Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle sa demande de protection fonctionnelle a été rejetée, d'enjoindre à l'Office français de la biodiversité de lui accorder la protection fonctionnelle sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de condamner l'Office à lui verser un montant de 21 323,67 euros jusqu'au 1er mars 2020 en réparation de son préjudice financier du fait des discriminations qu'il estimait avoir subies, un montant de 843,87 euros par mois du 1er mars 2020 jusqu'à sa réintégration effective et un montant de 40 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un jugement n°2001799 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte, condamné l'Office français de la biodiversité à verser à M. B... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, mis à la charge de l'Office une somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, M. A... B..., représenté par Me Mazza, demande à la cour :
1°) d'annuler partiellement le jugement n° 2001799 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ;
2°) d'annuler la décision implicite refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de la biodiversité de lui accorder la protection fonctionnelle sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Office français de la biodiversité à lui verser un montant de 21 323,67 euros jusqu'au 1er mars 2020 en réparation de son préjudice financier du fait des discriminations qu'il estime avoir subies, un montant de 843,87 euros par mois du 1er mars 2020 jusqu'à sa réintégration effective et un montant de 40 000 euros au titre de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Office de la biodiversité une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne pouvait retenir un non-lieu à statuer alors que la décision du 30 avril 2020 accordant la protection fonctionnelle ne pouvait se substituer à la décision implicite de rejet antérieure ;
- il a omis de statuer sur le refus implicite de mise en œuvre de la protection fonctionnelle ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs en ce qui concerne la fin de son détachement en estimant au point 6 que l'échec aux tests psychotechniques est sans lien avec la discrimination ou le harcèlement subi alors qu'il indique au point 7 que les conditions du test ainsi que la phase antérieure démontrent l'existence d'une discrimination ;
- les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte n'ont pas été examinées ;
- le jugement, qui se borne à caractériser les pratiques discriminatoires, n'explique pas en quoi le harcèlement moral n'est pas constitué alors que des propos et comportements répétés ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail ont été tenus, il est ainsi insuffisamment motivé ;
- il a été victime de discriminations fondées sur son handicap, les circonstances de son passage de tests ont été abusives et discriminatoires, il en est du même du non renouvellement de son détachement ;
- le motif invoqué pour justifier le non renouvellement de son détachement n'est pas justifié ; contrairement à ce qu'indique l'administration, son emploi n'a pas été supprimé ;
- il n'a été ni commissionné, ni assermenté du fait de pratiques discriminatoires liées à son handicap et des suites du harcèlement moral qu'il a dénoncé ;
- ces faits ouvrent droit à la mise en œuvre de la protection fonctionnelle et à la réparation intégrale de son préjudice lequel va au-delà du seul préjudice moral, il est également de carrière et financier en ce compris le versement de la prime prévue par l'article 5 du décret du 21 décembre 2001.
Par un mémoire en défense enregistrés le 7 février 2023, l'Office français de la biodiversité, représenté par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L .761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les premiers juges ont suffisamment exposé les motifs pour lesquels la décision de mettre un terme au détachement ne traduisait pas de discrimination et ont écarté pour les mêmes motifs l'existence d'un harcèlement moral et cette argumentation était proportionnée à l'argumentation présentée par M. B... ;
- ils n'étaient pas tenus d'exposer de manière détaillée les motifs pour lesquels ils ne souscrivaient pas à l'analyse du Défenseur des droits et les motifs pour lesquels la décision de mettre un terme au détachement ne traduisait pas de discrimination ;
- le jugement n'est pas entaché d'une contradiction de motifs, les éléments retenus comme traduisant une discrimination sont dépourvus de lien de causalité avec la décision de ne pas renouveler le détachement, justifiée par des plafonds d'emplois et de réorganisation des services et M. B..., qui ne disposait d'aucun droit à être intégré dans le corps des techniciens de l'environnement, a échoué au test psychotechnique prévu par la réglementation laquelle ne prévoyait pas de session de rattrapage ;
- les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte étaient dépourvues d'objet dès lors qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du refus d'accorder la protection fonctionnelle compte tenu de l'intervention en cours d'instance d'une décision accordant cet avantage ;
- les conclusions de la requête de première instance sollicitaient l'annulation de la décision implicite rejetant la demande de protection fonctionnelle sollicitée par M. B..., mais cette protection lui a été accordée en cours d'instance ; la circonstance à la supposer avérée que la décision du 30 avril 2020 accordant le bénéfice de cette protection n'aurait pas été exécutée constitue un litige distinct sans lien avec la demande initiale ;
