Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Globeliner a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2005507 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2022 et le 13 avril 2023, la société Globeliner, puis Me Olivier Chauffour, agissant en qualité de liquidateur de la société, représentés par Me Ciaudo, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les bénéfices de la société Globeliner ne sont pas imposables à l'impôt sur les sociétés dès lors que toute son activité de commerce de produits pharmaceutiques s'effectue à l'étranger, aucun cycle commercial complet n'étant réalisé en France ;
- selon les énonciations du paragraphe n° 140 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IS-CHAMP-60-10-20, même en l'absence de tout établissement hors de France ou de représentant qualifié à l'étranger, une entreprise française échappe à l'impôt sur les sociétés à raison des opérations qu'elle effectue à l'étranger dès lors que celles-ci forment un cycle commercial complet et se détachent, par leur nature ou leur mode d'exécution, des opérations faites en France ;
- la convention fiscale conclue entre la France et les Emirats arabes unis, qui a une autorité supérieure à la loi, fait obstacle à l'application de l'article 238 A du code général des impôts ;
- le régime de dévolution de la charge de la preuve et d'administration de la preuve fixé par les dispositions de l'article 238 A du code général des impôts institue, pour le droit à déduction des charges, une différence de traitement avec les contribuables soumis aux obligations de droit commun définies au 1° du 1 de l'article 39 du même code, en méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er du protocole n° 1 additionnel à cette convention ;
- ce régime de dévolution de la charge de la preuve et d'administration de la preuve institue une restriction à la libre circulation des capitaux, en méconnaissance des stipulations de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- les Emirats arabes unis ne sont pas un Etat ou un territoire non coopératif ;
- la théorie de l'" acte anormal de gestion " n'est pas applicable ;
- l'administration n'a pas fourni d'éléments de comparaison, en méconnaissance de l'article 57 du code général des impôts ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve que la société New Pharmaceutical Technologie est soumise à un régime fiscal privilégié aux Emirats arabes unis ;
- les commissions versées à la société New Pharmaceutical Technologie correspondent à des prestations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ;
- la majoration pour manquement délibéré a été appliquée à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du devoir de loyauté ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;
- la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré est disproportionnée ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré est injustifiée.
Par deux mémoires, enregistrés le 30 mars 2023 et le 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce qu'il n'y ait pas lieu de statuer à hauteur du montant des pénalités remises à la suite de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Globeliner, et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Globeliner le 9 janvier 2023, les intérêts de retard dus à cette date ont été remis en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, pour un montant total de 33 545 euros ;
- les moyens soulevés par la société Globeliner puis Me Chauffour ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions du 19 juillet 1989 :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Globeliner, qui exerce une activité de courtage en produits pharmaceutiques et médicaments, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a rehaussé ses résultats imposables de l'exercice clos en 2016 en conséquence de la remise en cause de la déduction de commissions facturées par la société New Pharmaceutical Technologie, établie aux Emirats arabes unis, comme ayant été versées à une personne établie à l'étranger soumise à un régime fiscal privilégié. La société Globeliner a relevé appel du jugement du 7 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 et des pénalités correspondantes. Son liquidateur judiciaire, Me Chauffour, a repris l'ensemble de ses conclusions après la liquidation de la société, prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 9 janvier 2023.
Sur l'étendue du litige :
2. La société Globeliner ayant été placée en liquidation judiciaire le 9 janvier 2023, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé, en application des dispositions du I de l'article 1756 du code général des impôts, la remise des intérêts de retard prévus par l'article 1728 du même code qui étaient dus à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective. Il suit de là que les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces intérêts de retard, d'un montant total de 33 545 euros, sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'assujettissement de la société Globeliner à l'impôt sur les sociétés :
3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ".
4. Il résulte de l'instruction qu'en 2016 la société Globeliner a exercé son activité de négoce en revendant à la société Laboratoire Pharma 5 établie au Maroc, client avec lequel elle a réalisé plus de 99 % de son chiffre d'affaires, des produits pharmaceutiques et des médicaments acquis à l'étranger (Chine, Inde, Allemagne, Pays-Bas) et livrés directement à son client sans transiter par la France. Si les opérations commerciales de la société Globeliner étaient ainsi réalisées à l'étranger, l'intégralité des tâches de direction et de gestion y afférentes étaient effectuées à Sète (Hérault), où la société avait son siège et son seul établissement. Ainsi, les opérations commerciales de la société Globeliner ne peuvent être regardées comme détachables de son activité de négoce, exercée en France, et ne sont donc pas constitutives d'un cycle commercial complet à l'étranger. La circonstance que la société Globeliner ne réalise pas un cycle commercial complet en France est sans incidence à cet égard. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les résultats de la société Globeliner tirés de son activité de courtage au profit de la société de droit marocain Laboratoire Pharma 5 étaient soumis à l'impôt sur les sociétés sur le fondement du I de l'article 209 du code général des impôts.
