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30/05/2024 | FRANCE | N°23TL01615

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 30 mai 2024, 23TL01615


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Immo Pôle Active a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle la maire d'Avignon a rejeté son recours gracieux du 20 août 2020 en lui confirmant la péremption du permis de construire qui lui avait été accordé le 22 octobre 2013 pour l'édification d'un immeuble composé de vingt-deux logements au n° 2 de la rue Paul Bagnol.



Par un jugement n° 2003933 du 12 mai 2023,

le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Immo Pôle Active.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Immo Pôle Active a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle la maire d'Avignon a rejeté son recours gracieux du 20 août 2020 en lui confirmant la péremption du permis de construire qui lui avait été accordé le 22 octobre 2013 pour l'édification d'un immeuble composé de vingt-deux logements au n° 2 de la rue Paul Bagnol.

Par un jugement n° 2003933 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Immo Pôle Active.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2023 et le 28 novembre 2023, la société civile immobilière Immo Pôle Active, représentée par Me Wade, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2023 ;

2°) d'annuler la décision de la maire d'Avignon du 22 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Avignon une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- les travaux autorisés par le permis de construire du 22 octobre 2013 ont été engagés au mois de mars 2014 et n'ont jamais été interrompus pendant une durée supérieure à un an comme le montrent les factures datées de 2014 à 2020 produites au soutien de sa requête ;

- le délai de validité du permis de construire a été tacitement prorogé d'une année en l'absence de réponse de la commune d'Avignon à son courrier du 23 janvier 2017 ;

- les travaux ont été retardés en raison des difficultés rencontrées pour déplacer deux poteaux électriques, imputables à la société ERDF et à la commune d'Avignon, lesquelles ont eu pour effet de reporter l'expiration du délai de validité du permis au 31 août 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, la commune d'Avignon, représentée par la SELARL Maillot avocats et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en ce qu'elle ne contient aucune critique du jugement attaqué ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Bard, représentant la commune intimée.

Considérant ce qui suit :

1. La société Immo Pôle Active a demandé le 22 juillet 2013 un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble composé de vingt-deux logements sur la parcelle cadastrée section IM n° 27 située au n° 2 de la rue Paul Bagnol sur le territoire de la commune d'Avignon (Vaucluse). La même société a sollicité le 26 août 2013 un permis de démolir pour procéder à la démolition d'une maison et de six garages implantés sur la parcelle en cause. Par un arrêté du 24 septembre 2013, le maire d'Avignon lui a délivré le permis de démolir, puis, par un arrêté du 22 octobre suivant, il lui a accordé le permis de construire. Informée de ce que les services de la commune estimaient son permis de construire périmé, la société Immo Pôle Active a adressé à la maire un courrier intitulé " recours gracieux " le 20 août 2020. La commune d'Avignon, par une lettre de la directrice générale adjointe des services datée du 22 octobre suivant, lui a indiqué que ledit permis était caduc depuis la fin mars 2018 et lui a demandé d'interrompre immédiatement les travaux en cours de réalisation sur le site. Par la présente requête, la société Immo Pôle Active fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a mentionné avec précision l'ensemble des éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour écarter les moyens soulevés par la société requérante au soutien de sa demande. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature : / 1° Au directeur général des services et au directeur général adjoint des services de mairie ; / (...) ". Selon l'article L. 2131-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département (...). ".

4. La commune d'Avignon a versé au dossier l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel sa maire a consenti une délégation à Mme A... B..., directrice générale adjointe des services en charge du pôle " paysages urbains ", à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des actes, documents, courriers, arrêtés et décisions relevant du " département de l'habitat et de l'urbanisme " et en particulier de l'urbanisme règlementaire. L'arrêté en cause indique qu'il est parvenu en préfecture de Vaucluse le 5 mai 2017 et qu'il a fait l'objet d'un affichage à partir du 12 mai suivant. Les mentions ainsi portées sur cet arrêté font foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas apportée par la société Immo Pôle Active. Dès lors, Mme B... a pu régulièrement signer la décision du 22 octobre 2020 et le moyen tenant à l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit, par conséquent, être écarté comme manquant en fait.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire en litige : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal (...). ". Selon l'article R. 424-17 du même code applicable à cette même date : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir et décisions de non-opposition à déclaration préalable : " Par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 (...) du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) intervenus au plus tard le 31 décembre 2015 est porté à trois ans. Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. 424-21 à R. 424-23 du même code. ". L'article R. 424-21 de ce code mentionne que : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. ". L'article R. 424-22 de ce code dispose que : " La demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité. ". Enfin, aux termes de l'article R. 424-23 du même code : " La prorogation est acquise au bénéficiaire du permis si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande. La prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des factures de travaux produites par la société Immo Pôle Active et des photographies produites par la commune d'Avignon, que ladite société a entrepris les travaux de démolition des bâtiments existants, lesquels présentaient une importance suffisante et étaient indissociables des travaux de construction autorisés, au mois de juin 2014 au plus tard, soit avant l'expiration du délai de validité du permis de construire délivré le 22 octobre 2013, lequel avait été porté à trois ans en application des dispositions du décret du 29 novembre 2014 citées au point précédent. La société requérante soutient avoir adressé à la maire d'Avignon un courrier daté du 23 janvier 2017 par lequel elle sollicitait le bénéfice d'une prorogation de ce permis de construire. Elle soutient également avoir rencontré des difficultés pour obtenir de la société ERDF le déplacement de deux poteaux électriques empiétant sur sa parcelle et faisant ainsi obstacle à la réalisation des travaux projetés, ce qui aurait eu pour effet, selon elle, d'interrompre le délai de validité du permis de construire jusqu'à l'enlèvement de ces poteaux, intervenu le 31 août 2015. Néanmoins, à supposer même que les circonstances ainsi invoquées par la société Immo Pôle Active aient été de nature à reporter l'expiration du délai de validité du permis en cause à une date comprise entre le 13 mars 2018 et le 31 août 2018, il ressort de la liste des factures présentée par ladite société que celle-ci n'a pas réalisé entre les mois de juillet 2018 et janvier 2020 d'autres travaux que ceux faisant l'objet de la facture établie par la société Sud BTP Construction le 10 juin 2019, lesquels se limitaient à un terrassement ponctuel avec une pelle mécanique en vue de la réalisation d'un sondage pour une étude de sol, pour un montant de 2 160 euros. Eu égard à la nature des seuls travaux ainsi exécutés sur cette période et à leur importance minime au regard de l'opération projetée dont le coût est estimé à 2 614 104 euros, le chantier doit être regardé comme ayant été interrompu pendant une durée supérieure à un an après l'expiration du délai de validité du permis de construire. Il s'ensuit que la décision du 22 octobre 2020 en litige constatant la péremption de ce permis de construire procède d'une exacte application des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée par la commune d'Avignon, que la société Immo Pôle Active n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation de la décision du maire d'Avignon du 22 octobre 2020.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Avignon, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Immo Pôle Active le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune d'Avignon sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Immo Pôle Active est rejetée.

Article 2 : La société Immo Pôle Active versera à la commune d'Avignon une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Immo Pôle Active et à la commune d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01615


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01615
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : WADE MAMADOU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-30;23tl01615 ?
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