- la décision mettant fin à son détachement n'a pas de caractère discriminatoire, le contenu du stage sécurité intervention qu'il a suivi dans le cadre de ses missions de police a été adapté au handicap de M. B..., qui a bénéficié d'une préformation aux gestes techniques et d'une adaptation de ces derniers à ses capacités physiques mais a échoué, le 24 mars 2017, au test d'évaluation des gestes techniques en raison d'un oubli d'une zone de palpation ; il a été autorisé à prolonger sa formation durant une année complémentaire afin de se présenter à nouveau au test d'évaluation des gestes techniques, lequel était toujours aménagé pour tenir compte de son handicap mais a de nouveau échoué, le 27 février 2018, également en raison de l'oubli d'une zone de palpation ;
- aucun délai de préavis n'est nécessaire pour une absence de renouvellement de détachement, l'administration a informé M. B... dès le 21 août 2018 que son détachement prendrait fin le 30 novembre 2018, si la signature n'est intervenue que deux jours avant la fin effective du détachement, cette pratique courante ne traduit aucune discrimination ;
- les comportements de l'administration qualifiés de discriminatoires sont sans lien avec la décision de ne pas renouveler le détachement ; l'attitude discriminatoire des collègues de l'unité " faune de montagne " est antérieure de plusieurs années à la fin du détachement qui s'est déroulé dans le cadre d'une autre affectation géographique ;
- la décision de le soumettre à un examen complémentaire est regrettable mais n'a pas eu d'incidence sur sa situation professionnelle dès lors qu'il a été admis à passer une seconde fois le test d'évaluation des gestes techniques ;
- le fonctionnaire placé en détachement n'a pas de droit au renouvellement de cette position et ne dispose pas davantage d'un droit à être intégré directement dans le corps des techniciens de l'environnement ;
- la décision de ne pas renouveler le détachement était justifiée par le plafond d'emplois et la réorganisation consécutive de l'unité au sein de laquelle il était affecté ;
- les préjudices financiers et de carrière ne sont pas fondés, le montant sollicité au titre du préjudice moral est manifestement excessif.
Par une ordonnance du 20 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n°2001-585 du 5 juillet 2001 ;
- le décret n°2001-1273 du 21 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Salmon substituant Me Mazza pour M. B... et celles de Me Bouchet pour l'Office français de la biodiversité.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., technicien supérieur agricole du ministère de l'agriculture titularisé en 2008, a été détaché le 1er juin 2010 pour une durée de trois ans, reconduite à compter du 1er juin 2013 pour une durée de cinq ans, sur un poste sous contrat à la direction des études et de la recherche de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en tant que technicien de recherche afin de collaborer au programme d'étude sur le lapin de garenne, puis à compter du 1er octobre 2015, afin de collaborer au programme d'étude sur la perdrix bartavelle et la mise en œuvre d'un nouveau programme " prédateur-proie ". Après avis favorable de la commission administrative paritaire nationale, M. B... a été détaché le 1er décembre 2016 dans le corps des techniciens de l'environnement pour une durée d'un an. Par lettre du 21 août 2018, le directeur de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage a informé l'intéressé que son détachement ne serait pas renouvelé et qu'il réintégrerait le 1er décembre 2018 son corps d'origine au ministère de l'agriculture. M. B... a sollicité, par lettre du 17 décembre 2019 adressée au directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le bénéfice de la protection fonctionnelle du fait du harcèlement et de la discrimination fondés sur son handicap dont il s'estimait victime. Sa demande a été implicitement rejetée à l'expiration d'un délai de deux mois. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part, d'annuler la décision par laquelle le directeur de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, devenu l'Office français de la biodiversité à compter du 1er janvier 2020, a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à l'Office de mettre en œuvre la protection fonctionnelle sous astreinte et d'autre part, de condamner l'Office à lui verser un montant de 21 323,67 euros jusqu'au 1er mars 2020 en réparation de son préjudice financier du fait du harcèlement discriminatoire qu'il estimait avoir subi, un montant de 843,87 euros par mois du 1er mars 2020 jusqu'à sa réintégration effective et un montant de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé un non-lieu sur les conclusions à fin d'annulation, d'injonction et d'astreinte et condamné l'Office français de la biodiversité à verser à M. B... une somme de 5 000 euros. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Par une décision du 30 avril 2020, postérieure à l'introduction de la requête de M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier, l'Office français de la biodiversité a accordé à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle. L'Office français de la biodiversité doit ainsi être regardé comme ayant procédé au retrait de la décision implicite refusant de lui accorder la protection fonctionnelle. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite était devenue sans objet, que cette décision de l'Office refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ait reçu exécution ou non. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'annulation de la décision refusant implicitement d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et, par voie de conséquence, sur les demandes à fin d'injonction et d'astreinte.
