Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par deux demandes distinctes, Mme D... B... et Mme C... B... ont demandé au même tribunal d'annuler les arrêtés du 19 juin 2023 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2304098, 2304099 et 2304100 du 26 septembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, par son article 2, annulé les arrêtés préfectoraux du 19 juin 2023.
Par une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 2 octobre 2023, la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, en application de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, modifié le dispositif du jugement susvisé en y insérant un article 3 enjoignant au préfet de la Haute-Garonne, dans le délai d'un mois, de délivrer un titre de séjour à M. B... et de réexaminer la situation de Mmes B....
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23TL02543, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive, le délai d'appel ayant été rouvert par l'ordonnance en rectification d'erreur matérielle ;
- c'est à tort que le magistrat désigné a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en particulier qu'il ne disposait pas du rapport médical transmis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour en sa qualité d'étranger malade dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder, sous le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa demande ainsi qu'à celui de la situation de son épouse et de sa fille, en leur remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à défaut, de lui verser cette même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête du préfet est tardive ;
- elle est irrecevable, faute pour son signataire de justifier de sa compétence ;
- le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé ;
- il entend reprendre l'ensemble de ses écritures de première instance.
Par décisions du 9 février 2024, M. et Mmes B... ont bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête enregistrée le 2 novembre 2023 sous le n° 23TL02544, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement nos 2304098, 2304099 et 2304100 du 26 septembre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient qu'eu égard au moyen soulevé dans sa requête n° 23TL02543, les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative apparaissent réunies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :
1°) de constater un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à défaut, de lui verser cette même somme sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête présentée au fond par le préfet est tardive et un non-lieu à statuer devra être constaté sur la demande de sursis à exécution ;
- la requête du préfet est irrecevable, faute pour son signataire de justifier de sa compétence ;
- le moyen soulevé par le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé ;
- il renvoie à ses écritures en défense dans l'instance 23TL02543 et entend reprendre l'ensemble de ses écritures de première instance.
Par décisions du 9 février 2024, M. et Mmes B... ont bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., son épouse Mme D... B... et leur fille, Mme C... B..., ressortissants albanais nés respectivement le 1er novembre 1966, le 26 novembre 1967 et le 20 octobre 2001, ont sollicité le bénéfice de l'asile le 16 novembre 2022. Par décisions du 20 mars 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée a rejeté leurs demandes. Le 18 janvier 2023, M. B... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par arrêtés du 19 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour et a prononcé à l'encontre des trois membres de la famille B... une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec fixation du pays de renvoi. Par un jugement du 26 septembre 2023, rectifié par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2023, le magistrat désigné par cette dernière a annulé ces arrêtés. Par deux requêtes, le préfet de la Haute-Garonne fait appel de ce jugement et demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 23TL02543 et n° 23TL02544, présentées par le préfet de la Haute-Garonne, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation et la fin de non-recevoir opposée en défense :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-11 du même code : " Lorsque le président du tribunal administratif (...) constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande. / La notification de l'ordonnance rectificative rouvre, le cas échéant, le délai d'appel ou de recours en cassation contre la décision ainsi corrigée (...) ".
5. La correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement ou de l'ordonnance qui en fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la leur initialement.
6. Par une ordonnance du 2 octobre 2023, la présidente du tribunal administratif de Toulouse a procédé à la rectification d'une erreur matérielle entachant le jugement attaqué qui, s'il précisait en son point 14 les mesures d'injonction que son exécution imposait, avait omis de mentionner ces injonctions dans son dispositif. L'ordonnance en rectification d'erreur matérielle a donc substitué dans le dispositif un nouvel article 3 enjoignant au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B... un titre de séjour " étranger malade " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, et de procéder, dans le même délai, au réexamen de la situation administrative de Mmes B... en les munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. L'ordonnance a également adapté la numérotation, en conséquence de l'insertion du nouvel article 3 dans le dispositif, les anciens articles 3, 4 et 5, relatifs aux frais liés au litige, au rejet du surplus des requêtes et à la notification du jugement attaqué.
7. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été mis à disposition du préfet de la Haute-Garonne dans l'application Télérecours le 28 septembre 2023, avec la mention des voies et délais de recours, et que celui-ci l'a consulté le même jour. Le jugement étant réputé lui avoir été notifié à cette date, il avait un mois pour faire appel de ce jugement, mais sa requête n'a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse que le 2 novembre 2023. L'ordonnance de rectification d'erreur matérielle mentionnée au point précédent, mise à la disposition du préfet sur Télérecours le 4 octobre 2023 et consultée par lui le même jour n'a porté, ainsi qu'il a été dit, aucune correction sur l'article 2 du jugement attaqué prononçant l'annulation des arrêtés préfectoraux du 19 juin 2023 et est restée sans incidence sur celui-ci. Il s'ensuit que l'appel du préfet de la Haute-Garonne contre l'article 2 du jugement attaqué est tardif et, par suite, irrecevable.
8. Si le préfet de la Haute-Garonne reste recevable à faire appel de l'article 3 du jugement attaqué donnant injonction à l'État de délivrer un titre de séjour à M. B... et de réexaminer la situation de Mmes B..., il n'articule à l'encontre de cet article aucun moyen propre. Il en résulte que ces conclusions doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
9. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23TL02543 du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 26 septembre 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23TL02544 tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt n'implique pas le prononcé d'une injonction autre que celle déjà prononcée par les premiers juges. Par suite, les conclusions de M. B... à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées, sans préjudice de l'action qu'il peut intenter sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, s'il s'y croit fondé, pour obtenir l'exécution de l'injonction prononcée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
11. Dès lors que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement au profit de Me Mercier de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête n° 23TL02543 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23TL02544 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement attaqué.
Article 3 : L'État versera à Me Mercier la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B..., à Mme D... B..., à Mme C... B... et à Me Juliette Mercier.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL02543, 23TL02544