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18/06/2024 | FRANCE | N°22TL21950

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 juin 2024, 22TL21950


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'article 3 de l'arrêté n° 19005299 du 18 février 2019 du maire de la commune de Toulouse en tant qu'il porte interdiction d'habiter les appartements et locaux de l'immeuble sis 15 place Arnaud Bernard jusqu'à réalisation complète des travaux mentionnés à l'article 1er dudit arrêté, et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté dans son ensemble.

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ar un jugement n° 1901232 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler l'article 3 de l'arrêté n° 19005299 du 18 février 2019 du maire de la commune de Toulouse en tant qu'il porte interdiction d'habiter les appartements et locaux de l'immeuble sis 15 place Arnaud Bernard jusqu'à réalisation complète des travaux mentionnés à l'article 1er dudit arrêté, et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté dans son ensemble.

Par un jugement n° 1901232 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2022, et des pièces, enregistrées le 27 mai 2024, ces dernières n'ayant pas été communiquées, Mme B... et M. D..., représentés par Me Laffourcade Mokkadem, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'article 3 de l'arrêté du 18 février 2019 du maire de la commune de Toulouse en tant qu'il porte interdiction d'habiter les appartements et locaux de l'immeuble sis 15 place Arnaud Bernard jusqu'à réalisation complète des travaux, et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté dans son ensemble ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir répondu à leur moyen tiré de ce que la commune ne pouvait justifier sa décision sur la base d'éléments de fait postérieurs à celle-ci ;

- l'arrêté du 18 février 2019 en ce que dans son article 3, il porte interdiction d'habiter, est insuffisamment motivé dès lors que s'il permet de comprendre les raisons pour lesquelles des travaux sont imposés aux copropriétaires, il ne permet pas de connaître les motifs de l'interdiction d'habiter ; il n'est ainsi fait état ni d'un risque réel, actuel et certain de menace de ruine, ni d'un problème en terme de sécurité pour les habitants de l'immeuble ;

- l'interdiction faite aux occupants d'habiter l'immeuble est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, le risque d'effondrement n'est pas établi ; par ailleurs, les occupants de l'immeuble n° 16 mitoyen n'ont pas fait l'objet d'une interdiction d'habiter alors qu'est en cause le mur mitoyen entre les deux immeubles ; l'arrêté attaqué crée ainsi une différence de traitement injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, et un mémoire en observations, non communiqué du 17 mai 2024, la commune de Toulouse, représentée par Me Peynet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation,

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

-et les observations de Me Laffourcade-Mokkadem pour les appelants et celles de Me Petit dit C..., substituant le cabinet Goutal Alibert et associés, pour la commune de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et M. D... sont propriétaires, respectivement, des lots nos 9 et 8 de l'immeuble sis ... à Toulouse, mitoyen avec l'immeuble situé au n° 16 de la même place. Ils relèvent appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'article 3 de l'arrêté n° 19005299 du maire de Toulouse du 18 février 2019 en tant qu'il porte interdiction d'habiter les appartements et locaux de cet immeuble jusqu'à la complète réalisation des travaux prescrits par l'article 1er de ce même arrêté et consistant en la reprise complète ou partielle du mur mitoyen entre les immeubles nos 15 et 16 afin de pouvoir retirer l'étaiement en place et d'en assurer la stabilité, et, à titre subsidiaire, l'annulation de cet arrêté dans son ensemble.

Sur la régularité du jugement :

2. La circonstance que la commune n'aurait eu connaissance que le 27 mars 2019, soit postérieurement à l'arrêté litigieux, du courriel adressé le 18 janvier 2018 par le cabinet Rigal à la société Foncia, ne lui interdisait pas de se prévaloir de ce courriel lequel, en tout état de cause, faisait état de la situation de l'immeuble antérieurement à la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune ne pouvait se fonder sur le courriel précité était sans influence sur la légalité de l'arrêté en cause et, dès lors, l'absence de réponse des premiers juges à ce moyen n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable en l'espèce:" Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 (...) ". Selon l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. -Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'État, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus (...) ...) Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive. (...) Cet arrêté précise la date d'effet de l'interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an si l'interdiction est définitive, ainsi que la date à laquelle le propriétaire ou l'exploitant des locaux d'hébergement doit avoir informé le maire de l'offre d'hébergement ou de relogement qu'il a faite aux occupants en application de l'article L. 521-3-1. (...) ".