3. Les premiers juges ont répondu au point 2 du jugement aux conclusions de M. B... sollicitant l'annulation du refus implicite de mise en œuvre de la protection fonctionnelle et à celles à fin d'injonction et d'astreinte. La circonstance, à la supposer établie, que la décision n'ait pas été exécutée ou mise en œuvre constitue un litige distinct, sans incidence sur la régularité de la décision juridictionnelle. Par suite le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
4. M. B... soutient que le jugement serait entaché d'une contradiction de motifs en relevant au point 6 que l'échec aux tests psychotechniques est sans lien avec la discrimination ou le harcèlement subi, alors qu'il indique au point 7 que les conditions du test ainsi que la phase antérieure démontrent l'existence d'une discrimination. Toutefois ce moyen, qui a trait au bien-fondé de la décision juridictionnelle, est sans incidence sur sa régularité.
5. Pour examiner la responsabilité de l'Office français de la biodiversité et fixer le montant de la réparation à laquelle M. B... pouvait prétendre, le tribunal, après avoir retenu que l'Office français de la biodiversité apportait des éléments établissant que la fin du détachement de l'intéressé n'avait pas constitué une mesure discriminatoire liée à son handicap et qu'elle ne révélait pas de harcèlement moral, n'a pas examiné si les éléments invoqués par l'intéressé à l'appui du harcèlement moral allégué entre octobre 2015 et janvier 2016 et retenus au point 7 comme constituant une discrimination, étaient également de nature à engager la responsabilité de l'administration au titre du harcèlement moral.
6. Par suite il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la responsabilité de l'Office français de la biodiversité du fait d'un harcèlement moral et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des demandes de M B... devant le tribunal administratif.
Sur la responsabilité de l'Office français de biodiversité du fait d'un harcèlement moral :
7. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment (...) le recrutement, la titularisation, (...) l'affectation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".
8. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
9. M. B..., qui est atteint d'une hémiplégie affectant sa main et sa jambe gauches, soutient qu'à compter du mois d'octobre 2015, alors qu'il était détaché comme technicien de recherche à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, avoir été victime de harcèlement moral en raison de son handicap. Il ressort des pièces du dossier et de la recommandation du 10 octobre 2019 du Défenseur des droits, que M. B... a subi, entre octobre 2015 et janvier 2016, des comportements et propos dénigrants de la part de ses collègues et supérieurs hiérarchiques consistant à l'empêcher d'exécuter certaines missions sur le terrain et à remettre en cause sa capacité physique à exercer ses fonctions, alors que son aptitude a toujours reçu un avis favorable du médecin du travail. L'Office ne conteste pas sérieusement ces agissements répétés qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et n'apporte pas d'éléments de nature à établir qu'ils reposent sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
10. M. B... soutient également qu'alors qu'il était détaché depuis le 1er décembre 2016 dans le corps des techniciens de l'environnement, il a été astreint à se soumettre à un nouvel examen médical en juillet 2017 malgré l'avis d'aptitude des médecins de prévention de la mutualité sociale agricole, ce qu'aucun texte n'imposait par ailleurs. Il expose qu'il n'a pas été autorisé, à la différence deux agents également en détachement, à présenter en avril 2017 l'examen de palpation de sécurité de rattrapage. Il n'a pas non plus suivi une formation complémentaire en 2018 avant de repasser, après qu'il ait saisi le Défenseur des droits, cet examen qu'il n'a pas réussi, le 27 février 2018. Toutefois si M. B... n'a pas été placé dans les mêmes conditions que les autres fonctionnaires détachés en raison de l'organisation d'une visite médicale non prévue et du fait de l'absence de formation complémentaire après le premier échec au stage " sécurité-intervention ", il n'est pas contesté qu'il a bénéficié d'un véhicule adapté à son handicap durant toute la période où il exerçait ses fonctions à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et qu'il a bénéficié d'une préformation et un accompagnement aux gestes techniques du stage " sécurité intervention " qui a permis de les adapter à ses capacités physiques dans la perspective de ce stage et que les adaptations envisagées ont été mises en place lors du stage " sécurité intervention " qui s'est déroulé du 6 au 24 mars 2017 mais également lors du stage de rattrapage de février 2018. M. B... n'est pas parvenu à valider ce stage, non en raison d'une insuffisante adaptation à son handicap de l'épreuve de tir mais, à deux reprises, en raison de l'oubli d'une zone de palpation, sans que cet oubli puisse être regardé comme étant directement en lien avec les pratiques fautives qu'il invoque. Par ailleurs, l'administration a informé l'intéressé dès le 21 août 2018 que son détachement prendrait fin le 30 novembre 2018, de sorte que la signature de l'arrêté correspondant deux jours avant la fin effective de son détachement, pratique courante dans l'administration, ne saurait par elle-même traduire de harcèlement moral. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'Office aurait organisé son échec pour qu'il ne puisse pas valider cette formation et que le non renouvellement de son détachement en 2018 et le refus de l'intégrer dans le corps des techniciens de l'environnement procéderaient également d'un harcèlement moral.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à solliciter la réparation des préjudices qu'il a subis en lien direct avec le harcèlement moral à raison seulement des faits mentionnés au point 9.
