Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de le transférer aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne.
Par un jugement n° 2305812 du 3 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les deux arrêtés du 25 septembre 2023 du préfet de la Haute-Garonne, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir dans l'attente d'une attestation de demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête enregistrée 30 novembre 2023 sous le n° 23TL02808, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 3 octobre 2023 sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités espagnoles était entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que ce moyen, sérieux, est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;
- l'exécution de ce même jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour la mise en œuvre de la procédure de transfert engagée à l'encontre de l'intéressé.
M. B..., à qui la requête de sursis à exécution du préfet de la Haute-Garonne a été communiquée le 9 janvier 2024, n'a pas produit d'observation.
II - Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023 sous le n° 23TL02809, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités espagnoles était entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
M. B..., à qui la requête d'appel du préfet de la Haute-Garonne a été communiquée le 9 janvier 2024, n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 20 mai 1995 est entré selon ses déclarations en France le 27 mai 2023 et s'est présenté le 17 juillet 2023 à la préfecture de la Haute-Garonne pour y déposer une demande d'asile. Par un arrêté du 25 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne a décidé du transfert de M. B... aux autorités espagnoles. Par un second arrêté du même jour, la même autorité l'a assigné à résidence. Par la requête enregistrée sous le n° 23TL02808, le préfet de la Haute-Garonne demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de réexaminer dans le délai de deux mois la situation de B... et de le munir dans l'attente d'une attestation de demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Bourqueney en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête n° 23TL02809, le préfet fait appel de ce même jugement. Les requêtes susvisées nos 23TL02808 et 23TL02809 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 23TL02809 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée, / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères, / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations, / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert, / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement, / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. (...). ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, lequel doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par le paragraphe 2 de l'article 4 du règlement constitue une garantie pour le demandeur d'asile.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de la Haute-Garonne le 17 juillet 2023, conduit par un agent des services de la préfecture, avec le concours d'un interprète de la société ISM interprétariat en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. L'intimé s'est vu remettre, lors de cet entretien, d'une part, le " Guide du demandeur d'asile en France " et la brochure intitulée " Les empreintes digitales et Eurodac " et, d'autre part, les deux fascicules constituant la brochure commune mentionnée au paragraphe 2 de l'article 4 du règlement précité, à savoir le fascicule A intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et le fascicule B intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", dans lesquels se trouvent l'ensemble des informations énumérées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Si M. B... soutient que ces documents étaient rédigés en langue arabe et qu'il ne sait pas lire cette langue, il ressort d'une part des pièces du dossier que les pages de garde de ces brochures ont été signées par l'intéressé ainsi que par l'interprète en langue arabe. D'autre part, le résumé de l'entretien, produit par l'administration, précise par ailleurs que l'intimé a été informé de la procédure engagée à son encontre et ne fait apparaître aucune difficulté de compréhension ou de communication entre l'intéressé et l'agent de la préfecture ayant conduit cet entretien. Il en ressort au contraire que M. B... a été mis à même de poser les questions utiles sur la procédure à laquelle il était soumis et qu'il a présenté des observations circonstanciées sur la perspective d'un éventuel transfert aux autorités espagnoles. En outre, à supposer même que l'interprète n'ait pas pu traduire oralement en arabe lesdites brochures, le paragraphe 2 de l'article 4 du règlement imposait seulement de communiquer à M. B... par oral les informations nécessaires à sa bonne compréhension et n'exigeait pas qu'il soit procédé à une lecture intégrale de la vingtaine de pages que représentent les brochures A et B, seules visées par l'article 4. Il s'ensuit que l'intéressé n'a pas été privé des garanties prévues par l'article 4 du règlement précité. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, le premier juge a accueilli le moyen tiré de ce que la mesure de transfert aux autorités espagnoles était entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de cet article.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance au soutien de sa demande d'annulation des deux arrêtés préfectoraux du 25 septembre 2023.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :
S'agissant de l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles :
6. En premier lieu, par un arrêté du 13 mars 2023 publié le 15 mars 2023 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2023-099, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme A..., directrice des migrations et de l'intégration, en matière de police des étrangers, notamment pour signer les arrêtés portant transfert d'un étranger dans le cadre de l'Union européenne et portant assignation à résidence pour permettre l'exécution de ce transfert. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, l'arrêté de transfert en litige vise les textes dont le préfet de la Haute-Garonne a fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il mentionne également que M. B..., déclarant être entré irrégulièrement sur le territoire français le 27 mai 2023, s'est présenté le 17 juillet 2023 à la préfecture de la Haute-Garonne, pour y formuler une demande d'asile. Il précise également que, lors de l'enregistrement de son dossier complet, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé le fait qu'un relevé d'empreintes similaire avait été effectué par les autorités espagnoles le 24 octobre 2022. Les autorités espagnoles, saisies le 25 juillet 2023 d'une demande de prise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait connaître leur accord le 31 juillet 2023 sur ce même fondement. Il précise en outre que lors de l'entretien individuel du 17 juillet 2023, M. B... a pu formuler des observations quant à un éventuel transfert vers les autorités espagnoles, qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et qu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier de l'intéressé que celui-ci souffrirait d'une pathologie d'une particulière gravité et que l'exécution de son transfert emporterait une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé et que l'impossibilité d'accéder à des soins adaptés en Espagne n'est pas établie. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne pour déterminer que l'Espagne était responsable de l'examen de sa demande d'asile et prendre la décision de transfert. Par suite, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.
8. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013: " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies et délais de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable ".
9. Il ne résulte pas des dispositions précitées que le préfet de la Haute-Garonne était dans l'obligation d'informer M. B... de la possibilité qu'il avait de se rendre par ses propres moyens en Espagne. Par ailleurs, l'arrêté litigieux précise en son article 4 que l'intéressé, transféré aux autorités espagnoles, est informé qu'il peut présenter des observations, avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Si l'intéressé soutient qu'il n'a reçu aucune information quant à la date et au lieu auxquels il devait se présenter et n'a pas été mis en mesure de quitter volontairement le territoire national, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel qui s'est tenu en préfecture que M. B... a été informé de la possibilité de quitter le territoire français par ses propres moyens mais il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait manifesté son intention de rejoindre l'Espagne par ses propres moyens. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige mentionne dans son article 3 que " Le transfert de l'intéressé vers le territoire de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit avoir lieu dans les 6 mois suivant l'accord des autorités espagnoles " et que ce délai pourra être porté à douze mois en cas d'emprisonnement et à dix-huit mois en cas de fuite, en application de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Contrairement à ce que soutient le requérant, aucun texte ni principe n'impose à l'autorité compétente de préciser qu'en cas d'inexécution de la décision de transfert dans ces délais, les autorités françaises seront responsables de l'examen de sa demande d'asile.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien. / 5. L'entretien a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien rédigé un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, que M. B... a bénéficié le 17 juillet 2023, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement du 26 juin 2013. Il ressort du résumé produit par l'administration que cet entretien a été mené avec l'aide d'un interprète en langue arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, par un agent qualifié de la préfecture de la Haute-Garonne, lequel doit être regardé comme ayant la qualité de " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens de l'article 5 du règlement n° 604/2013 précité. Il en ressort également que M. B... a pu s'exprimer sur sa situation personnelle et son parcours migratoire et qu'il a notamment été mis à même de présenter toutes observations utiles sur la perspective d'un transfert aux autorités espagnoles. L'intimé, qui n'a pas produit d'observation en appel, n'apporte aucun élément précis de nature à laisser penser que l'entretien ne se serait pas tenu selon les modalités prévues par l'article 5 du règlement. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie serait irrégulière au regard des dispositions de cet article doit être écarté.
13. En sixième lieu, aux termes des dispositions du 1 de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) no 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".
14. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si M. B... entend se prévaloir de l'article 29 cité au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'il consacre ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant transfert aux autorités espagnoles pour examiner sa demande. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
15. En septième lieu, aux termes de l'article 25 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales : " Exécution de la comparaison et transmission des résultats (...) 4. Le résultat de la comparaison est immédiatement vérifié dans l'État membre de réception par un expert en empreintes digitales (...) ". Ainsi que l'énonce le point 21 de l'exposé des motifs de ce règlement, ces dispositions ont pour objet de garantir la détermination exacte de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. Il résulte de l'article 25 précité que cette vérification constitue pour les Etats membres une obligation.
16. En se bornant à alléguer que le résultat de la comparaison des empreintes relevées par les autorités espagnoles et celles relevées en France n'a pas fait l'objet de la vérification par un expert en empreintes digitales, sans apporter aucun élément à l'appui de ses affirmations, M. B... n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que la comparaison n'aurait pas été réalisée dans les conditions prévues par les dispositions précitées.
