Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme B... G..., épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1804899 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20TL23111 du 26 janvier 2023 la cour a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.
Par une décision n° 474539 du 7 décembre 2023 le Conseil d'État a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 15 septembre 2020 et les 19 août et 23 septembre 2021, sous le n° 20BX03111 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL23111 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 août 2022, M. D... et Mme G..., épouse D..., représentés par Me Rodriguez, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société Purple Stone Overseas ne disposait pas d'un établissement autonome en France ;
- le refus de l'administration d'indiquer, dans le cadre de la présente instance, le montant des rehaussements maintenus à la charge de la société Purple Stone Overseas, dont procèdent les revenus distribués imposés entre leurs mains, porte atteinte au respect des droits de la défense ;
- les salaires de MM. Brillanti et Scherlen doivent être déduits du chiffre d'affaires de la société Purple Stone Overseas dès lors qu'ils n'étaient pas résidents fiscaux en France ;
- des frais de gestion annuels d'un montant de 42 000 euros doivent être admis en déduction pour la détermination des résultats imposables des exercices clos en 2013 et 2014 ;
- les cotisations supplémentaires mises à la charge de la société Purple Stone Overseas au titre des exercices clos en 2013 et 2014 à l'issue de la vérification de comptabilité doivent être déduites de ses résultats imposables au titre de ces exercices ;
- le c de l'article 111 du code général des impôts ne peut servir de fondement pour imposer en tant que revenus distribués les bénéfices reconstitués d'une société ;
- M. D... n'était pas le maître de l'affaire ;
- la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les prestations facturées par la société Purple Stone Overseas doit être exclue pour la détermination du montant des bénéfices distribués dès lors, d'une part, que l'administration n'a notifié à cette société ni rappel de taxe sur la valeur ajoutée ni rehaussement de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre du profit sur le Trésor et, d'autre part, que l'administration n'a pas caractérisé l'existence d'un établissement stable en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts portent atteinte au principe de proportionnalité des peines protégé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles permettent d'appliquer la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses à un contribuable imposé à raison de revenus distribués qu'il est présumé avoir appréhendé en tant que maître de l'affaire ;
- la Cour européenne des droits de l'homme déduit une exigence de proportionnalité des peines de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de son article 6 ;
- l'application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée dès lors que M. D... n'était ni le gérant de fait ni le maître de l'affaire de l'établissement de la société Purple Stone Overseas.
Par des mémoires, enregistrés le 29 mars 2021 et le 14 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Procédure devant la cour après cassation :
Par deux mémoires en reprise d'instance après cassation, enregistrés les 25 janvier et 19 mars 2024, M. et Mme D..., représentés par Me Rodriguez, maintiennent leurs conclusions et leurs moyens.
Ils soutiennent, en outre, que c'est à tort que le service leur a appliqué la majoration de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en ce qu'elle entraîne une surcharge financière disproportionnée qui méconnaît l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 24 janvier, 23 février et 9 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en se référant à ses précédentes écritures.
Il soutient, en outre, que les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ont été déclarées conformes à la Constitution et, de plus, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure, notamment, où elles ont été appliquées en l'absence de bonne foi du contribuable
Par une ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024 à 12 h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ainsi que son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;
- la convention du 19 juin 2008 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôt sur le revenu et sur les gains en capital ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
-les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
-et les observations de Me Rodriguez représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. À la suite d'opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 10 février 2015 à Baziège (Haute-Garonne), au siège social de la société Cabinet A... D..., gérée par M. D..., la société Purple Stone Overseas, de droit anglais et dont le siège social est situé dans les Îles Vierges Britanniques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. L'administration a estimé que cette société exploitait de façon occulte en France une entreprise imposable à l'impôt sur les sociétés au travers de son établissement autonome situé dans les locaux de la société Cabinet A... D.... Il en est résulté des rehaussements de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, notamment au titre des années 2013 et 2014, selon la procédure de taxation d'office. Estimant que M. D... en était le maître de l'affaire, l'administration a