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09/07/2024 | FRANCE | N°23TL01590

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 23TL01590


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.



Par un jugement n° 2202342 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédures devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Debureau, demande à la cour :



1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2202342 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Debureau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 du préfet de Vaucluse ;

3°) d'ordonner au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour n'est pas revêtue de la mention de la qualité de son signataire en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est en situation d'obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté a été pris en violation de ces dispositions ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus opposé à sa demande de titre de séjour ;

- la mesure d'éloignement n'est pas revêtue de la mention de la qualité de son signataire en violation de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- son état de santé fait obstacle à son éloignement et la décision portant obligation de quitter le territoire français a été pris en violation du 9° de l'article L. 611-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le préfet a commis en conséquence une erreur manifeste d'appréciation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle total par une décision du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité nigériane née le 12 janvier 1994, a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en France à la suite d'une demande de titre de séjour présentée le 13 novembre 2019 auprès des services de la préfecture de Vaucluse en qualité d'étranger malade. Ayant sollicité le renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour, le préfet de Vaucluse, par un arrêté du 13 mai 2022, a refusé de faire droit à sa demande, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige, portant refus séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, est revêtu de la signature de M. Christian Guyard par délégation du préfet de Vaucluse. S'il est vrai que cette signature accompagnée des nom et prénom de son auteur, ne comporte pas sa qualité, il ressort des termes du même arrêté qu'est visé l'arrêté du préfet de Vaucluse du 18 janvier 2021 portant délégation de signature à M. Christian Guyard, secrétaire général de la préfecture de Vaucluse. Ainsi, par l'ensemble de ces mentions, Mme B... était en mesure de connaître les nom, prénom et qualité du signataire de l'arrêté pris à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a levé le secret médical, souffre d'épilepsie et est atteinte d'une pathologie gynécologique. Par un avis du 9 septembre 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante indique qu'elle souffre de crises d'épilepsie depuis son enfance et qu'elle n'a jamais pu avoir de prise en charge au Nigéria. Elle produit en ce sens un certificat médical établi le 28 juin 2019 par le chef de clinique du pôle neurosciences de l'hôpital Pierre Paul Riquet de Toulouse, retranscrivant les déclarations de l'intéressée sur son état de santé, proposant de programmer un scanner cérébral sans injection de produit de contraste ainsi qu'un électroencéphalogramme et de fixer une nouvelle consultation le 16 juillet 2019 et, enfin, prescrivant un traitement par ordonnance de " Keppra 1 000 mg matin et soir et de Lamictal d'augmentation progressive jusqu'à 100 mg le matin ". Toutefois, ce certificat ne fait pas état de l'indisponibilité de ce traitement dans le pays d'origine de Mme B.... Si l'intéressée produit également une ordonnance établie le 4 avril 2022 mentionnant la prise de Keppra dans des doses similaires durant six mois ainsi qu'une autre molécule nommée Urbanyl 5 mg matin et soir durant six mois, elle n'apporte pas de précisions supplémentaires à l'appui de ce document. Au surplus, si elle se prévaut d'un certificat médical établi par un médecin généraliste en date du 13 juin 2022, qui est au demeurant postérieur à la date de l'arrêté attaqué, ce dernier, qui fait état de ce que le médecin " pense qu'elle ne sera pas en mesure de poursuivre ses traitements si elle rentre dans son pays d'origine " est très peu circonstancié. Enfin, si Mme B... soutient qu'elle souffre de multiples pathologies gynécologiques, elle se borne à verser un certificat établi par le centre hospitalier d'Avignon le 26 avril 2019 attestant de ce qu'elle présente " une excision de type 1 avec clitoridectomie ", sans autres précisions. Dans ces conditions, ces éléments peu circonstanciés ne permettent pas d'établir que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier au Nigéria d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... déclare sans l'établir être entrée sur le territoire français le 16 décembre 2016 et a déposé une demande d'asile le 20 janvier 2017. Cette demande a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 septembre 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre suivant. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que si l'intéressée a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, cette dernière a été déclarée irrecevable par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 juin 2019. Mme B... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français avec son conjoint compatriote et ses deux enfants mineurs. D'une part, le courrier établi par un responsable du secours catholique le 27 août 2022, soit postérieurement à la date de la décision attaquée, ne fait état d'aucun investissement dans des actions de bénévolat de la part de Mme B... ou des membres de sa famille mais atteste seulement de l'aide qui leur est apportée. D'autre part, si Mme B... se prévaut de la scolarisation en France en classe de moyenne section d'un de ses enfants, de tels éléments ne suffisent pas à établir qu'elle aurait fixé le centre de ses intérêts privés en France. Par ailleurs, la requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Nigéria. Enfin, alors que Mme B... ne justifie ni d'autres liens personnels ni d'une intégration particulière en France et il résulte de ce qui a été exposé au point 7 ci-dessus que son état de santé ne nécessite pas son maintien sur le territoire national. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet de Vaucluse en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts poursuivis et le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des stipulations précitées.

11. En cinquième lieu, Mme B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, il ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale.

12. En sixième et dernier lieu, l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, l'obligation faite à l'appelante de quitter le territoire français n'a pas été édictée en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2022 pris à son encontre par le préfet de Vaucluse.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à que que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Debureau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. Haïli La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01590
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : DEBUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;23tl01590 ?
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