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18/06/2024 | FRANCE | N°23TL01447

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 juin 2024, 23TL01447


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2204408 du 11 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpel

lier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2204408 du 11 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de F... L. 761-1 du code de justice administrative de F... 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à sa situation de couple et à l'âge jusqu'auquel elle a vécu dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît F... L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît F... 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît F... 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît F... 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît F... L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aude qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, en application de F... R. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un courrier du 28 novembre 2023.

Par une ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2024 à 12 heures.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 24 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante nigériane née le 17 juillet 1991, déclare être entrée en France le 2 juin 2020 pour y solliciter l'asile. Par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 mai 2021, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 22 juillet 2022, l'intéressée a été déboutée de sa demande d'asile. Mme C... relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de Mme C..., en particulier les dispositions du 4° de F... L. 611-1 de ce code, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressée. Elle précise la date d'arrivée en France de Mme C... et indique, d'une part, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 mai 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2022. La décision portant obligation de quitter le territoire français, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aude, qui n'était pas tenu de faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressée, a procédé à un examen sérieux de la situation de Mme C... avant d'édicter la décision en litige. La circonstance selon laquelle cette décision ne mentionne pas qu'elle est mère de quatre enfants résidant en France n'est pas, à elle seule, de nature à l'entacher d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

4. En troisième lieu, il est constant que la décision en litige mentionne que Mme C... est veuve alors qu'elle s'est déclarée en couple avec un compatriote dans le cadre de sa demande de protection internationale. Toutefois, cette simple erreur de plume est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Si l'appelante soutient également que la décision en litige mentionne à tort qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 29 ans alors qu'elle a quitté son pays d'origine à l'âge de 21 ans, l'intéressée ne produit cependant aucun élément circonstancié de nature à établir la date à laquelle elle a quitté le Nigéria, cette mention relevant également d'une simple erreur de plume. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à la situation de couple de Mme C... et à l'âge jusqu'auquel elle a vécu dans son pays d'origine doit être écarté.

5. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de F... L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de F... L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de F... L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ".

6. D'autre part, aux termes de F... L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, à la détermination de l'État responsable (...) ". F... L. 521-3 du même code dispose que : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". F... L. 531-23 de ce code précise que : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à F... L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".

7. Enfin, aux termes de F... L. 531-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie ". F... L. 531-41 de ce code précise que : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.

9. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de F... L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il est constant que le 19 avril 2022, soit avant l'édiction de l'arrêté en litige, le préfet de l'Aude a renouvelé une attestation de demande d'asile en procédure accélérée au bénéfice du quatrième enfant de l'appelante, Thanksgod, né le 5 octobre 2020. Toutefois, dès lors que les demandes d'asile présentées par Mme C..., en son nom propre et pour le compte de ses trois enfants aînés, ont été enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 3 mars 2021, soit postérieurement à la naissance de l'enfant Thanksgod, la décision rendue le 7 mai 2021 par l'Office et puis celle rendue par la Cour nationale du droit d'asile, le 22 juillet 2022, soit postérieurement à la naissance de son quatrième enfant, sont réputées l'être à son égard et à l'égard de ses quatre enfants mineurs. Mme C..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée ainsi que celles de ses quatre enfants mineurs, ne disposant plus du droit de se maintenir en France à la date de l'arrêté en litige, le préfet de l'Aude n'a, par suite, pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En cinquième lieu, F... L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de F... L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ". Dès lors que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français n'a pas été prise sur le fondement des dispositions de F... L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur le fondement de celles du 4° de F... L. 611-1 du même code, l'appelante ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance.

12. En sixième lieu, aux termes de F... 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Mme C... se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France et du comportement violent de son ancien compagnon à l'égard de trois de ses quatre enfants et des menaces dont elle a été victime de la part de ce dernier ayant motivé le dépôt d'une plainte contre ce dernier le 28 septembre 2022, soit postérieurement à l'arrêté en litige. Elle indique, en outre, se trouver dans une situation sociale fragile appelant de l'aide et ne pas être en mesure de retourner vivre au Nigéria, pays où sa vie est menacée en raison de son enrôlement dans un réseau de prostitution. Toutefois, Mme C... ne produit aucun élément précis et circonstancié permettant d'attester de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens privés et familiaux qu'elle a développés en France où elle vit de manière précaire et isolée au regard de ceux conservés dans son pays d'origine qu'elle indique avoir quitté à l'âge de 21 ans. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, les demandes d'asile présentées au nom de ses trois enfants A..., D... et B... ont également été définitivement rejetées et celle présentée au nom de l'enfant Thanksgod est également réputée l'être, de sorte qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine et où ces derniers pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, en faisant obligation à Mme C... à quitter le territoire français, décision dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction, le préfet de l'Aude n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de F... 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

14. En septième et dernier lieu, aux termes de F... 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 13.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. Aux termes de F... 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme C... soutient que son retour au Nigéria l'exposerait personnellement à des traitements inhumains et dégradants en raison de son enrôlement dans un réseau de prostitution à l'âge de 21 ans et de son transfert vers la Libye où elle a été exploitée. Elle indique qu'elle ne bénéficierait d'aucune protection ni mise à l'abri en cas de renvoi dans son pays d'origine où les réseaux de prostitution sont extrêmement puissants. Toutefois, par ces éléments, l'appelante ne produit aucun élément précis et circonstancié, qui n'aurait pas déjà été porté à la connaissance des autorités en charge de l'asile, de nature à établir la réalité et l'actualité des risques allégués alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait tout mis en œuvre pour s'extraire du réseau de prostitution qui l'exploite. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de F... 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. Aux termes de F... L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions dont Mme C... doit être regardée comme se prévalant de la méconnaissance : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de F... L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à F... L. 612-8 (...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

18. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

19. En premier lieu, la décision en litige, après avoir rappelé le principe posé par les dispositions de F... L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le rejet définitif de la demande de protection internationale de l'appelante, fait état de la nature et de l'ancienneté des liens de Mme C... en France et mentionne que sa situation ne fait ressortir aucune circonstance humanitaire de nature à s'opposer au prononcé d'interdiction de retour sur le territoire français en dépit de l'absence de précédente mesure d'éloignement. Par suite, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

20. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, qui n'était pas tenue de reprendre de manière exhaustive la situation de l'intéressée, se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C....

21. En troisième lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 14, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.

22. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France de manière récente. Elle ne dispose d'aucune insertion socio-professionnelle avérée et ne justifie pas d'attaches sur le territoire français tandis que sa demande d'asile et les demandes présentées au nom de ses enfants ont été définitivement rejetées. Par ailleurs, sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires. Par suite, compte tenu des conditions de son séjour en France et de l'absence de liens d'ordre privé et familial suffisamment forts et caractérisés sur le territoire français et alors même que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet de l'Aude n'a pas fait une inexacte application des dispositions de F... L. 612-8 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant une interdiction de retour d'un an à l'égard de Mme C....

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 5 août 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01447


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01447
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-18;23tl01447 ?
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