ensuite rehaussé les revenus imposables des requérants au titre des années 2013 et 2014 à raison des revenus distribués correspondant aux rehaussements des bénéfices sociaux de cette société, selon la procédure de rectification contradictoire. M. D... et Mme G..., épouse D..., relèvent appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes et qui trouvent leur origine dans le contrôle précité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Compte tenu du principe d'indépendance des procédures de rectification de la société Purple Stone Overseas et des appelants, la circonstance, à la supposer même établie, la circonstance que l'administration aurait dégrevé tout ou partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de cette société est, par elle-même, sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des appelants, alors même qu'elles sont assises sur des distributions révélées par un rehaussement des bases de l'impôt sur les sociétés. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de l'administration d'indiquer, dans le cadre de la présente instance, le montant des rehaussements des résultats imposables de la société Purple Stone Overseas qui auraient été maintenus porte atteinte au respect des droits de la défense doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant du principe de l'imposition en France de la société Purple Stone Overseas :
3. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
4. Le point 2 du protocole de la convention signée le 19 juin 2008 entre la France et le Royaume-Uni stipule que " l'expression "Royaume-Uni" définie au paragraphe 1 de l'article 3 [de cette convention] ne comprend pas les Îles Anglo-Normandes, l'Île de Man, Gibraltar, les zones du Royaume-Uni à Chypre dénommées "Sovereign Base Areas", ni aucun pays ou territoire d'outre-mer ayant des relations spéciales avec le Royaume-Uni ". Il en résulte que les Îles Vierges britanniques, qui font partie des pays ou territoires d'outre-mer ayant des relations spéciales avec le Royaume-Uni, ne sont pas comprises dans le champ d'application de cette convention.
5. Pour imposer à l'impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés en France par la société Purple Stone Overseas, l'administration a estimé que les éléments recueillis lors des opérations de visite et de saisie réalisées le 10 février 2015 dans les locaux de la société Cabinet A... D..., dont M. D... était le gérant, et au domicile de M. et Mme D..., situés à Baziège, ainsi que les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication ont révélé que la société Purple Stone Overseas y exerçait, au titre des exercices clos en 2013 et 2014, une activité continue et qu'elle y avait son siège de direction effective dès lors qu'elle disposait en France, dans les locaux de la société Cabinet A... D..., d'une installation matérielle présentant une certaine permanence et une autonomie propre à partir de laquelle son dirigeant effectif exerçait ses pouvoirs habituels lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise.
6. Il résulte de l'instruction que la société Purple Stone Overseas exerçait une activité de mise à disposition de personnels spécialisés dans le déminage et la sécurité. Elle avait pour principal client la société Cabinet A... D..., laquelle exerçait une activité de sécurité privée dans des pays dits " à risque " pour le compte de sociétés de prospection pétrolière et n'avait, elle-même, aucun salarié. Les éléments recueillis par l'administration révèlent que l'ensemble des personnels mis à la disposition de la société Cabinet A... D... étaient des militaires ou policiers retraités domiciliés en France et que cette société se comportait à leur égard comme leur employeur réel. Ainsi, elle se chargeait de leur recrutement en recevant elle-même les candidatures. Elle assurait leur gestion administrative, notamment en rédigeant des attestations de travail, en recevant leurs relevés de temps de travail, en rédigeant des attestations de salaire mentionnant le montant payé par la société Purple Stone Overseas au salarié, en demandant aux salariés des curriculum vitae actualisés. L'administration a également découvert des contrats signés par les salariés en cause accompagnés de leurs enveloppes portant l'adresse de la société Cabinet A... D.... Par ailleurs, cette société délivrait les attestations professionnelles aux salariés mis à sa disposition, assurait un suivi des salaires et des frais versés par la société Purple Stone Overseas aux salariés, adressait des instructions pour le paiement des salaires à la banque suisse Julius Baër, dans laquelle la société Purple Stone Overseas disposait d'un compte à partir duquel les personnes mises à la disposition de la société Cabinet A... D... étaient rémunérées. C'est également la société Cabinet A... D... qui décidait de l'octroi de primes aux salariés. Enfin, les employés mis à la disposition de la société Cabinet A... D... par la société Purple Stone Overseas ont déclaré ne pas connaître cette entité et considérer M. D... comme leur employeur. À cet égard, la circonstance que certaines de ces déclarations aient été recueillies à l'occasion de contrôles fiscaux et émanent de résidents français qui n'avaient pas rempli leurs obligations fiscales n'est pas de nature à remettre en cause leur caractère probant dès lors, d'une part, que l'allégation selon laquelle les auteurs de ces déclarations auraient subi des pressions n'est appuyée d'aucun élément et, d'autre part, que ces déclarations ont été confirmées par plusieurs autres salariés.
