Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... et Mme C... A... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 par lequel le maire d'Ille-sur-Têt ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux de M. D... portant sur la réalisation d'une piscine couverte, d'un garage, d'un abri bois ouvert et d'une véranda.
Par un jugement n° 2103388 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrée les 23 décembre 2022, 6 février 2024 et 15 mars 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Huot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2020 du maire d'Ille-sur-Têt ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ille-sur-Têt une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir ;
- leur demande de première instance n'est pas tardive ;
- le dossier de déclaration préalable est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas leur accord de construire sur le mur mitoyen ;
- le dossier de déclaration préalable est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas le document graphique et les photographies prévus aux c) et d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme alors que le garage est visible depuis l'espace public et que le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ;
- l'arrêté portant non-opposition à déclaration préalable méconnaît les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme dès lors que le projet, d'une emprise au sol totale de 69,9 m², est soumis à permis de construire ;
- l'arrêté portant non-opposition à déclaration préalable méconnaît les dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- en outre, l'arrêté portant non-opposition à déclaration préalable méconnaît les dispositions de l'article UB 7 du même règlement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 août 2023 et 28 février 2024, la commune d'Ille-sur-Têt, représentée par Me Henry, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme E... n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, M. F... D..., représenté par Me Ducroux, conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- M. et Mme E... n'ont pas intérêt pour agir ;
- la demande de première instance était tardive ;
- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés ou sont inopérants.
Par ordonnance du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024.
Par courrier du 19 juin 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, en application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, le moyen des appelants fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme est irrecevable dès lors qu'il a été soulevé dans le mémoire enregistré le 6 février 2024, soit après l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le 8 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Diaz, représentant M. et Mme E..., et G..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 septembre 2020, M. D... a déposé auprès des services de la commune d'Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales) une déclaration préalable de travaux pour la réalisation d'une piscine couverte, d'un garage, d'un abri bois ouvert et d'une véranda sur un terrain situé 18, rue du Roussillon où se situe son habitation. Par un arrêté du 8 octobre 2020, le maire d'Ille-sur-Têt ne s'est pas opposé à ces travaux. Par la présente requête, M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la nécessité d'obtenir un permis de construire :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / (...) b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable. ". Aux termes de l'article R. 421-9 du même code : " En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : / a) Les constructions dont soit l'emprise au sol, soit la surface de plancher est supérieure à cinq mètres carrés et répondant aux critères cumulatifs suivants : / - une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ; / - une emprise au sol inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; - une surface de plancher inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-11 de ce code, " I.- Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement, dans les réserves naturelles, dans les espaces ayant vocation à être classés dans le cœur d'un futur parc national dont la création a été prise en considération en application de l'article R. 331-4 du code de l'environnement et à l'intérieur du cœur des parcs nationaux délimités en application de l'article L. 331-2 du même code, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédés d'une déclaration préalable : / a) Les constructions nouvelles répondant aux critères cumulatifs suivants :-une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ; / -une emprise au sol inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / - une surface de plancher inférieure ou égale à vingt mètres carrés (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige porte d'une part, sur la réalisation de constructions nouvelles consistant en une piscine couverte, un garage, et un abri bois ouvert et, d'autre part, sur la réalisation de travaux sur une construction existante consistant en une véranda accolée à la maison d'habitation. En outre, il est constant que le terrain d'assiette des travaux autorisés par l'arrêté en litige est compris dans le périmètre du site patrimonial remarquable de la commune d'Ille-sur-Têt. Par suite, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme relatives aux constructions nouvelles soumises à déclaration préalable de travaux situées en dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables à l'appui de leur moyen fondé sur la nécessité d'un permis de construire pour autoriser les travaux en litige.
