Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le président du conseil départemental de Vaucluse l'a radiée des cadres pour abandon de poste, ainsi que la décision du 22 septembre 2020 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à l'autorité territoriale de la réintégrer dans les effectifs du département à temps partiel thérapeutique et sur un poste adapté à son état de santé, à la date du 24 juillet 2020, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2003576 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juin 2022 et le 30 janvier 2023, Mme C... B..., représentée par Me Pichon de la SCP Camille Associés succédant à Me Brunet-Richou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020 par lequel le président du conseil départemental de Vaucluse l'a radiée des cadres pour abandon de poste, ainsi que la décision du 22 septembre 2021 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au département de Vaucluse de la réintégrer dans les effectifs à effet du 24 juillet 2020 sous couvert de sa demande de reprise à temps partiel thérapeutique, de l'affecter sur un poste adapté à son état de santé et de reconstituer sa carrière et ses droits à rémunération, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du département de Vaucluse la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de nouvel examen par le médecin de prévention avant sa radiation des cadres ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors qu'elle n'a pu être examinée par un médecin spécialiste de la pathologie dont elle souffrait et que la contre-visite du contrôle médical a été effectuée par un médecin généraliste et non par un médecin psychiatre, en violation de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 ;
- il est entaché d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision de l'affecter au poste de l'espace solidarité en méconnaissance des préconisations médicales ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'appréciation, dès lors qu'elle justifie médicalement de son impossibilité de reprendre ses fonctions sur le poste d'accueil sur lequel elle a été affectée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2022, le département de Vaucluse, représenté par Me Lucchini, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Aubert substituant Me Lucchini, représentant le département de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe administrative territoriale au sein de la direction enfance famille du département de Vaucluse, a été victime d'un accident de trajet le 4 octobre 2017 et a été placée en arrêt de travail. Son état de santé a été déclaré consolidé le 16 avril 2019 avec une incapacité permanente partielle au taux de 3% pour cervicalgies. Par un courrier du 14 janvier 2019, l'administration a notifié à l'intéressée une reprise à temps partiel sur un poste d'accueil de l'espace départemental des solidarités de ... à compter du 31 janvier 2019. Mme B... a présenté plusieurs arrêts de travail et n'a pas repris ses fonctions sur ce poste. A la suite de plusieurs contrôles des arrêts de travail de l'intéressée par des médecins agréés mandatés par le département de Vaucluse, l'intéressée a été mise en demeure de reprendre son poste par un courrier du 13 juillet 2020. Par un arrêté du 24 juillet 2020, le président du conseil départemental de Vaucluse l'a radiée des cadres pour abandon de poste. Le recours gracieux formé par l'intéressée à l'encontre de cette décision a été rejeté par une décision du 22 septembre 2020. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ces décisions. Elle relève appel du jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 21-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Indépendamment du suivi prévu aux articles 20 et 21, l'agent peut bénéficier à sa demande d'une visite avec le médecin du travail ou un membre du service de médecine préventive sans que l'administration ait à en connaître le motif. ".
3. Mme B... ne peut utilement soutenir qu'elle aurait dû bénéficier d'un nouvel examen par le médecin de prévention avant sa radiation des cadres, en méconnaissance des dispositions prévues à l'article 21-1 du décret du 10 juin 1985 citées au point précédent, lesquelles ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 16 avril 2022. Au surplus, si la requérante se prévaut de l'attestation établie le 15 novembre 2021 par son psychiatre, selon laquelle il a pris contact avec le médecin de prévention afin d'évoquer une éventuelle reprise d'activité de Mme B..., sans aucune précision de date, il est constant qu'elle a bénéficié en dernier lieu d'une visite de reprise du médecin de prévention le 18 février 2020, lequel a émis un avis favorable avec préconisations. Mme B... expose avoir de nouveau sollicité une visite médicale de reprise par courriel du 3 juillet 2020. Toutefois et en tout état de cause, la requérante n'a fait état d'aucun élément nouveau à la suite des préconisations émises par le médecin de prévention, selon lesquelles une reprise à temps partiel thérapeutique sur un poste pas trop éloigné de son domicile à ... et sans lien avec un public en difficultés pourrait assurer un meilleur retour à l'emploi. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté contesté doit dès lors être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " L'autorité territoriale peut faire procéder à tout moment à une visite de contrôle du demandeur par un médecin agréé. Elle procède à cette visite au moins une fois au-delà de six mois consécutifs de congé de maladie. L'agent qui fait l'objet de cette visite de contrôle doit avoir été prévenu de façon certaine, par courrier recommandé avec avis de réception. Lorsque l'autorité territoriale fait procéder à une visite de contrôle, le fonctionnaire doit se soumettre à la visite du médecin agréé sous peine d'interruption du versement de sa rémunération jusqu'à ce que cette visite soit effectuée. Le conseil médical compétent peut être saisi, soit par l'autorité territoriale, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ".