7. Par ailleurs, les éléments recueillis par l'administration au cours des opérations de visite et de saisie ont révélé que M. D..., en tant que gérant de la société Cabinet A... D..., assurait lui-même la facturation de la société Purple Stone Overseas à destination de sa propre société, l'ensemble de ces factures adressées mensuellement à la société Cabinet A... D... ayant été retrouvé, au format Word, dans des ordinateurs de la société cliente, de même que des documents vierges à l'entête de la société Purple Stone Overseas, tandis que le modèle des factures de cette société a été retrouvé dans une clé USB dans les locaux de la société Cabinet A... D.... En outre, M. D... doit être regardé comme ayant disposé d'un pouvoir ou d'une procuration sur le compte détenu par la société Purple Stone Overseas dans les écritures de la banque suisse Julius Baër dès lors que l'administration a découvert une instruction adressée par M. D... à cette banque concernant, d'une part, le paiement des salariés mis à la disposition de sa société et, d'autre part, le paiement d'honoraires à Mme E... dissimulant un prêt accordé par la société Purple Stone Overseas à M. C..., ce dernier ayant attesté à l'administration que M. D... avait utilisé le compte suisse de la société Purple Stone Overseas pour lui prêter de l'argent. Si les requérants se prévalent d'une lettre du 26 mars 2015 de la banque Julius Baër indiquant que M. F..., en qualité de signataire autorisé avec un droit de signature sur le compte ouvert par la société Purple Stone Overseas dans leur établissement, était le seul ayant-droit économique des valeurs déposées sur ce compte et que cette société ne disposait dans son établissement d'aucun autre compte, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que M. D... disposât d'une procuration bancaire sur ce compte. L'affirmation de Me Fivian de Bonneville, avocate suisse, dans un courrier du 21 juin 2016, selon laquelle M. F... n'aurait mandaté en France aucune personne pour y diriger la société Purple Stone Overseas est dépourvue de valeur probante dès lors que l'affirmation de cette avocate, qui précise ne pas représenter la société Purple Stone Overseas, repose sur une interprétation de la lettre susmentionnée du 26 mars 2015 qui va au-delà de ses termes. Enfin, plusieurs des éléments recueillis par l'administration mettent en évidence que M. D... disposait du pouvoir d'engager la société Purple Stone Overseas. Ainsi, dans le cadre de l'acquisition de parts sociales de la SCI Venamiro par cette société, l'acte de cession des 25 et 28 octobre 2013 indique que la société Purple Stone Overseas était représentée par M. D... " déclarant avoir tout pouvoir à l'effet des présentes ". Si les requérants font valoir que cette mention ne signifie pas que M. D... était le représentant légal de la société Purple Stone Overseas, ils ne produisent pas la procuration qui aurait permis à M. D... de représenter cette société dans le cadre de cette transaction et n'expliquent pas les raisons pour lesquelles cette société aurait fait appel au gérant de son client pour la représenter.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Purple Stone Overseas devait être regardée, au cours des années en cause, comme exploitant, par l'intermédiaire d'un établissement autonome, une entreprise en France au sens des dispositions précitées du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts. Dès lors, c'est par une exacte application de ces dispositions que l'administration a considéré que les résultats de l'activité de la société Purple Stone Overseas devaient être imposés à l'impôt sur les sociétés.
S'agissant de l'existence et du montant des revenus distribués par la société Purple Stone Overseas :
9. Il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Purple Stone Overseas à partir des prestations facturées à la société Cabinet A... D... et en tenant compte, au titre des charges, des frais de déplacements remboursés aux salariés.
10. En premier lieu, si les appelants soutiennent qu'une partie du chiffre d'affaires de la société Purple Stone Overseas correspond à des prestations réalisées par MM. Brillanti et Scherlen, deux résidents fiscaux non français, il est constant que les prestations ont été réalisées par l'établissement autonome dont cette société disposait en France. C'est à bon droit que l'administration a compris ces recettes dans le chiffre d'affaires de la société. Au demeurant, les salaires versés à ces deux personnes ont été compris dans les charges d'exploitation, qui ont été déduites pour la détermination des résultats imposables.