En ce qui concerne la complétude du dossier de déclaration préalable :
4. En premier lieu, une déclaration préalable de travaux concernant un mur séparatif de propriété peut, alors même que les travaux en cause pourraient être contestés par les autres propriétaires devant le juge judiciaire sur le fondement des articles 653 et suivants du code civil, être présentée par un seul co-indivisaire. En conséquence, sous réserve de la fraude, dès lors que le pétitionnaire fournit l'attestation, prévue à l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme, selon laquelle il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable, il doit être regardé comme ayant qualité pour présenter cette déclaration, sans que l'autorité administrative puisse exiger de lui la production d'un document établissant soit qu'il est seul propriétaire du mur mitoyen, soit qu'il a l'accord de l'autre copropriétaire de ce mur.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a attesté remplir les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable de travaux. En outre, les requérants n'établissent ni même n'allèguent que le pétitionnaire se serait livré à des manœuvres frauduleuses. Ainsi, et à supposer que les travaux en litige concernent le mur mitoyen entre la propriété de M. D... et celle de M. et Mme E..., le moyen tiré de l'absence d'accord de ces derniers pour réaliser des travaux sur ce mur doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / (...) c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci ; (...) Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux a et b de l'article R. 431-10, (...). Ces pièces sont fournies sous l'entière responsabilité des demandeurs. / Lorsque la déclaration porte sur un projet de création ou de modification d'une construction et que ce projet est visible depuis l'espace public ou que ce projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier comprend également les documents mentionnés aux c et d de l'article R. 431-10. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse (...) ".
7. La circonstance que le dossier de déclaration préalable ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation d'urbanisme que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
8. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable de travaux déposée par M. D... comporte un document graphique d'insertion du garage intitulé " DP 6 " accompagné de plusieurs photographies référencées " DP 7 " et " DP 8 " prises depuis la voie publique permettant de situer le projet dans l'environnement proche et d'apprécier son insertion par rapport aux constructions avoisinantes. En revanche, ces documents ne permettent ni de situer le projet en litige dans son environnement lointain ni d'apprécier son insertion par rapport aux paysages. Toutefois, les plans fournis à l'appui de la déclaration préalable ainsi que les photographies montrent que la piscine et son abri, l'abri bois et la véranda ne seront que très peu visibles dans l'environnement lointain. De plus, eu égard aux dimensions du garage et à sa construction en retrait de 5 mètres de la voie publique rappelées sur le plan de coupe joint à la déclaration préalable et au vu de la photographie le montrant depuis la voie publique, le maire a pu apprécier l'insertion de ce dernier par rapport aux paysages et le situer dans son environnement lointain. Enfin, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort d'aucune pièce du dossier de déclaration que ce garage aurait une forme trapézoïdale. Dans ces conditions, les insuffisances entachant le dossier n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de déclaration doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Ille-sur-Têt :
9. En premier lieu, l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur des constructions et l'aménagement de leurs abords, applicable à la zone UB dans laquelle se situe le projet en litige, dispose que : " Les constructions doivent présenter un aspect compatible avec le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants, du site et des paysages. (...) Les toitures seront réalisées en tuiles canal terre cuite rouge aux matériaux assimilés de couleur rouge. Les toitures suivront l'inclinaison des pentes traditionnelles entre 30 et 33 %. (...) Les terrasses inaccessibles et celles couvrant la totalité du bâtiment sont interdites, sauf dans le cas d'une architecture contemporaine justifiée par une bonne intégration dans le site. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que la construction existante, à l'architecture contemporaine, comporte une succession de trois toits à pans coupés entre lesquels s'intercalent deux toitures en terrasse et que le garage et l'abri en bois seront également couverts par des toitures en terrasse. Si le dossier de déclaration préalable ne présente pas de justification de la bonne intégration dans le site, cette dernière se déduit de l'architecture contemporaine du bâtiment principal. Au demeurant, la circonstance que l'habitation de M. D... soit la seule dans le quartier à avoir une architecture contemporaine ne permet pas de considérer que le choix d'une architecture contemporaine pour le garage et l'abri bois en litige ne serait pas justifié par une bonne intégration dans le site. Au demeurant, l'architecte des bâtiments de France n'a émis aucune réserve dans son avis du 6 octobre 2020 sur ce projet situé dans le périmètre du site patrimonial remarquable de la commune d'Ille-sur-Têt. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de non-opposition à déclaration préalable a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative (...) ".
12. Le moyen tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme a été soulevé dans le mémoire des requérants enregistré le 6 février 2024, plus de deux mois après communication du premier mémoire en défense aux requérants, le 8 août 2023. Ce moyen est dès lors irrecevable en application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ille-sur-Têt, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme E... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de l'Ille-sur-Têt et la même somme à verser à M. D... sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme E... verseront à la commune de l'Ille-sur-Têt et M. D... une somme de 1 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et Mme C... A... épouse E..., à la commune d'Ille-sur-Têt et à M. F... D....
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22613