5. Mme B..., qui soutient que la contre-visite du contrôle médical a été effectuée par le docteur A..., médecin généraliste, et non par un médecin psychiatre, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions citées au point précédent dès lors que celles-ci se limitent à prévoir l'intervention d'un médecin agréé sans exigence de spécialité.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. Cette affectation est prononcée sur proposition du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion lorsque la collectivité ou l'établissement y est affilié ".
7. Mme B... soutient que son employeur n'a pas pris en compte les préconisations médicales nécessaires à sa reprise du travail. Elle ne peut toutefois utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision l'affectant au poste d'accueil de l'espace solidarité, qui ne constitue pas la base légale de l'arrêté attaqué portant radiation des cadres pour abandon de poste, lequel n'a pas été pris pour l'application de cette mesure. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, l'abandon de poste est caractérisé dès lors que le fonctionnaire, en refusant de rejoindre son poste sans raison valable, se place dans une situation telle qu'elle rompt le lien entre l'agent et son service. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
9. Par ailleurs, lorsque le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite du fonctionnaire conclut à l'aptitude de celui-ci à reprendre l'exercice de ses fonctions, il appartient à l'intéressé de saisir le comité médical compétent s'il conteste ces conclusions. Si, sans contester ces conclusions, une aggravation de son état ou une nouvelle affection, survenue l'une ou l'autre postérieurement à la contre-visite, met l'agent dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, il lui appartient de faire parvenir à l'autorité administrative un nouveau certificat médical attestant l'existence de ces circonstances nouvelles.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a repris ses fonctions le 25 juin 2020 sur un poste d'agent d'accueil à l'espace départemental des solidarités de ... à la suite d'une première mise en demeure qui lui a été notifiée par courrier du 19 mai 2020, a transmis un arrêt de travail le 7 juillet 2020 établi par son médecin psychiatre, courant jusqu'au 14 août 2020 au motif d'un syndrome anxio-dépressif. Toutefois, le docteur A... a conclu au défaut de justification de cet arrêt de travail lors de la contre-visite effectuée le 10 juillet 2020, après avoir déjà relevé, le 15 mai 2020, que l'arrêt de travail produit par la requérante n'était pas justifié au jour du contrôle. La requérante a de nouveau été mise en demeure de reprendre ses fonctions sans délai par courrier du 13 juillet suivant, précisant qu'à défaut elle serait radiée des cadres pour abandon de poste. Si Mme B... a transmis un nouvel arrêt de travail établi par son médecin le 20 juillet 2020, courant jusqu'au 15 septembre 2020, faisant de nouveau état d'un " syndrome anxio-dépressif avec phobie sociale majeure exacerbée par le poste accueil public, idées suicidaires +++ ", la seule mention " idées suicidaires +++ " ne permet pas d'attester d'une aggravation de son état de santé postérieurement à la contre-visite et n'a pas le caractère d'un élément nouveau, alors par ailleurs qu'elle n'a pas saisi le comité médical départemental à la suite de la contre-visite du 10 juillet 2020. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le président du conseil départemental du Vaucluse aurait entaché les décisions attaquées d'erreurs de fait et d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de Vaucluse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
13. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser au département de Vaucluse en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au département de Vaucluse la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL21375 2