec prothétisation et rééducation motrice ainsi qu'une chimiothérapie. À la date de la décision attaquée, son traitement consistait en un suivi d'algologie spécialisé comprenant des injections de toxine botulique et des patchs de capsaïcine. Par un avis du 13 octobre 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il a toutefois estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, elle pourrait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Les éléments produits par Mme A..., à savoir des certificats médicaux décrivant son traitement ou indiquant de façon peu circonstanciée son indisponibilité dans sa région d'origine en Algérie, sont insuffisants pour contredire l'avis du collège des médecins. Le préfet de la Haute-Garonne établit quant à lui l'existence de plusieurs centres d'oncologie en Algérie. Enfin, si Mme A... fait état de la nécessité de renouveler sa prothèse, elle n'apporte aucun élément tendant à démontrer que cela ne pourrait être effectué dans son pays d'origine. Il s'ensuit, dans ces conditions, que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
8. Mme A..., célibataire et sans enfant, est entrée en France en 2017 et y a séjourné régulièrement durant moins de cinq ans en raison de son état de santé. Elle ne fait état d'aucun élément d'intégration particulière sur le territoire français alors que ses parents ainsi que ses frères et sœurs résident en Algérie, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, pour assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français du délai de départ volontaire de droit commun de trente jours, le préfet de la Haute-Garonne n'était pas tenu d'inviter Mme A... à présenter des observations de façon spécifique sur ce délai, dès lors que l'intéressée a été entendue dans le cadre de sa demande de titre de séjour et n'a pas sollicité l'octroi d'un délai de départ prolongé. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe contradictoire doit donc être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
13. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de Mme A... ou qu'il se serait cru en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire.
14. En quatrième et dernier lieu, Mme A... ne fait état d'aucun élément de nature à révéler que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun, ce qu'elle n'a au demeurant pas sollicité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Malika Chmani et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01979