Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Hocy a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2002886 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2022, la société Hocy, représentée par Me Orbillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement ne lui a pas été notifié dans le délai de reprise, ce qui entache d'irrégularité la procédure d'imposition et entraîne la prescription des impositions litigieuses ;
- les sommes que l'administration a regardées comme constitutives de passifs injustifiés, d'abandon de créances ou de libéralités au profit de la société La Bastide, correspondent aux avances consenties à son gérant par M. B..., en vue de la réalisation d'opérations immobilières, et se rapportent ainsi à un prêt dont la réalité est établie notamment par leur remboursement régulier entre 2015 et 2021.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Hocy ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 5 décembre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Orbillot, représentant la société Hocy.
Une note en délibéré présentée pour la société Hocy a été enregistrée le 5 juillet 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée La Bastide exerce une activité de marchand de biens immobiliers et appartient à un groupe de sociétés dont M. A... est le gérant. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont notamment été notifiées, par proposition de rectification du 12 avril 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016 ainsi que des pénalités pour manquements délibérés. La société Hocy a été informée, en sa qualité de tête de groupe fiscalement intégré, des conséquences financières supportées par elle au niveau du groupe. Elle a formé une réclamation préalable à l'encontre de ces impositions supplémentaires, qui a été rejetée par l'administration fiscale le 15 juillet 2020. La société Hocy fait appel du jugement du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour (...) l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". L'avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration qui interrompt la prescription de l'action en répétition et ouvre le délai de la prescription de l'action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre, ne produit ces effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné.
3. La société requérante soutient qu'aucun avis de mise en recouvrement ne lui a été notifié avant le 31 décembre 2021, date à laquelle le délai au cours duquel l'administration pouvait exercer son droit de reprise, interrompu par la notification de la proposition de rectification, était arrivé à expiration. Toutefois, l'administration a produit en défense l'avis de réception correspondant à l'avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2019, distribué le 17 août 2019 à la même adresse que celle à laquelle la société reconnaît avoir reçu la mise en demeure de payer du 16 août 2019. Dans ces conditions, et en l'absence de réplique de la société, le moyen tiré de la prescription des impositions litigieuses, faute d'interruption du droit de reprise par l'envoi d'un avis de mise en recouvrement avant le 31 décembre 2021, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que le 23 décembre 2015, la société La Bastide a acquis auprès de M. B... plusieurs biens immobiliers pour un montant de 180 000 euros. Selon les constatations du vérificateur, l'acte authentique correspondant indiquait qu'une partie du prix, à savoir la somme de 63 648 euros, avait été versée au vendeur avant la signature de l'acte, en dehors de la comptabilité du notaire. Pourtant, aucune sortie de trésorerie équivalente n'était constatée par le vérificateur, alors que la société La Bastide n'a porté l'acquisition immobilière dans ses charges qu'à hauteur de 116 352 euros. Faute d'avoir constaté l'inscription au passif de son bilan une dette de 63 648 euros à l'égard du tiers susceptible d'avoir avancé cette somme pour la société, l'administration a considéré que la société La Bastide avait bénéficié d'un abandon de créance d'un montant de 63 648 euros, constitutif d'un produit exceptionnel imposable.
6. Pour contester cette rectification, la société requérante soutient que la société La Bastide n'a pas bénéficié d'un abandon de créance et qu'elle était encore débitrice, au cours de l'exercice vérifié, de la somme de 63 648 euros à l'égard de M. B..., qu'elle lui a remboursée en 2021 par trois chèques, et qui a donné lieu, le 17 décembre 2021, à l'établissement d'un acte sous seing privé constatant le remboursement de la dette, enregistré le 7 janvier 2022. Toutefois, un tel acte, au demeurant non assorti des copies des chèques auxquels il fait allusion, est intervenu postérieurement aux exercices vérifiés ainsi qu'à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, et n'est pas suffisant pour remettre en cause les constatations du vérificateur quant aux écritures comptables de la société ainsi que les mentions relatives au paiement de la somme de 63 648 euros figurant dans l'acte notarié.