17. En huitième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. B... et notamment, qu'il n'aurait pas tenu compte des observations formulées par l'intéressé.
18. En neuvième lieu, il ressort des pièces produites par l'administration, que les autorités françaises ont adressé le 25 juillet 2023, soit six jours après le résultat positif d'identification d'une personne connue du fichier Eurodac, la demande de prise en charge de M. B... aux autorités espagnoles sur le fondement des dispositions de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013. Il ressort de ces mêmes pièces que les autorités espagnoles ont donné leur accord explicite en vue de cette prise en charge par un courrier du 31 juillet 2023, sur ce même fondement. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne justifie ni de la saisine ni de l'accord de prise en charge des autorités espagnoles.
19. En dixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16 (...) ".
20. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
21. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en litige, que le préfet de la Haute-Garonne a examiné la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de ces dispositions dérogatoires dès lors, notamment, qu'il n'était établi ni que les autorités espagnoles seraient dans l'incapacité d'assurer sa protection ou l'exposeraient à un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile, ni qu'il existait des défaillances systémiques en Espagne. Il est également précisé qu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier que l'intéressé souffrirait d'une pathologie d'une particulière gravité et que l'exécution de son transfert emporterait une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé et qu'en outre, il n'était pas établi l'impossibilité d'accéder à des soins adaptés en Espagne. Par suite, alors que M. B... ne peut se prévaloir d'aucune vie privée et familiale en France, le moyen selon lequel le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas explicité les raisons pour lesquelles il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre les dispositions précitées doit être écarté.
22. En onzième lieu, M. B..., levant le secret médical, fait valoir qu'il se trouve dans une situation de grande vulnérabilité compte tenu de son état de santé, dès lors qu'il est atteint d'une hernie discale pour laquelle il bénéficie d'un suivi régulier en France. Toutefois, en se bornant à produire trois ordonnances délivrées par le pôle médecine d'urgences de l'hôpital Purpan de Toulouse ainsi qu'un compte-rendu de passage aux urgences le 21 avril 2023, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés en cas de transfert vers l'Espagne ou que son état de santé s'opposerait à ce transfert. Par ailleurs, s'il se prévaut de ses attaches sur le territoire français, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne lui permettant pas de bénéficier de la clause discrétionnaire instituée par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :
23. En premier lieu, l'arrêté attaqué, vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise également que M. B... bénéficie d'une domiciliation postale dans le département de la Haute-Garonne et fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités espagnoles dont l'exécution demeure une perspective raisonnable, eu égard à l'accord explicite de ces autorités du 31 juillet 2023, valable six mois. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.
24. En deuxième lieu, compte tenu de tout ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités espagnoles doit être écarté.
25. En troisième lieu, alors que la décision en litige l'assigne à résidence sur le territoire du département de la Haute-Garonne, M. B... ne fait état d'aucune circonstance propre à sa situation permettant d'estimer que cette mesure, assortie d'une obligation de se présenter chaque lundi et mardi au commissariat central de police de Toulouse, porterait une atteinte excessive à sa liberté d'aller et de venir.
26. En quatrième lieu, l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée (...) ".
27. L'accord des autorités espagnoles étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable et que M. B... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence. En outre, le préfet a estimé que l'intéressé justifiait de garanties de représentation suffisantes dès lors qu'elle disposait d'une domiciliation postale dans le département de la Haute-Garonne. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.
28. En cinquième lieu, la circonstance que M. B... présenterait des garanties de représentation et qu'il aurait satisfait à toutes les convocations est sans incidence sur la légalité de la décision l'assignant à résidence, dès lors que l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas que le prononcé de cette mesure soit subordonné à l'existence d'un risque de fuite. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
29. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 septembre 2023 portant transfert de M. B... aux autorités espagnoles ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence de l'intéressé. Il en résulte que c'est également à tort que le premier juge a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de l'intéressé et qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées de même que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 23TL02808 :
30. Dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du jugement du 3 octobre 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 3 octobre 2023 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par le préfet de la Haute-Garonne dans la requête n° 23TL02808.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... B... et à Me Bourqueney.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.
Le président-rapporteur,
D. ChabertLe président assesseur,
X. Haïli
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL02808, 23TL02809