5. En second lieu, la société appelante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 140 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IS-CHAMP-60-10-20, qui ne comportent pas d'interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale entre la France et les Emirats arabes unis :
6. Le moyen tiré de ce que la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Emirats arabes unis en vue d'éviter les doubles impositions, signée le 19 juillet 1989 ferait obstacle à la remise en cause de la déduction de charges sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts est inopérant dès lors que la société Globeliner n'établit ni même n'allègue qu'elle serait résident fiscal des Emirats arabes unis.
En ce qui concerne la déduction des commissions versées à la société New Pharmaceutical Technologie :
7. Aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article 238 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les rémunérations de services, payé[e]s ou du[e]s par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis[es] comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ". Pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi. Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
8. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " et aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi.
9. Les dispositions des premier et deuxième alinéas précités de l'article 238 A du code général des impôts ont été instaurées à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale. Ces dispositions, qui se limitent à imposer une obligation de justification des dépenses, laquelle, bien que plus lourde que celle du régime général de déduction défini au 1° du 1 de l'article 39 du même code, repose sur des risques objectifs d'évasion fiscale, n'instituent pas une contrainte excessive pour l'ensemble des sociétés concernées au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen selon lequel la différence de traitement ainsi instituée entre les contribuables soumis aux obligations de l'article 238 A du code général des impôts et ceux soumis aux obligations du régime de droit commun défini au 1° du 1 de l'article 39 du même code méconnaîtrait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". Le moyen tiré de ce que le régime de dévolution de la charge de la preuve et d'administration de la preuve institué par les dispositions de l'article 238 A du code général des impôts crée, pour le droit à déduction des charges, une restriction incompatible avec la liberté de circulation des capitaux est inopérant dès lors que le litige, relatif à la déduction de charges correspondant à la rémunération de prestations de services, ne met pas en cause des mouvements de capitaux.
11. En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Toutefois, (...) les rémunérations de services, payé[e]s ou du[e]s par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A, ne sont pas admis[es] comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, sauf si le débiteur apporte la preuve mentionnée au premier alinéa et démontre que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un Etat ou territoire non coopératif (...) ".
12. Il est constant que l'administration a remis en cause la déduction des commissions versées à la société New Pharmaceutical Technologie en se fondant sur la circonstance que cette société était soumise à un régime fiscal privilégié, suivant le régime de dévolution de la charge de la preuve et d'administration de la preuve prévu aux premier et deuxième alinéas de l'article 238 A du même code cités au point 7, et non pas sur la circonstance que les Emirats arabes unis sont un Etat ou un territoire non coopératif, suivant le régime de dévolution de la charge de la preuve et d'administration de la preuve prévu au troisième alinéa de ce même article. Par suite, le moyen tiré de ce que les Emirats arabes unis ne sont pas un Etat ou un territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts est inopérant.
13. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la remise en cause de la déduction des sommes versées à la société New Pharmaceutical Technologie n'est pas fondée sur la théorie dite de l'" acte anormal de gestion ". Par suite, le moyen tiré de ce que la société Globeliner n'aurait pas commis d'acte anormal de gestion en versant les commissions en cause à la société New Pharmaceutical Technologie est inopérant.
14. En cinquième lieu, la circonstance que l'administration n'aurait pas fourni d'éléments de comparaison, en méconnaissance des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, relatif au transfert indirect de bénéfices à l'étranger, est inopérant dès lors que la remise en cause de la déduction des sommes versées à la société New Pharmaceutical Technologie n'est pas fondée sur les dispositions de cet article.
15. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que les commissions versées à la société New Pharmaceutical Technologie représentaient, en moyenne, 71 % du montant des achats de produits pharmaceutiques et de médicaments revendus à la société Laboratoire Pharma 5, qui était son client quasi exclusif. L'administration a relevé que le contrat de commissionnement conclu par la société Globeliner avec la société de droit émirati a été signé le 22 avril 2014, postérieurement à l'engagement des relations commerciales de la société Globeliner avec la société de droit marocain, que la société de droit émirati n'est intervenue à aucun moment du processus commercial entre la société Globeliner et la société de droit marocain au cours de l'exercice clos en 2016, que la rémunération de la société de droit émirati depuis 2014 n'a pas permis à la société Globeliner d'obtenir de nouveaux clients, et que les échanges entre la société Globeliner et la société de droit émirati ne portaient que sur la bonne réception des commissions versées sur les comptes bancaires de la société de droit émirati. L'administration a remis en cause la déduction de ces charges, pour un montant de 1 479 928 euros, sur le fondement des dispositions précitées des premier et deuxième alinéas de l'article 238 A du code général des impôts, aux motifs que la société New Pharmaceutical Technologie était soumise aux Emirats arabes unis à un régime fiscal privilégié et que la société Globeliner n'avait pas rapporté la preuve, d'une part, que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et, d'autre part, qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
16. Le ministre fait valoir, sans être contredit, qu'au titre de l'année 2016, les bénéfices des sociétés commerciales, à l'exception de celles exerçant une activité dans le domaine du gaz ou du pétrole et des banques étrangères, n'étaient soumis, aux Emirats arabes unis, ni à l'impôt sur les sociétés ni à aucune autre imposition directe sur les bénéfices ou les revenus. Il en résulte que la société New Pharmaceutical Technologie, qui exerçait une activité d'intermédiation, a bénéficié aux Emirats arabes unis d'une absence totale d'imposition directe sur ses bénéfices ou revenus tandis que, compte tenu de sa forme sociale et de ses activités, ses bénéfices auraient été soumis en France notamment à l'impôt sur les sociétés au taux normal de 33,33 %. Par suite, le ministre démontre que cette société était soumise à un régime fiscal privilégié aux Emirats arabes unis au sens de l'article 238 A du code général des impôts.
17. Il incombe à Me Chauffour, en vertu des principes rappelés au point 7, d'établir que les commissions versées par la société Globeliner à la société New Pharmaceutical Technologie correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
18. Pour démontrer la réalité des prestations réalisées par la société New Pharmaceutical Technologie, Me Chauffour se borne à affirmer que les commissions que lui versait la société Globeliner étaient nécessaires au maintien du contrat entre cette dernière et la société Laboratoire Pharma 5. Il soutient que la société Laboratoire Pharma 5 a imposé à la société Globeliner le recours à la société New Pharmaceutical Technologie " sans possibilité de discuter du choix et de l'opportunité d'un tel recours ". Ce faisant, Me Chauffour ne rapporte pas la preuve de ce que les rémunérations versées à la société de droit émirati correspondent à des prestations réelles. Au surplus, il ne rapporte pas la preuve de ce que les commissions versées ne présentaient pas un caractère anormal ou exagéré en se bornant à faire valoir que " c'était à prendre ou à laisser " et que la marge de 9,66 % revenant à la société Globeliner était " intéressante ". Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction des sommes versées à la société New Pharmaceutical Technologie pour la détermination des résultats imposables de la société Globeliner au titre de l'exercice clos en 2016.
S'agissant des pénalités :
19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
20. En premier lieu, si Me Chauffour soutient que la majoration prévue par ces dispositions a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance du devoir de loyauté et des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, il n'assortit pas ces moyens des précisions permettant d'en apprécier la portée. Par suite, ils doivent être écartés.
21. En deuxième lieu, d'une part, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016, le taux de majoration de 40 % pour manquement délibéré prévu au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas manifestement disproportionné. D'autre part, l'impôt n'ayant pas le caractère d'une sanction, la circonstance que cette majoration s'ajoute à l'impôt assis du chef du rehaussement résultant de la remise en cause de la déduction des charges correspondant aux commissions versées à la société de droit émirati n'a pas pour effet de conférer à cette majoration un caractère disproportionné.
22. En dernier lieu, pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à la charge de la société Globeliner au titre de l'exercice clos en 2016, l'administration a relevé son incapacité à établir la matérialité des prestations rémunérées et leur contrepartie pour elle, l'importance de leur montant et de leur part dans les charges d'exploitation de cet exercice (22,68 %), l'importance de leur montant rapporté au coût des achats soumis à commission (71 % en moyenne) et le fait que le gérant de la société Globeliner ne pouvait ignorer que cette pratique ne s'inscrivait pas dans un contexte économique normal. En se fondant sur ces éléments exacts, l'administration établit l'intention de la société Globeliner d'éluder l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Me Chauffour agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Globeliner n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de la demande de cette société.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser à Me Chauffour agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Globeliner au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des intérêts de retard d'un montant de 33 545 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Me Chauffour agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Globeliner est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Olivier Chauffour agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Globeliner et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL22394 2
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