Sur la responsabilité de l'Office français de biodiversité du fait de la discrimination :
12. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur handicap (...). Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) ses convictions, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable./ Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".
13. M. B..., ainsi qu'il a été dit précedemment, a subi entre octobre 2015 et janvier 2016, des comportements et propos dénigrants de la part de ses collègues et supérieurs hiérarchiques consistant à l'empêcher d'exécuter certaines missions sur le terrain et à remettre en cause sa capacité physique à exercer ses fonctions. Alors qu'il était détaché depuis le 1er décembre 2016 dans le corps des techniciens de l'environnement, il n'a pas été autorisé, à la différence de deux agents également en détachement, à présenter, en avril 2017, l'examen de palpation de sécurité de rattrapage et a été astreint à se soumettre à un nouvel examen médical en juillet 2017, malgré l'avis d'aptitude des médecins de prévention de la mutualité sociale agricole, qu'aucun texte n'imposait. Il n'a pas non plus suivi une formation complémentaire en 2018 avant de repasser, après qu'il ait saisi le Défenseur des droits, cet examen qu'il n'a pas réussi, le 27 février 2018. M. B... n'a ainsi pas été traité comme les autres fonctionnaires durant son stage. Ces éléments, dont l'Office ne justifie pas qu'ils reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et les incertitudes quant à son avenir professionnel, ont créé un environnement hostile et offensant en lien avec le handicap de l'intéressé, constitutif d'une discrimination.
14. En revanche, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 10, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la signature de l'arrêté mettant fin à son détachement deux jours avant la fin effective de celui-ci, traduirait une pratique discriminatoire, ni que l'Office aurait organisé son échec pour qu'il ne puisse pas valider cette formation et que le non renouvellement de son détachement en 2018 et le refus de l'intégrer dans le corps des techniciens de l'environnement procéderaient d'une discrimination en raison de son handicap.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à solliciter la réparation des préjudices qu'il a subis en lien direct avec la discrimination à raison des faits mentionnés au point 13.
Sur les préjudices :
16. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. B..., qui n'invoque pas de préjudices distincts résultant des deux fautes commises, en portant de 5 000 à 7 000 euros le montant de l'indemnité que l'Office français de la biodiversité doit lui verser.
17. Aux termes de l'article 5 du décret du 21 décembre 2001 relatif aux primes et indemnités alloués aux fonctionnaires des corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement : " Les agents techniques et les techniciens de l'environnement commissionnés et assermentés perçoivent une prime de risques ".
18. M. B... sollicite le versement, durant la période où il a été détaché en tant que technicien de l'environnement d'une indemnité " prime de risque " d'un montant de 197,80 euros mensuels. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 14 que l'absence de commissionnement ou d'assermentation de l'intéressé permettant le versement de la prime prévue par les dispositions citées au point précédent n'est pas en lien direct et certain avec des pratiques discriminatoires ou de harcèlement. Par suite, sa demande de réparation à ce titre doit être écartée.
19. M. B... soutient par ailleurs avoir subi un préjudice financier d'un montant de 10 126,48 euros correspondant à la perte de rémunération consécutive à sa réintégration au ministère de l'agriculture à la fin de son détachement. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 14, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de renouvellement du détachement de M. B... soit en lien direct et certain avec les fautes retenues.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnité que l'Office français de la biodiversité doit verser à M. B... doit être porté à la somme de 7 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de la biodiversité une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Office français de la biodiversité demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2001799 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il n'a pas examiné l'engagement de la responsabilité de l'Office français de la biodiversité du fait d'un harcèlement moral entre octobre 2015 et janvier 2016.
Article 2 : Le montant de l'indemnité que l'Office français de la biodiversité est condamné à verser à M. B... est porté à la somme de 7 000 euros.
Article 3 : L'Office français de la biodiversité versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... tant en première instance qu'en appel est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Office français de la biodiversité tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de la biodiversité.
Copie en sera adressée au Défenseur des droits.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21350