11. En deuxième lieu, si M. et Mme D... soutiennent que des frais de gestion d'un montant annuel de 42 000 euros doivent être admis en charges déductibles, il résulte de l'instruction qu'aucun élément n'atteste l'existence de ces frais. D'ailleurs, ils indiquent eux-mêmes qu'ils ne peuvent pas " se prévaloir de la vraisemblance de cette dépense ". Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé de déduire cette somme pour la détermination des résultats imposables de la société Purple Stone Overseas.
12. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ". Si les appelants soutiennent que le montant des cotisations supplémentaires de divers impôts mis à la charge de l'établissement de la société Purple Stone Overseas au titre des exercices clos en 2013 et 2014 à l'issue de la vérification de comptabilité devrait être admis en déduction pour la détermination des résultats imposables de ces exercices, il est constant que ces impositions n'ont pas été mises en recouvrement au cours des exercices contrôlés. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que l'administration démontre le bien-fondé des rehaussements des résultats de la société Purple Stone Overseas au titre des exercices clos en 2013 et 2014.
S'agissant de l'appréhension des revenus distribués :
14. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " et aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
15. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus imposables des appelants, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant aux bénéfices rehaussés procédant de la mise en évidence de l'exercice par la société Purple Stone Overseas d'une activité occulte en France au titre des exercices clos en 2013 et 2014, dont il n'a jamais été soutenu qu'elle aurait été retracée dans sa comptabilité, ni que les bénéfices en résultant auraient été déclarés et soumis à l'impôt aux Îles Vierges Britanniques. Ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués par cette société à M. D..., que l'administration a considéré comme seul maître de l'affaire.
16. En premier lieu, les appelants soutiennent que faute d'avoir identifié des faits de distributions sous forme de rémunérations ou d'avantages occultes de la part de la société Purple Stone Overseas, l'administration ne pouvait pas imposer des revenus distribués par cette société entre leurs mains sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Toutefois, comme il vient d'être indiqué au point 15 ci-dessus, les bénéfices reconstitués de l'établissement autonome de la société Purple Stone Overseas ont été regardés comme distribués entre les mains de M. D... sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. La circonstance que la proposition de rectification mentionne, en sus de ces dispositions, celles du c de l'article 111 de ce code est sans incidence sur le bien-fondé des impositions contestées.
17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a découvert, lors des opérations de visite et de saisie, un " share certificate " de la société Purple Stone Overseas indiquant que ses 150 parts étaient détenues par une société située à Belize permettant de conserver l'anonymat des associés. Par ailleurs, pour les motifs exposés aux points 6 et 7, M. D... assurait l'intégralité de la gestion et la direction de l'activité de cette société en France et devait être regardé, compte tenu des instructions adressés par lui à la banque Julius Baër pour le versement des salaires aux employés mis à disposition de la société Cabinet A... D... par la société Purple Stone Overseas ou le versement d'un prêt à M. C..., comme disposant d'une procuration sur le compte ouvert par cette société dans la banque suisse. En outre, l'acquisition des dix parts de la SCI Venamiro a été financée à hauteur de 95 % par la société Purple Stone Overseas, le restant étant financé par M. D..., alors que cinq parts ont été acquises par lui, quatre par son épouse et une seulement par la société Purple Stone Overseas. En soutenant que les personnels mis à disposition de la société Cabinet A... D... par la société Purple Stone Overseas n'ont pas été considérés comme employés par la société Cabinet A... D..., que M. D... n'est pas à l'origine de la création de la société Purple Stone Overseas, qu'il n'en possède pas les titres, qu'il n'en est pas l'ayant-droit économique, qu'il ne dispose pas de la signature bancaire ou d'une procuration sur le compte bancaire de la société Purple Stone Overseas dans la banque Julius Baër, les requérants ne contestent pas utilement, eu égard à l'ensemble des éléments précédemment mentionnés, la qualité de maître de l'affaire de M. D.... Ainsi, l'administration démontre que M. D..., qui se comportait comme le gérant de fait de l'activité de la société Purple Stone Overseas exercée au travers de l'établissement situé à Baziège en France, était seul maître de l'affaire. En cette qualité, M. D... est réputé avoir appréhendé les distributions correspondant aux bénéfices reconstitués de la société Purple Stone Overseas, sans qu'il soit besoin de rechercher si l'ayant droit économique de cette société avait renoncé à exercer le contrôle sur ses activités en France.
