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18/07/2024 | FRANCE | N°22TL21401

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 18 juillet 2024, 22TL21401


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Sov a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement d

e l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement n° 2004662 du 19 avril 2022, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Sov a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2004662 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, la société Sov, représentée par Me Maurel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la méthode dite " des vins " employée par la vérificatrice pour reconstituer ses recettes est radicalement viciée dans son principe dès lors que le chiffre d'affaires tiré de la vente de vins en bouteille ne représentait que 2 % environ de son chiffre d'affaires global des trois exercices contrôlés ;

- à titre subsidiaire, cette méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire ;

- à titre encore plus subsidiaire, cette méthode de reconstitution aboutit à des résultats exagérés dès lors que, pour reconstituer le chiffre d'affaires tiré de la vente de vin en bouteille, l'administration a retenu un nombre excessif de bouteilles de vin et un taux insuffisant d'offerts, de pertes et de consommation par le personnel ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée ;

- l'application des majorations pour défaut de dépôt de ses déclarations de chiffres d'affaires et de résultat est également injustifiée ;

- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires de distributions doit être déchargée par voie de conséquence du mal fondé des impositions, compte tenu du caractère vicié de la méthode de reconstitution de ses recettes ;

- à titre subsidiaire, l'application de cette amende est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sov ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Houlès, représentant la société Sov.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sov, qui exploite un bar restaurant sous l'enseigne " Le café de la grille " à Capestang (Hérault), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté sa comptabilité et procédé à la reconstitution de ses recettes, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ainsi que des rehaussements de ses résultats imposables des exercices clos en 2015 et 2016, et lui a vainement demandé de désigner les bénéficiaires de revenus distribués en 2015 et 2016, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts. Par une décision du 15 mars 2019, l'administration a prononcé d'office le dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Sov a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015. La société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires de distributions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) " et aux termes du premier alinéa de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2°, 5° et 6° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction, d'une part, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été établis d'office, en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute pour la société appelante d'avoir déposé ses déclarations de chiffre d'affaires dans les délais légaux. D'autre part, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2016 a été établie d'office, en application du 2° de l'article L. 66 et du premier alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, faute pour la société appelante d'avoir déposé dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure sa déclaration de résultats accompagnée de l'ensemble des éléments requis pour les entreprises imposées selon le régime du réel normal, dont elle relevait. Par suite, il incombe à la société appelante, qui ne conteste pas la mise en œuvre de ces procédures de taxation d'office, de prouver le caractère exagéré des impositions en litige.

3. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes de la société appelante, la vérificatrice a employé la méthode dite " des vins ", en extrapolant le chiffre d'affaires global à partir du chiffre d'affaires reconstitué de la vente de vin en bouteille. Pour procéder à cette extrapolation, la vérificatrice a appliqué au chiffre d'affaires reconstitué de la vente de vin en bouteille, les coefficients multiplicateurs de 51,93, 39,29 et 42,86, respectivement pour les années 2015, 2016 et 2017. Ainsi, selon les constats opérés par la vérificatrice elle-même, le chiffre d'affaires tiré de la vente de vin en bouteille représentait 1,92 % du chiffre d'affaires global de la société appelante en 2015, 2,54 % de son chiffre d'affaires global en 2016 et 2,33 % de son chiffre d'affaires global en 2017. Dès lors que la vente de vin en bouteille ne représentait qu'une fraction très marginale de l'activité de la société appelante, la méthode " des vins " était inapte, à elle seule, pour reconstituer ses recettes, peu important que la vérificatrice ait ensuite retranché une fraction de 15 % du montant du chiffre d'affaires global reconstitué pour perte, casse, offerts, vols et consommation du personnel. En outre, l'application de tels coefficients multiplicateurs entraîne une marge d'erreur et, donc, une imprécision excessives. Par suite, la méthode employée pour reconstituer les recettes de la société Sov est radicalement viciée dans son principe.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Sov est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Sov et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004662 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La société Sov est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Sov au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Sov et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21401
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-07-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Procédure de taxation. - Taxation, évaluation ou rectification d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Virginie Restino
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;22tl21401 ?
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