Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement Toulouse métropole et son assureur, la société Axa France Iard, à lui verser une somme globale de 37 644,99 euros au titre des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa chute accidentelle survenue le 13 mai 2019.
La caisse primaire d'assurances maladie de la Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement Toulouse Métropole et la société Axa France Iard à lui verser une somme de 13 068,14 euros au titre de sa créance pour les prestations dont a bénéficié Mme A..., épouse B..., ainsi qu'une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement n° 1905192 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A..., épouse B... et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 décembre 2022, les 16 mai et 23 juin 2023, Mme A..., épouse B..., représentée par Me Tranier-Lagarrigue, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2022 ;
2°) de condamner solidairement Toulouse métropole et la société Axa France Iard à lui verser la somme globale de 37 675,23 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis;
3°) de mettre à la charge solidaire de ces personnes les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge solidaire de ces mêmes personnes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle apporte, par les pièces qu'elle produit, la preuve du lien de causalité entre sa chute accidentelle du 13 mai 2019 et la voie publique ;
- Toulouse métropole ne rapporte pas la preuve qu'elle a mis en place pendant toute la durée des travaux de circulation une signalisation adaptée avertissant les usagers de la présence de gravillons ;
- elle n'a fait preuve d'aucune imprudence ou négligence ;
- la société Spie Batignolles Malet échoue à rapporter la preuve du nettoyage approprié du chemin de la Planette ; sa responsabilité est dès lors engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
- elle est en droit de prétendre à une indemnité de 8 158,98 euros au titre des préjudices patrimoniaux subis et de 29 516,25 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, Toulouse Métropole et la société Axa France Iard, représentées par Me Thévenot, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) subsidiairement, à ce que la société Spie Batignolles Malet soit condamnée à garantir Toulouse Métropole de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- l'appelante ne démontre pas que le dommage allégué serait imputable à l'opération de travaux publics ;
- l'appelante a commis une faute d'imprudence de nature à exonérer la personne publique de la responsabilité qu'elle pourrait encourir à raison d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public ;
- en tout état de cause, seule la société Spie Batignolles Malet, qui était responsable de tout accident dommageable causé aux personnes aux cours de l'exécution des travaux sur la voie publique dès lors qu'elle était chargée de ces travaux, est susceptible de voir sa responsabilité engagée ;
- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux allégués, le montant de l'assistance à tierce personne doit être calculé sur la base d'un taux horaire de 13 euros et non de 20 euros ; les frais divers invoqués par l'appelante ne sont pas justifiés ; les frais médicaux futurs allégués ne sont pas retenus par le rapport d'expertise ;
- en ce qui concerne les préjudices extra- patrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué sur la base journalière de 20 euros et non de 25 euros ; l'indemnisation des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 3,5/7, ne peut pas dépasser 5 000 euros ; le rapport d'expertise ne retient aucun préjudice esthétique temporaire ; le déficit fonctionnel permanent est surévalué ; l'indemnisation du préjudice esthétique permanent, évalué par l'expert à 2/7, ne peut dépasser 2 000 euros ; l'appelante, qui n'apporte pas la preuve de sa pratique de la marche sur longue distance avant l'accident, ne peut prétendre à être indemnisée au titre du préjudice d'agrément.
Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, représentée par Me Noy, demande à la cour :
1°) de condamner solidairement Toulouse Métropole et la société Axa France Iard à lui rembourser la somme de 13 068,14 euros au titre des débours exposés, assortie des intérêts de retard, et à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de ces personnes la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son action subrogatoire dans les droits de la victime, Mme A..., épouse B..., est recevable ;
- elle détient une créance au titre des débours s'élevant à la somme totale de 13 068,14 euros ;
- ayant exposé des frais pour le traitement interne de la présente affaire, elle a droit au versement de la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2023, la société Spie Batignolles Malet représentée par la SCP Carcy Gillet, conclut :
1°) au rejet des demandes de Mme A..., épouse B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
2°) au rejet de l'appel en garantie de Toulouse Métropole à son encontre ;
3°) à la condamnation de Toulouse Métropole à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) à la fixation du montant des préjudices de l'appelante à une somme ne pouvant dépasser 19 164 euros ;
5°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante ou de Toulouse Métropole la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
- l'appelante ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre son accident et l'opération de travaux publics dès lors que le lieu et les circonstances de cet accident ne sont pas établis ;
- des panneaux AK22 et AK14 posés au sol et visibles des usagers, signalaient la présence de gravillons sur le bas-côté de la chaussée et d'un danger ; de plus, à la date de l'accident de l'appelante, les travaux de réfection de la chaussée étaient achevés ;
- l'accident en litige est exclusivement imputable à la faute d'inattention de l'appelante eu égard à sa parfaite connaissance des lieux ;
- du fait de la réception sans réserve du marché de travaux publics, Toulouse Métropole, en sa qualité de maître de l'ouvrage, doit supporter la charge définitive des dommages causés aux tiers ; l'appel en garantie de Toulouse Métropole à son encontre n'est pas recevable dès lors qu'il est intervenu postérieurement à la réception des travaux.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tranier représentant Mme A..., épouse B..., celles de Me Delbes, représentant Toulouse Métropole et Axa France Iard , et celles de Me Gillet, représentant la société Spie Batignolles Malet.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., épouse B..., déclare être sortie de son domicile le 13 mai 2019, à 16 heures, afin de se rendre à sa boîte aux lettres située chemin de la Planette à Aussonne (Haute-Garonne), et avoir chuté en raison d'une épaisse couche de gravillons présente sur la chaussée. Elle a été prise en charge par les services de secours, et une fracture au niveau de la jambe droite lui a été diagnostiquée à la suite d'examens réalisés au centre hospitalier universitaire de Toulouse. Par une lettre du 24 juin 2019, elle a demandé à Toulouse Métropole l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement du défaut d'entretien de la voie publique. Mme A..., épouse B..., relève appel du jugement du 30 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité de Toulouse Métropole pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public :
2. Si, en matière de dommages de travaux publics, la personne publique doit apporter la preuve de l'entretien normal de la voie publique, il appartient à la victime qui soutient avoir chuté sur cette voie d'établir l'existence de l'obstacle incriminé et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et le dommage. A cet égard, la victime doit justifier, lorsqu'elles sont contestées, des circonstances dans lesquelles cet accident est survenu.