18. En dernier lieu, d'une part, les appelants soutiennent que l'administration ne pouvait se baser sur le montant toutes taxes comprises des recettes de la société Purple Stone Overseas pour calculer le montant des revenus distribués entre leurs mains, faute d'avoir notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à cette société et d'avoir rehaussé ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés à raison du profit sur le trésor correspondant avant application du mécanisme de la cascade prévu à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. Toutefois, les requérants ne contestent pas que les recettes dissimulées par l'établissement de la société Purple Stone Overseas ont été facturées toutes taxes comprises. Par conséquent et compte tenu du principe d'indépendance des procédures, la circonstance que l'administration, qui n'a pas notifié de rappels de taxe sur la valeur ajoutée à cette société, n'a pas retranché la taxe sur la valeur ajoutée du montant de ses recettes pour déterminer son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est sans incidence dans la présente instance. D'autre part et dès lors que, comme il a été dit, l'administration n'a pas notifié de rappels de taxe sur la valeur ajoutée à la société Purple Stone Overseas, les appelants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à invoquer la circonstance que l'administration n'a pas caractérisé l'existence d'un établissement stable en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, le moyen tiré de ce que la taxe sur la valeur ajoutée collectée aurait dû être déduite des bénéfices de la société Purple Stone Overseas pour la détermination du montant des revenus distribués doit être écarté.
En ce qui concerne les pénalités pour manœuvres frauduleuses :
19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".
20. En premier lieu, les appelants reprochent à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles permettent d'appliquer la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses à un contribuable imposé à raison de revenus distribués qu'il est présumé avoir appréhendé en tant que maître de l'affaire. Toutefois les dispositions critiquées de l'article 1729 du code général des impôts ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016. Au paragraphe 10 de cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré que : " L'article 1729 du code général des impôts institue, en cas de manquement délibéré du contribuable, une majoration de 40 % qui est portée à 80 % dans certains cas d'abus de droit ou si le contribuable s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses. Ces sanctions financières préviennent et répriment les insuffisances volontaires de déclaration de la base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt. La nature de ces sanctions financières est directement liée à celle des infractions réprimées. Les taux de majoration fixés par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnés ". Par suite, les appelants, qui ne font état d'aucun changement des circonstances justifiant un réexamen ni n'ont présenté ce moyen par mémoire distinct, ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts seraient contraires au principe constitutionnel de proportionnalité des peines. Par ailleurs, à supposer qu'ils aient entendu reprocher à ces dispositions de méconnaître les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de son article 6, le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs, alors même que les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux des pénalités qu'elles instituent.
21. En second lieu, l'administration justifie l'application de la pénalité de 80 % aux rehaussements correspondant aux revenus distribués par la société Purple Stone Overseas en se fondant sur le fait que M. D... a utilisé et contrôlé une société créée aux Îles Vierges Britanniques permettant à son activité déployée sur le territoire national de se soustraire aux impositions en France et qu'ainsi, M. D... a appréhendé les bénéfices en tant que maître de l'affaire. Ce faisant, l'administration établit la mise en œuvre de procédés destinés à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale ou à rendre plus difficile son pouvoir de contrôle et, partant, le bien-fondé des pénalités pour manœuvres frauduleuses.
En ce qui concerne la majoration de 25 % :
22. Aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ".
23. Si, pour la première fois en appel et postérieurement à la décision du Conseil d'État qui a renvoyé cette affaire à la présente cour, les appelants soutiennent que c'est à tort que le service leur a appliqué la majoration de 25 % prévue par les dispositions précitées du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en ce qu'elle entraîne une surcharge financière disproportionnée qui méconnaît l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces dispositions, qui, par ailleurs, ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-793 du 28 juin 2019 QPC, s'appliquent à l'imposition des revenus de capitaux mobiliers distribués irrégulièrement et notamment à ceux qui, comme en l'espèce, procèdent de la mise en évidence de l'exercice par une entreprise d'une activité de manière occulte en France. De plus et comme il a été dit au point 21, en l'occurrence il a été constaté la mise en œuvre de procédés destinés à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale ou à rendre plus difficile son pouvoir de contrôle. Par conséquent, la majoration en cause ne saurait être regardée comme ne reposant pas sur une base raisonnable et comme aboutissant à imposer une surcharge financière disproportionnée méconnaissant l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme G... épouse D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... G..., épouse D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02912