Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête enregistrée sous le n° 1903430, la société Smurfit Kappa France a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de son établissement situé avenue des marchandises à Gallargues-le-Montueux. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1903629, cette société a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge de la cotisation primitive de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de ce même établissement.
Par un jugement n° 1903430, 1903629 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, en son article 1er, déchargé la société Smurfit Kappa France des cotisations primitives et supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et correspondant à la réintégration dans sa base imposable des travaux de renforcement du sol de son usine de Gallargues-le-Montueux, en son article 2, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à la société Smurfit Kappa France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en son article 3, rejeté le surplus des conclusions de la société Smurfit Kappa France.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 28 mars 2022, le 20 décembre 2022 et le 20 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la société Smurfit Kappa France les impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et taxes additionnelles au titre des années 2013 à 2016, dont elle a obtenu la décharge au titre de son établissement de Gallargues-le-Montueux ;
3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué.
Il soutient que :
- en considérant que la société entrait dans les prévisions des énonciations du paragraphe n° 230 des commentaires administratifs publiés le 23 décembre 2014 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IF-TFPB-20-20-10-20, le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur de droit, dès lors que la mesure de tempérament prévue par ces énonciations vise seulement les travaux de grosses réparations ;
- en excluant les travaux réalisés par la société Smurfit Kappa France pour la détermination de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit au regard de l'application combinée du 1° de l'article 1381 et de l'article 1517 du code général des impôts ;
- le jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé la société Smurfit Kappa France de la cotisation de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison du même établissement est dépourvu d'autorité de la chose jugée dans la présente instance faute d'identité d'imposition et de période d'imposition.
Par deux mémoires, enregistrés le 8 décembre 2022 et le 20 janvier 2023, la société Smurfit Kappa France, représentée par Me de Vernejoul, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est dépourvue de fondement légal dès lors que le ministre reconnaît que les travaux de renforcement du sol réalisés dans son établissement ont été rendus nécessaires par l'installation de nouvelles machines dans un bâtiment existant, lequel relève de l'article 1380 du code général des impôts ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré qu'elle pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 230 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IF-TFPB-20-20-10-20 ;
- les travaux réalisés n'ont pas le caractère de changement des caractéristiques physiques ;
- par un jugement du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge de la cotisation primitive de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison du même établissement.
Par ordonnance du 22 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Smurfit Kappa France a fait l'objet d'un contrôle à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 à raison d'un établissement industriel situé avenue des marchandises à Gallargues-le-Montueux (Gard). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé, en son article 1er, la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013 à 2016 correspondant à la réintégration dans sa base imposable des travaux de renforcement du sol de cet établissement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen de décharge retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
3. Aux termes du paragraphe n° 230 des commentaires administratifs publiés le 10 décembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IF-TFPB-20-20-10-20 : " Les changements de caractéristiques physiques ne sont pris en compte que lorsqu'ils ont une incidence sur le prix de revient comptable des immobilisations, c'est-à-dire, en fait, lorsqu'ils revêtent le caractère de grosses réparations amortissables ou d'installations ou d'agencements nouveaux. / Encore faut-il admettre que le complément de valeur locative résultant des changements du premier type (grosses réparations) ne peut être calculé sur la base de la valeur d'immobilisation ajoutée au bilan à l'issue des travaux, mais sur une base inférieure tenant compte du fait que ces derniers ne créent pas une immobilisation nouvelle mais confortent seulement une immobilisation ancienne. À la limite, si les travaux de réparation considérés n'apportent aucune amélioration à l'établissement il n'y a pas lieu de calculer le complément de valeur locative ". Aux termes du même paragraphe des mêmes commentaires publiés au même bulletin le 23 décembre 2014 : " Les changements de caractéristiques physiques ne sont pris en compte que lorsqu'ils ont une incidence sur le prix de revient comptable des immobilisations, c'est-à-dire, en fait, lorsqu'ils revêtent le caractère de grosses réparations amortissables ou d'installations ou d'agencements nouveaux. / Il est cependant admis que le complément de valeur locative résultant des changements du premier type (grosses réparations) ne soit pas calculé sur la base de la valeur d'immobilisation ajoutée au bilan à l'issue des travaux mais sur une base inférieure tenant compte du fait que ces derniers ne créent pas une immobilisation nouvelle mais confortent seulement une immobilisation ancienne. Ainsi, si les travaux de réparation considérés n'apportent aucune amélioration à l'établissement, il n'y a pas lieu de calculer de complément de valeur locative ".
4. Il résulte de l'instruction que la société intimée a réalisé des travaux afin de renforcer une partie du sol de son établissement de Gallargues-le-Montueux, d'une superficie d'environ vingt mètres carrés, destinée à supporter une nouvelle machine pesant plusieurs tonnes. Faute d'avoir été entrepris en vue de réparer des éléments endommagés de l'établissement, ces travaux ne revêtent pas le caractère de " grosses réparations " au sens de la doctrine administrative susmentionnée.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a estimé que la société intimée rentrait dans les prévisions des énonciations du paragraphe n° 230 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IF-TFPB-20-20-10-20 et a, en conséquence, prononcé la décharge des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016, assises du chef de la réintégration dans sa base imposable des travaux de renforcement du sol de son établissement de Gallargues-le-Montueux.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société intimée tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens :
7. En premier lieu, la société intimée se prévaut du jugement, devenu définitif, du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge de la cotisation primitive de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison du même établissement, du chef de l'intégration dans ses bases imposables des immobilisations correspondant aux travaux de renforcement d'une partie du sol de l'établissement. Toutefois, ce jugement est dépourvu d'autorité de chose jugée dans le présent litige, qui porte sur une imposition et une période d'imposition différentes.
8. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) " et aux termes de l'article 1380 du même code : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ".
9. D'autre part, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le prix de revient des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière, évalué selon la méthode comptable, est celui qui est inscrit à l'actif du bilan et l'administration peut se fonder sur les énonciations comptables opposables à la société pour inclure dans la valeur locative des immobilisations le montant des travaux inscrits en tant qu'immobilisations, sauf pour la société à démontrer que ces travaux constitueraient en réalité des charges déductibles.
10. Il résulte de l'instruction que la valeur locative de l'établissement de Gallargues-le-Montueux est déterminée suivant la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. Or, la société intimée n'établit ni même n'allègue que les travaux réalisés afin de renforcer le sol de cet établissement, qui sont inscrits en immobilisation à l'actif de son bilan, constitueraient en réalité des charges déductibles. En se bornant à soutenir que ces travaux ne porteraient que sur une superficie réduite de vingt mètres carrés, qu'ils n'auraient pas le caractère de changement des caractéristiques physiques et qu'ils n'auraient pas amélioré la rentabilité économique de l'immeuble, la société intimée ne conteste pas utilement la prise en compte du montant de ces travaux pour la détermination de la base imposable de la cotisation foncière des entreprises. Le moyen doit ainsi être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la société Smurfit Kappa France a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 et correspondant à la réintégration dans sa base imposable des travaux de renforcement du sol de son établissement de Gallargues-le-Montueux.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à la société Smurfit Kappa France, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la société Smurfit Kappa France a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 correspondant à la réintégration dans sa base imposable des travaux de renforcement du sol de son établissement de Gallargues-le-Montueux sont remises à sa charge.
Article 2 : Le jugement n° 1903430, 1903629 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Smurfit Kappa France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Smurfit Kappa France.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL20849 2
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