3. Mme A..., épouse B..., prétend que la chute accidentelle dont elle a été victime le 13 mai 2019 s'est produite sur le chemin de la Planette à Aussonne où elle aurait glissé sur des gravillons recouvrant le sol, situés à la jonction de celle-ci et de la sortie de sa propriété, résultant de l'exécution de travaux publics sur la chaussée.
4. Les attestations produites par l'appelante et, en particulier, la fiche de liaison des services de secours permettent d'établir que Mme A..., épouse B..., a bien été victime le 13 mai 2019 d'une chute ayant entraîné un traumatisme de son membre inférieur droit. Toutefois, alors que Mme A... épouse B... reconnaît qu'aucun témoin oculaire n'a assisté à l'accident, ces attestations, qui émanent de personnes qui n'ont donc pas été témoins de sa chute, sont peu circonstanciées et imprécises. Le conjoint de l'appelante se borne ainsi à indiquer, dans son attestation du 22 juin 2019, l'avoir retrouvée à terre devant la maison le 13 mai 2019 vers 17h00 et que cette dernière lui a expliqué être tombée et s'être " trainée " jusqu'à sa propriété. Quant au médecin traitant de l'appelante, elle ne fait que relayer, dans son attestation du 18 juin 2019, les affirmations de la victime sur les circonstances de sa chute. Si ce médecin indique également avoir constaté elle-même une grande quantité de gravillons sur la chaussée, son attestation rédigée plus d'un mois après l'accident ne permet pas d'attester de la présence excessive de gravillons au jour de cet accident ni de ce que ces gravillons en auraient été la cause directe. Quant au procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 21 mai 2019 qui relève certes la présence de gravillons sur la voie publique non seulement à la sortie de la propriété de l'appelante, mais aussi en bordure de chaussée sur toute une portion de la voie et de ses deux côtés, il ne suffit pas à démontrer que les gravillons incriminés seraient à l'origine de l'accident, ce qui est contesté en défense. De plus, ni ce constat ni aucun autre élément versé à l'instance ne permettent de localiser avec exactitude le lieu de l'accident et, en particulier qu'il se serait produit à un endroit où la voie aurait été recouverte de façon excessive de gravillons. Dans ces conditions, Mme A..., épouse B... qui n'établit pas, de façon certaine, que des gravillons situés sur la voie publique sont directement à l'origine de sa chute accidentelle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de Toulouse Métropole pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public.
5. Il en résulte que Mme A..., épouse B..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire de Toulouse Métropole et de la société Axa France Iard à lui rembourser la somme de 13 068,14 euros au titre des débours exposés et à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
6. En l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de Toulouse Métropole et de la société Spie Batignolles Malet, les conclusions d'appel en garantie présentées par ces dernières ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'expertise :
7. Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros toutes taxes comprises par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en date du 28 janvier 2021 sont mis à la charge définitive de Mme A..., épouse B..., partie perdante à l'instance.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A..., épouse B..., Toulouse Métropole et la société Axa France Iard n'étant pas la partie perdante à l'instance.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et les conclusions de la société Spie Batignolles Malet dirigées contre Toulouse Métropole.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A..., épouse B..., le versement à Toulouse Métropole, d'une part, et à la société Axa France Iard, d'autre part, d'une somme de 750 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu en revanche de mettre une somme à sa charge au bénéfice de la société Spie Batignolles Malet.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme A..., épouse B..., est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 1200 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de Mme A..., épouse B....
Article 4 : Mme A..., épouse B... versera à Toulouse Métropole, d'une part, et à la société Axa France Iard, d'autre part, la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., épouse B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, à Toulouse Métropole, à la société anonyme Axa France Iard et à la société par actions simplifiée Spie Batignolles Malet.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22661