Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 2200788 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, M. B..., représenté par Me Blazy demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 de la préfète du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une contradiction de motifs ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le décès de son père, postérieur à la date de dépôt de sa demande de titre de séjour, ne peut lui être opposé pour justifier un refus de titre de séjour ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a commis aucune fraude ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ces conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la décision attaquée peut être fondée sur le fait que le père du requérant est décédé avant la délivrance du premier titre de séjour de cette dernière et qu'ayant perdu la qualité de membre de famille, il a pu légalement lui refuser un titre de séjour :
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2024.
Par décision du 8 mars 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lasserre.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 11 juillet 2002, est entré en France le 17 juin 2021 sous couvert d'un visa D valable du 4 mai 2021 au 2 août 2021 portant la mention " regroupement familial OFII carte de séjour à solliciter ". Il a sollicité le 30 juin 2021 la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 23 novembre 2021, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., le jugement est suffisamment motivé dans sa réponse apportée au point 4 au moyen invoqué tiré de l'erreur de fait entachant la décision attaquée portant refus de titre de séjour.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nîmes a procédé une contradiction dans les motifs de son jugement ne se rapporte pas à la régularité du jugement attaqué mais à son bien-fondé et est, dès lors, inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Quelle que soit la date à laquelle ils ont été admis au titre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat, le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des autorisations de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes. ". L'article 9 de cet accord stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III, entré en France régulièrement et dont le conjoint est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an ". Aux termes de l'article L. 423-17 du même code : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse d'accorder ce titre (...) ". Il résulte de ces dispositions que le regroupement familial, lorsqu'il est autorisé au profit du conjoint d'un étranger résidant en France, a pour objet de rendre possible la vie commune des époux et des enfants mineurs. Par suite, en cas de rupture de la vie commune intervenant entre l'admission du conjoint sur le territoire et la date à laquelle l'administration statue sur la demande de titre de séjour, les conditions du regroupement familial ne sont plus remplies à cette date. L'administration peut donc légalement refuser pour ce motif la délivrance du titre de séjour sollicité, y compris lorsque cette rupture résulte du décès, au cours de cette période, de l'étranger résidant en France qui avait présenté la demande de regroupement familial.
6. Pour refuser de délivrer au requérant un titre de séjour en application de l'article L. 423-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Gard s'est fondée sur le motif tiré de ce que M. B... ne présentait plus la qualité de membre de famille au sens des dispositions citées au point précédent. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... ne peut utilement faire valoir que le décès de son père est survenu antérieurement à la date à laquelle la préfète a statué sur sa demande de titre de séjour mais postérieurement à sa demande enregistrée le 30 juin 2021. Ainsi, à supposer, comme l'indique le requérant, que son père soit décédé le 20 septembre 2021 et non le 25 septembre 2020 comme retenu par la préfète, il est constant qu'il est décédé avant l'édiction de l'arrêté en litige du 23 novembre 2021 et qu'il ne pouvait pas, à cette date, être considéré comme membre de famille d'un étranger titulaire d'un titre de séjour. Par suite, la décision attaquée portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur de droit au regard des dispositions précitées au point 5 du présent arrêt. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la préfète du Gard aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que ce seul motif pour rejeter la demande de titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen dirigé contre le second motif tiré de l'existence d'une fraude ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant à charge et que, actuellement âgé de 19 ans, il ne travaille pas ni ne suit de formation. M. B..., qui a vécu jusqu'alors au Maroc, ne démontre pas l'intensité de ses liens familiaux et personnels sur le territoire français. Ainsi, la décision par laquelle la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est pas entaché de contradiction dans ses motifs, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Blazy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00851