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18/07/2024 | FRANCE | N°22TL22529

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 18 juillet 2024, 22TL22529


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2202285 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, M. B..., repr

ésenté par Me Seignalet-Mauhourat, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202285 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Seignalet-Mauhourat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure d'expulsion méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

- elle méconnaît à ce titre l'autorité absolue de chose jugée attachée à un arrêt de la 3ème chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Toulouse du 20 juin 2019 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Seignalet-Mauhourat pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, fait appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". L'article L. 631-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose que : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) / La circonstance qu'un étranger mentionné aux 1° à 5° a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des dispositions du présent article ".

3. D'une part, l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique ne s'attache qu'aux constatations de fait contenues dans leurs jugements et arrêts et qui sont le support nécessaire de leur dispositif. L'arrêt du 20 juin 2019 de la 3ème chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Toulouse, qui a statué sur des poursuites dirigées à l'encontre de M. B..., n'est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée qu'en ce qui concerne sa responsabilité pénale. Les faits relevés par la cour d'appel de Toulouse concernant l'âge d'entrée et d'établissement en France de M. B... ne sauraient s'imposer à l'administration comme au juge administratif, dès lors qu'ils ont seulement permis d'exclure l'applicabilité d'une peine d'interdiction du territoire français à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée à ces motifs, dans le cadre de l'examen du respect de la condition prévue au 1° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

4. D'autre part, M. B..., qui est né le 16 septembre 1989, déclaré être entré en France au cours du mois d'août 2002. En se bornant à produire des attestations de proches non contemporaines des faits et à se prévaloir des mentions portées sur des récépissés de demande de titre de séjour, ainsi que dans un rapport de situation établi le 20 décembre 2004 par les services du département de la Haute-Vienne, reprenant ses propres déclarations, le requérant ne justifie pas résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il bénéficie de la protection prévue par les dispositions précitées de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, depuis le 6 décembre 2005, de vingt condamnations pénales, notamment à des peines d'emprisonnement ferme pour des faits de vol aggravé, de violence aggravée et d'acquisition, importation, détention, offre ou cession et trafic de stupéfiants. Les deux dernières condamnations, prononcées le 9 avril 2018 et le 20 juin 2019 en partie pour récidive, ont été les plus lourdes puisqu'elles ont consisté en un emprisonnement de deux ans et six mois et de cinq ans. Par ailleurs, M. B... ne fournit aucun gage de réinsertion depuis la commission de ces multiples infractions. S'il est le père de trois enfants français nés le 5 décembre 2008, le 3 juillet 2011 et le 24 décembre 2012, il est séparé de la mère ces derniers et le juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Toulouse a, par jugement du 27 octobre 2016, fixé leur résidence habituelle au domicile de celle-ci. Bien que prenant régulièrement des nouvelles de ses enfants, il ne les a rencontrés que rarement depuis 2016 et les virements qu'il leur a adressés n'atteignent pas le montant de la pension alimentaire fixé par le juge aux affaires familiales. Il en résulte que M. B..., même en tenant compte de sa situation de détenu, n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Enfin, il ne justifie ni l'ancienneté, ni la stabilité de la relation qu'il entretiendrait depuis 2016 avec une ressortissante française. Dans l'ensemble de ces conditions, alors même que M. B... établit résider en France depuis 2004 et que sa seule autre attache serait constituée par un tiers digne de confiance qui l'aurait pris en charge jusqu'à sa majorité, la décision attaquée n'a pas, eu égard notamment à la gravité des faits commis par le requérant, porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième lieu, il résulte des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... ne démontre pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL22529 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22529
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Expulsion.

Procédure - Jugements - Chose jugée - Chose jugée par la juridiction judiciaire - Chose jugée par le juge pénal.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SEIGNALET MAUHOURAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;22tl22529 ?
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