Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 2 décembre 2020 par laquelle le maire de Villeneuve-lès-Maguelone a décidé de préempter au titre des espaces naturels sensibles la parcelle cadastrée section AS n° 208 situé au lieu-dit " La Rouquette ".
Par un jugement n° 2100283 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet 2022 et 30 novembre 2022, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), représentée par Me Marc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de M. A... et Mme C... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la seule circonstance que la superficie de la parcelle ne pourrait permettre son ouverture au public ne suffit pas à l'exclure du champ d'application de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme permettant la préemption de parcelles bâties, son acquisition eu égard à sa localisation étant nécessaire au titre de la protection des espaces naturels sensibles ;
- le jugement est irrégulier dès lors que la condition de la dimension du terrain devant être suffisante pour justifier de l'ouverture au public ne doit pas être seulement appréciée au regard de la seule superficie du terrain, mais peut être constituée au regard d'une future insertion de la parcelle dans une zone plus vaste ;
- la décision de préemption attaquée a été signée par une personne ayant compétence à cet effet dès lors que le maire bénéficie d'une délégation du conseil municipal en matière de préemption des espaces naturels sensibles et qu'il n'avait pas besoin d'une délégation du département ;
- elle n'est pas entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'est pas entachée d'un défaut de base légale dès lors que l'arrêté préfectoral du 16 juin 1983 créant une zone de préemption au titre du périmètre sensible sur le canton de Frontignan dans laquelle est comprise la parcelle AS n°208 est devenu définitif et opposable aux tiers malgré l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, M. A... et Mme C..., représentés par Me Boillot concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la décision attaquée, signée par le maire, est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas justifié, d'une part, qu'il bénéficiait d'une délégation du conseil municipal en matière de préemption des espaces naturels sensibles ni, d'autre part, que le département aurait délégué sa propre compétence en la matière à la commune ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- la parcelle préemptée n'est pas située dans le périmètre des espaces naturels sensibles du département de l'Hérault et la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que la délimitation par le représentant de l'Etat des périmètres sensibles n'est plus opposable ;
- l'existence d'une construction sur la parcelle préemptée faisait obstacle à l'exercice du droit de préemption, en application des articles L. 142-1 et L. 142-3 du code de l'urbanisme, tandis que le secteur ne revêt aucun caractère sensible.
Par ordonnance du 11 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Moufadil, représentant la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, et de Me Constantinides, représentant M. A... et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la déclaration d'intention d'aliéner reçue le 7 septembre 2020 concernant la vente par Mme C... de la parcelle cadastrée section AS n° 208 d'une contenance de 1 459 m² à M. A..., le maire de Villeneuve-lès-Maguelone a, par une décision du 2 décembre 2020, exercé le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles. Par la présente requête, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone demande à la cour d'annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. La commune de Villeneuve-lès-Maguelone soutient que le tribunal administratif a commis une erreur en jugeant que les conditions de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme n'étaient pas remplies dès lors que d'une part, la seule circonstance que la superficie de la parcelle ne pourrait permettre son ouverture au public ne suffit pas à l'exclure du champ d'application de ces dispositions, son acquisition étant nécessaire au titre de la protection des espaces naturels sensibles eu égard à sa localisation et d'autre part, que la condition de la dimension du terrain devant être suffisante pour justifier de l'ouverture au public ne doit pas être seulement appréciée au regard de la seule superficie du terrain, mais peut être constituée au regard d'une future insertion de la parcelle dans une zone plus vaste. Toutefois, de tels moyens se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision prise en matière d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
4. Aux termes de l'article L. 113-8 du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article L. 215-1 du même code pour l'institution du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles : " Le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels ". Aux termes de l'article L. 215-11 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " A titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels. ". Il résulte de ces dispositions que l'exercice du droit de préemption sur des parcelles bâties n'est admis, à titre exceptionnel, que dans le cas, notamment, où la dimension du terrain est suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est nécessaire à la protection des espaces naturels sensibles. L'appréciation de la première condition doit être faite en prenant en compte la seule superficie du terrain objet de la préemption alors même qu'il serait inséré dans une zone plus vaste dans laquelle d'autres parcelles auraient déjà été acquises en vue d'une ouverture au public.
5. Pour annuler la décision de préemption du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme.
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle objet de la préemption litigieuse supporte une construction existante et présente une superficie de seulement 1 459 mètres carrés. Une telle dimension ne peut être regardée comme suffisante pour justifier qu'il soit dérogé, à titre exceptionnel, ainsi que l'exige l'article L. 215-11 du code précité, au principe d'exclusion du droit de préemption sur les parcelles bâties nonobstant la circonstance inopérante invoquée en défense que la commune aurait déjà acquis dans le même secteur d'autres terrains. Par suite, et alors même qu'elle est nécessaire à la protection des espaces naturels sensibles, la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme et ce motif justifie la solution d'annulation prononcée par les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Villeneuve-lès-Maguelone n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de préemption du 2 décembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... et Mme C..., qui ne sont pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone une somme de 1 500 euros à verser à M. A... et Mme C... sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone est rejetée.
Article 2 : La commune de Villeneuve-lès-Maguelone versera à M. A... et Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, à M. B... A... et à Mme D... C....
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
J.-F. MoutteLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22TL21691