4. En premier lieu, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, l'arrêté en litige, portant interdiction d'habiter, en se fondant sur le fait qu'" (...) il est constaté un faux aplomb prononcé de ce mur, constitué de matériaux très hétérogènes. Un étaiement a été mis en place afin de sécuriser l'ensemble, celui-ci repose sur le plancher en très mauvais état faisant l'objet d'une procédure par ailleurs (...) " est suffisamment motivé quant aux raisons, qui avaient déjà été exposées à Mme B... et M. D... par le courrier qui leur avait été adressé le 8 octobre 2018 dans le cadre de la procédure contradictoire, pour lesquelles une interdiction d'habiter est prononcée, alors même qu'il n'est pas expressément mentionné que l'état du bâtiment ne permet pas de garantir la sécurité des occupants.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du bureau Veritas établi le 23 mai 2017, que le mur mitoyen situé entre les immeubles ... à Toulouse présente un faux-aplomb tant dans sa partie de l'appartement de l'immeuble du n° 15, qui est accolée à l'immeuble n° 16, que dans sa partie qui surplombe cet appartement. Ce rapport, avec des photographies à l'appui, fait également état de ce que les poutres en bois devant supporter le mur de l'appartement accolé à l'immeuble n° 16 " ne présentent plus de caractéristiques mécaniques : le bois est pourri, il s'effrite à la main. Ce désordre concerne notamment la poutre verticale délimitant les briques en partie haute de l'enduit en partie basse ". Pour ce qui est du mur mitoyen qui surplombe un des appartements de l'immeuble situé au n° 15, le rapport du bureau Véritas relève que ce mur présente également " un faux-aplomb marqué vers la charpente de l'immeuble situé au ... et relève " la présence d'un vide important entre les deux parties du double mur ". Le " rapport technique " établi par Toulouse Métropole le 8 mars 2019 relève par ailleurs que l'étaiement du mur à l'intérieur de l'appartement de l'immeuble no 15 accolé à l'immeuble n° 16 " repose sur un plancher lui-même en très mauvais état ". Ce rapport indique que si le mur venait à s'effondrer, l'accès par l'escalier central, qui est le seul accès à l'ensemble des logements du n° 15, serait impraticable. Par ailleurs, si les deux rapports précités ne font pas état d'un risque d'effondrement du mur mitoyen, ce risque est évoqué par le courriel adressé le 18 janvier 2018 par l'architecte Rigal au syndic de copropriété. En conséquence et compte tenu des risques, au sens de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, pour la sécurité des occupants de l'immeuble situé au ..., le moyen tiré du manquement à un principe d'égalité, au regard de la situation faite aux occupants de l'immeuble situé au ..., pour lequel n'a pas été prononcée d'interdiction d'habiter, est inopérant et c'est par une exacte application des dispositions de cet article que le maire de Toulouse a interdit l'habitation des appartements et locaux de l'immeuble sis ... jusqu'à réalisation complète des travaux. Si les appelants demandent à titre subsidiaire l'annulation de cet arrêté dans son entier, ils ne présentent à cet égard aucun autre moyen que ceux auxquels il a été répondu. Ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulouse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... et M. D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... et de M. D..., pour chacun d'entre eux, la somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la commune de Toulouse.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... et de M. D... est rejetée.

Article 2 : Mme B... et M. D... verseront, chacun, la somme de 750 euros à la commune de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à M. E... D... et à la commune de Toulouse.

Copie en sera adressée à Foncia Toulouse en sa qualité de syndic de l'immeuble sis ... à Toulouse.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21950 2


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21950
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : LAFFOURCADE-MOKKADEM

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-06-18;22tl21950 ?
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