Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2204309 du 4 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés 23 décembre 2022 et les 9 et 30 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 juillet 2022 ;
3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé contrairement à l'exigence posée par l'article L. 9 du code de justice administrative au regard du moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige et des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 611-1, L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement comporte des éléments erronés dans l'analyse des conclusions et mémoires sur les moyens relatifs au caractère superfétatoire de la décision contestée ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée datée du 25 juillet 2022 présente un caractère superfétatoire, s'ajoutant inutilement à une décision encore valable et sera donc annulée ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit et de défaut de base légale alors qu'elle entre dans le cadre des dispositions de l'article L.621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en l'absence de décision de retrait de l'attestation de demande d'asile, la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du même code pour défaut de base légale ;
- le préfet a pris la décision contestée en s'estimant en compétence liée en méconnaissance de l'article L. 542-3 du même code ;
- le préfet de l'Hérault a commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français alors qu'elle a déposé plainte contre le réseau de prostitution dont elle a été victime ;
- les dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- en raison des risques auxquels elle est exposée en cas de retour en Italie, du fait des défaillances systémiques dans la prise en charge des victimes de traite des êtres humains, la décision fixant le pays de destination a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a jamais troublé l'ordre public, qu'elle a déposé plainte contre un réseau de traite des êtres humains et qu'elle ne s'est jamais maintenue en situation irrégulière, étant placée en procédure de demande d'asile ;
- en réplique, elle soulève l'exception d'illégalité de la décision d'irrecevabilité de la demande d'asile de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 25 janvier 2023, laquelle est illégale en l'absence d'examen du bien-fondé de sa demande d'asile en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., de nationalité nigériane, a déclaré être entrée en France le 24 mai 2020. Elle a présenté une demande d'asile le 26 juin 2020. Lors de l'instruction de cette demande, l'examen de ses empreintes a révélé que la présence de l'intéressée avait été enregistrée sous le même nom, d'une part, en Italie le 4 décembre 2015, avec une date de naissance du 8 octobre 2001, et d'autre part, en Allemagne le 2 avril 2017 avec des dates de naissance des 8 octobre 1998 et 8 octobre 2001, et qu'elle avait obtenu en Italie le statut de réfugiée le 26 avril 2016. Sa demande d'admission à l'asile en France a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 10 juin 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, notifiée le 4 octobre 2021. Par un arrêté du 29 novembre 2021, le préfet de l'Hérault a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement n° 2106692 du 2 février 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 29 novembre 2021 fixant le pays de destination en tant qu'elle désigne le Nigeria comme pays de reconduite de Mme B... et a rejeté le surplus de la demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2021. Par un arrêté du 25 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a obligé Mme B..., ressortissante nigériane née en 2001, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé l'Italie comme pays de destination et a prononcé une interdiction de retour en France d'une durée de quatre mois. Par la présente requête, l'intéressée fait appel du jugement susvisé du 4 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés. ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code relatif aux mentions obligatoires de la décision : " (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties, a répondu aux points 4 à 8 du jugement attaqué aux moyens tirés du caractère superfétatoire de l'acte en litige, de l'insuffisante motivation de l'arrêté pris à l'encontre de la requérante, et tirés de la méconnaissance des articles L. 611-1 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si l'intéressée critique la teneur de la réponse apportée au moyen tiré du caractère superfétatoire de l'acte attaqué, une telle contestation relève du bien-fondé du jugement en litige et non de sa régularité. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. L'article L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2. ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32 (...) ".
5. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il a été pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
6. L'appelante fait valoir que cet arrêté revêt un caractère superfétatoire compte tenu de l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire en date du 29 novembre 2021 encore exécutoire. D'une part, un tel moyen est sans incidence sur la légalité de la décision en litige alors qu'une décision qui serait superfétatoire n'est pas pour autant illégale. D'autre part, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation prononcée par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, par le jugement susmentionné du 2 février 2022, de l'arrêté du 29 novembre 2021 du préfet de l'Hérault en tant que la décision fixant le pays de destination désigne le Nigéria comme pays de reconduite de Mme B..., cette dernière a été mise en possession d'une attestation de demandeur d'asile en raison d'un réexamen de sa demande d'asile par les services préfectoraux. S'il est exact que ce document valant autorisation provisoire de séjour n'a pas eu pour effet d'abroger la décision portant obligation de quitter le territoire français prise auparavant, et faisait seulement obstacle, en application des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exécution de l'éloignement, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a entendu procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans le cadre d'une demande d'asile en procédure accélérée, et au regard du droit au respect de sa vie privée et familiale, à l'issue duquel il a édicté l'arrêté en litige du 25 juillet 2022. Par suite, et alors que Mme B... ne disposait d'aucun droit à se maintenir sur le territoire français, le préfet de l'Hérault a pu légalement édicter à son encontre la mesure d'éloignement contestée.
7. En deuxième lieu, la requérante reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Elle ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le magistrat désigné du tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 6 du jugement attaqué.
8. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 611-1 et L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relative à l'obligation de quitter le territoire français, et des articles L. 621-1 et suivants du même code, relatives aux procédures de remise aux Etats membres de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des articles L. 621-2 à L. 621-7, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.
9. Si la requérante soutient que le préfet de l'Hérault ne pouvait prendre à son encontre de décision portant obligation de quitter le territoire français et que la décision attaquée est dépourvue de base légale, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le préfet a pris une obligation de quitter le territoire français à son encontre, les autorités italiennes s'étaient prononcées sur sa demande de protection internationale et lui avaient accordé le bénéfice de cette protection. Dans ces conditions, l'appelante, qui bénéficiait des droits conférés par le titre de séjour délivré par les autorités italiennes au titre de la protection subsidiaire, n'était pas insusceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, dès lors que sa demande d'asile en France avait été rejetée pour irrecevabilité, sa situation relevait du champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elle était insusceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées et de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut de base légale doivent être écartés.
10. En quatrième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le prononcé, par l'autorité administrative, à l'encontre d'un ressortissant étranger d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de cet article, n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour de l'intéressé en France. Ainsi, lorsque l'étranger s'est borné à demander l'asile, sans présenter de demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement, il appartient au préfet, après avoir vérifié que l'étranger ne pourrait pas prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, de tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmé le cas échéant par la Cour nationale du droit d'asile, sans avoir à statuer explicitement sur le droit au séjour de l'étranger en France. Lorsque le préfet fait néanmoins précéder, dans le dispositif de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, cette décision d'un article constatant le rejet de la demande d'asile de l'étranger, cette mention ne revêt aucun caractère décisoire et est superfétatoire. En l'espèce, comme il a été précédemment dit, il ressort des visas et des autres termes de l'arrêté contesté qu'il a été pris sur le seul fondement du 4° de l'article L. 611-1 cité au point 5 alors, au demeurant, que la requérante ne justifie pas, ni même n'allègue, avoir présenté une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît l'article L. 611-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute pour le préfet d'avoir statué sur la demande d'asile de l'intéressée doit être écarté.
11. En cinquième lieu, il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Hérault, après avoir constaté que la requérante ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français au vu des dispositions de l'article L. 542-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a retracé la situation personnelle et les conditions de son séjour en France. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour prendre la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
12. En sixième lieu, la décision en date du 10 juin 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté pour irrecevabilité la demande d'admission d'asile en France présentée par l'intéressée ne constitue pas la base légale de la décision en litige par laquelle le préfet de l'Hérault a décidé de l'obligation de quitter le territoire en litige, laquelle n'a pas été prise pour l'application de la décision de l'office. Dès lors, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de l'exception d'illégalité de la décision de l'office à l'encontre de la décision en litige.
13. En septième lieu, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. (...) ".
14. La requérante soutient qu'à la date à laquelle le préfet a édicté à son encontre la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui n'établit pas, à la date de l'arrêté en litige, avoir déposé de plainte à l'encontre des personnes qu'elle accuse d'avoir commis les infractions mentionnées ci-dessus, n'a pas demandé de titre de séjour sur ce fondement, sur lequel le préfet ne peut être regardé comme s'étant prononcé. L'intéressée ne peut, par suite, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées. En tout état de cause, en l'absence de précisions sur ces faits de proxénétisme dont elle déclare avoir été victime, l'intéressée n'établit pas remplir les conditions permettant de prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application de L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français en application de ces dispositions précitées doit être écarté.
15. En huitième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'appelante n'a été autorisée à séjourner sur le territoire que dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile en France et que cette demande d'admission a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 10 juin 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en ce que Mme B... bénéficiait du statut de réfugié dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, alors que Mme B..., célibataire et sans enfant, est récemment arrivée en France, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en obligeant l'intéressée à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". L'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.
17. L'appelante soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour en Italie en raison des menaces dont elle fait l'objet à la suite de sa sortie d'un réseau de prostitution. Toutefois, l'appelante n'apporte aucun élément précis de nature à établir qu'elle serait l'objet de persécutions et de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Italie. Par ailleurs, si Mme B... fait valoir qu'il existe des " défaillances dans la prise en charge des victimes de traite des êtres humains " par l'Italie, elle n'établit pas, en se prévalant d'un rapport établi en 2019 par le Groupe d'expert du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) sur la situation en 2018 de l'Italie et d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 octobre 2020 dont les motifs citent le rapport établi par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) actualisé en janvier 2020, l'existence de " défaillances " en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que ses conditions d'accueil ne seraient pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, les moyens tirés de ce que la décision renvoyant Mme B... en Italie méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de six mois :
18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
19. L'appelante se borne à indiquer en cause d'appel qu'elle n'a pas troublé l'ordre public, qu'elle a déposé plainte contre le réseau de proxénétisme dont elle a été victime et qu'elle ne s'est jamais maintenue en situation irrégulière. Toutefois, alors que l'appelante n'établit pas, par les pièces versées au dossier, le risque pour elle de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Italie, le préfet de l'Hérault a pu légalement prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois. Pour les mêmes motifs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Sophie Mazas et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Haïli, président assesseur,
- M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22618