Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2204799 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8 et 17 mars 2023 et le 15 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer, sous huit jours, un titre de séjour, ou, à défaut et sous le même délai, de réexaminer sa situation en lui remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Le jugement attaqué :
- est insuffisamment motivé en ce qui concerne les réponses aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et de l'erreur d'appréciation au regard de son état de santé ;
- est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence d'une mention obligatoire de l'avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
- sont insuffisamment motivées ;
- sont entachées d'un vice de procédure substantiel dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas la durée prévisible du traitement ;
- sont entachées d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sont entachées d'erreur de droit, le préfet de l'Hérault s'étant cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 28 septembre 1953, déclare être entré en France le 11 juin 2019. Sa demande d'asile ayant été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile une première fois le 21 janvier 2020, puis, à la suite d'un réexamen, le 5 janvier 2022, M. B... a été entretemps admis au séjour, du 15 octobre 2020 au 14 octobre 2021, en sa qualité d'étranger malade, ce dont il a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 28 juin 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 21 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation d'un tel arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués à l'appui de ses moyens, ont suffisamment exposé, aux points 2 et 7 de leur jugement, les motifs les ayant conduits à écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 28 juin 2022 ainsi que celui tiré de l'erreur d'appréciation du préfet au regard de son état de santé.
3. En second lieu, et contrairement encore à ce que soutient l'appelant, les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré du vice de procédure, qu'ils ont écarté au point 4 de leur jugement comme étant non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. À supposer qu'une telle motivation puisse être assimilée à une absence de réponse, le moyen tiré de ce que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne s'est pas prononcé sur la durée prévisible du traitement n'était pas opérant, de sorte que l'omission à statuer sur un tel moyen n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, l'arrêté du 28 juin 2022 vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis émis le 8 mars 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il rappelle le contenu. Il mentionne en outre les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. B... et ayant présidé à son édiction. Il s'ensuit que le préfet de l'Hérault, qui n'était tenu ni de mentionner expressément la situation de l'ensemble des membres de la famille de l'intéressé, ni d'expliciter les motifs ayant conduit le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à rendre un avis différent de celui rendu en 2020, a suffisamment motivé ses décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical (...), un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement (...) ".
6. Dès lors que le collège de médecins a estimé que la condition prévue au c) de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'était pas satisfaite dans la mesure où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le requérant est originaire, celui-ci pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié, il n'était pas tenu de préciser la durée prévisible de traitement. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tenant au caractère incomplet de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.
7. En troisième lieu, outre les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées au point 5, le code dispose, en son article L. 611-3 dans sa version applicable au litige, que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 8 mars 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, au vu du dossier médical de l'intéressé ainsi que des données actualisées dont il disposait sur l'accès aux soins en Géorgie, que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait en revanche bénéficier effectivement d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Pour contester cet avis, M. B... produit divers certificats médicaux qui attestent de ce qu'il souffre d'une insuffisance rénale chronique dyalisée et d'une cardiopathie ischémique sévère, nécessitant un suivi en néphrologie, en cardiologie et en chirurgie vasculaire, mais ne se prononcent pas sur la disponibilité des soins en Géorgie.
9. En outre, si M. B... se prévaut d'éléments contenus dans un certificat médical du 3 octobre 2022, celui-ci est postérieur à l'arrêté attaqué de sorte qu'il ne peut être reproché au préfet de ne pas en avoir tenu compte. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la pathologie cardiaque de M. B... a été soumise à l'examen du collège de médecins, lequel a nécessairement tenu compte de ce que ce dernier disposait d'un défibrillateur automatique implanté puisque sa pose date du mois d'octobre 2020 et qu'il a été mentionné dans le rapport médical transmis au collège de médecins. Quant à l'inscription de M. B... sur la liste de candidats à une transplantation, celle-ci n'a été envisagée que comme une simple éventualité assortie de réserves médicales, de sorte que celle-ci n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas d'éléments susceptibles de contester l'avis du collège des médecins sur lequel s'est fondé le préfet de l'Hérault pour apprécier la condition tenant à la disponibilité d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de l'Hérault au regard des articles L. 425-9 et du 9° de l'article L. 911-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
11. M. B..., qui est entré sur le territoire français en 2019 après avoir vécu en Géorgie jusqu'à ses soixante-cinq ans, a été admis à y séjourner temporairement en raison de son état de santé. Il ressort des pièces du dossier qu'il est accompagné de son épouse, compatriote, qui ne dispose pas d'un droit de séjour en France. S'il se prévaut de la présence de sa fille, qui l'assiste dans ses démarches et a été admise au séjour en sa qualité de parent d'un enfant malade, ainsi que de ses petits-enfants, il ne justifie pas entretenir avec ces derniers des liens tels qu'il devrait être regardé comme ayant établi le centre de sa vie privée et familiale en France. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que M. B... a également un fils qui ne dispose pas d'un droit de séjour en France. Il n'apparaît pas, dans ces conditions, que M. B... disposerait du centre de ses attaches personnelles en France. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté. Doit également être écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiales, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux ni des pièces du dossier que le préfet se serait cru, à tort, lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Sophie Mazas et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00583