Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 19 août 2020 par laquelle le préfet de Vaucluse lui a demandé le remboursement de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs dont il a bénéficié pour un montant de 12 650 euros, ainsi que de l'ordre de recouvrement émis à son encontre le 17 septembre 2020.
Par un jugement n° 2003008 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, M. B..., représenté par la société civile professionnelle Lemoine Clabeaut, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 19 août 2020 du préfet de Vaucluse lui demandant le remboursement de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs dont il a bénéficié ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision préfectorale :
- méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 31 mai 2013 lui attribuant une aide à l'installation des jeunes agriculteurs ;
- est dépourvue de base légale, aucun montant n'ayant été précisé pour l'application de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime ;
- est illégale dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour demander le remboursement de l'aide ;
- est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2016-1141 du 22 août 2016 ;
- l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif au contenu du plan de développement de l'exploitation à réaliser pour bénéficier des aides à l'installation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 mai 2013, le préfet de Vaucluse a attribué à M. B..., exploitant vigneron à Saint-Roman-de-Malegarde (Vaucluse), des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, constituées d'une dotation jeune agriculteur d'un montant total de 12 650 euros et de la possibilité de solliciter des prêts à moyen terme spéciaux. Par une décision du 19 août 2020, la même autorité a demandé à M. B... le remboursement total de la dotation jeunes agriculteurs qui lui a été accordée. M. B... fait appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 19 août 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " En vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui satisfont aux conditions fixées par la présente section les aides suivantes : / 1° Une dotation d'installation en capital (...) ". Aux termes de l'article D. 343-5 du même code, dans sa version alors applicable : " Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article D. 343-3, doit en outre : / (...) 3° Présenter un projet d'installation viable au terme de la cinquième année suivant l'installation sur la base d'un plan de développement de l'exploitation au sens de l'article D. 343-7 ; / 4° S'engager à mettre en œuvre le plan de développement de l'exploitation mentionné au 3° du présent article validé par le préfet (...) ". L'article D. 343-7 de ce code dispose, dans sa version alors applicable : " (...) Le plan de développement de l'exploitation comporte également une simulation du revenu prévisionnel de l'exploitation pendant les cinq premières années d'activité. / Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les conditions d'établissement du plan de développement de l'exploitation ". L'article D. 343-12 du code prévoit, dans sa version alors applicable : " Ne peut bénéficier de la dotation d'installation un agriculteur présentant un projet faisant ressortir, au terme d'un délai de cinq ans, un revenu professionnel global supérieur à un montant fixé par l'arrêté prévu à l'article D. 343-7 ".
3. Aux termes du dernier alinéa de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'il est constaté au terme de la cinquième année suivant son installation que la moyenne du revenu professionnel global du bénéficiaire des aides est supérieure à un montant fixé par l'arrêté prévu à l'article D. 343-7, le préfet peut demander le remboursement de la dotation d'installation. Avant toute demande de remboursement, le préfet met en demeure l'intéressé de produire sous le délai d'un mois les justificatifs de sa situation ". L'arrêté du 13 janvier 2009 relatif au contenu du plan de développement de l'exploitation à réaliser pour bénéficier des aides à l'installation, alors en vigueur, prévoit, en son article 5 : " (...) En outre, pour l'application du dernier alinéa de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime, le préfet vérifie que la moyenne du revenu professionnel global annuel du bénéficiaire des aides à l'installation, appréciée sur les cinq années du plan, n'est pas supérieure à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, net de prélèvements sociaux ".
4. Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le préfet constate au terme de la cinquième année suivant l'installation du jeune agriculteur bénéficiaire de l'aide que la moyenne de son revenu professionnel global est supérieure à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, net de prélèvements sociaux, il peut, sans pour autant y être tenu, décider de lui demander de rembourser la dotation d'installation qu'il a perçue.
5. Dans sa décision du 19 août 2020, le préfet de Vaucluse expose les motifs caractérisant la méconnaissance du plan de développement de l'exploitation tirés, d'une part, de ce que la moyenne du revenu professionnel global de M. B... est supérieure à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, d'autre part, de la réalisation d'investissements non prévus, conformément aux constatations opérées à l'issue d'un contrôle administratif réalisé le 16 juin 2020 par la chambre d'agriculture de Vaucluse. La décision mentionne que " ce constat entraîne le remboursement total de l'aide à l'installation perçue par le bénéficiaire ". Le courrier de notification accompagnant la décision du 19 août 2020 rappelle les anomalies constatées et précise que l'instruction technique DGPE/SDC/2018-443 du 11 juin 2018 ne permet aucune dérogation en dehors des cas de force majeure. Il conclut, en conséquence, que le préfet est dans l'obligation de demander le remboursement de la dotation jeunes agriculteurs en cas de dépassement du seuil. Il ressort des termes ainsi employés que le préfet de Vaucluse, alors même que la décision du 19 août 2020 vise la réponse apportée par M. B... dans le cadre de la procédure contradictoire préalable, doit être regardé comme s'étant estimé en situation de compétence liée et a, par suite, commis une erreur de droit en demandant le remboursement total de la dotation d'installation sans exercer son pouvoir d'appréciation sur l'ensemble de la situation particulière de l'intéressé.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, de la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 novembre 2022 et la décision du préfet de Vaucluse du 19 août 2020 sont annulés.
Article 2 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00125