7. En troisième lieu, le service a également procédé à la réintégration, dans les résultats de la société La Bastide, de la somme de 450 000 euros reçue de la société du Destin par deux virements du 13 et du 15 novembre 2015. Par l'exercice de son droit de communication auprès du notaire, l'administration a pu constater que de telles sommes ont été remployées par la société La Bastide pour acquérir des biens immobiliers auprès de la société du Destin ainsi que pour régler divers frais se rattachant à des opérations immobilières. Ces sommes ont ensuite été inscrites, à hauteur de 332 800 euros, au crédit du compte courant d'associé de M. A..., et occultées de la comptabilité en ce qui concerne le reliquat de 117 200 euros, aucune dette n'ayant été inscrite dans la comptabilité de la société. En l'absence de contrat de prêt conclu entre la société du Destin et la société La Bastide, ainsi que de tout élément justificatif de l'inscription d'une partie de ces sommes au crédit du compte courant d'associé de M. A..., l'administration fiscale a regardé ces dernières comme un passif injustifié de la société La Bastide, et le surplus des sommes non enregistré en comptabilité, comme une libéralité constitutive d'un produit exceptionnel.
8. Pour justifier de l'origine de ces sommes, la société requérante indique qu'elles correspondent à des avances consenties par M. B... à M. A..., afin de permettre à ce dernier l'acquisition, par l'intermédiaire de la société La Bastide, de biens immobiliers auprès de M. B... et de la société du Destin, M. A... s'engageant ensuite à rembourser les avances une fois les biens immobiliers revendus et les plus-values réalisées. Il résulte de l'instruction que la société La Bastide a remis au vérificateur, à la fin des opérations de contrôle, un contrat de prêt conclu le 30 décembre 2015 entre M. B... et M. A.... Faute d'avoir été enregistré, la date d'un tel contrat n'est pas certaine. Il est, en outre, affecté de plusieurs anomalies de nature à remettre en cause son caractère probant. Ainsi, le vérificateur a noté que l'objet du contrat n'indiquait pas le montant global du prêt consenti mais reprenait les sommes pour lesquelles des justifications avaient été demandées au cours du contrôle. Le total des sommes mentionnées par le contrat est égal à un prêt de 579 152 euros, ce qui ne correspond pas au montant de 550 000 euros figurant sur des factures relatives aux intérêts financiers s'y rapportant et qui ont été présentées au cours du contrôle. La date de conclusion du contrat de prêt est d'ailleurs antérieure à l'une des factures d'intérêts, ainsi qu'à la plupart des avances sur lesquelles il porte. En outre, ce contrat est conclu entre M. B... et M. A... et non entre la société du Destin et la société La Bastide et aucun élément n'est produit pour justifier que des sommes prêtées à M. A... à titre personnel aient transité sur le compte de sa société ni qu'elles soient enregistrées au crédit de son compte courant d'associé. La nature de prêt des sommes versées par la société du Destin à la société La Bastide n'est pas davantage établie par la production de deux actes sous seing privé constatant le remboursement d'une dette, signés par M. A... et M. B... le 15 avril 2021 et le 25 mai 2021 et enregistrés le 4 juin 2021, tous deux postérieurs aux opérations de contrôle et à la mise en recouvrement des impositions litigieuses. Dans ces conditions, eu égard à la confusion des patrimoines avec leurs sociétés, opérée par M. B... et M. A... dans leurs relations d'affaires, à la discordance entre la réalité des flux financiers et les mentions des actes produits par la société requérante, ainsi qu'à l'absence de pièce justificative contemporaine des écritures comptables litigieuses, la société requérante n'établit pas que les sommes réintégrées par l'administration dans ses résultats se rapporteraient à un prêt et non à des rémunérations de service entre les deux sociétés et leurs associés non déclarées.
9. En quatrième lieu, le service a regardé comme un passif injustifié la somme de 86 352 euros versée à la société La Bastide par M. B... le 31 décembre 2015 et portée au crédit du compte courant d'associé de M. A.... Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la société requérante n'établit pas qu'une telle somme se rapporterait à un prêt conclu entre M. A... et M. B... en vue d'opérations d'achat et de revente de biens immobiliers.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hocy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Hocy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Hocy et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
A. BarthezLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22239