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30/05/2024 | FRANCE | N°22TL21269

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 30 mai 2024, 22TL21269


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Etablissements Jouvert a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien, à lui verser la somme de 2 867 520 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2017, pour la deuxième échéance, et à compter du 4 juin 2018 pour la troisième échéance, ave

c capitalisation des intérêts échus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Etablissements Jouvert a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien, à lui verser la somme de 2 867 520 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2017, pour la deuxième échéance, et à compter du 4 juin 2018 pour la troisième échéance, avec capitalisation des intérêts échus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

La société Etablissements Jouvert a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien, à lui verser la somme de 1 433 760 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2019, avec capitalisation des intérêts échus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

La communauté d'agglomération Alès Agglomération a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser, pour manquement à ses obligations en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement, la somme de 4 301 280 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire et du produit de leur capitalisation.

Par un jugement nos 1803577, 2002579, 2000774, du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les deux demandes de la société Etablissements Jouvert et la demande de la communauté d'agglomération Alès Agglomération.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 2 novembre 2022, la société Etablissements Jouvert, représentée Me Massal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien, à lui verser la somme de 2 867 520 euros toutes taxes comprises, au titre du règlement des échéances de juin 2017 et juin 2018, résultant de l'arrêté de réquisition du 19 juillet 2016 pris par le président de la communauté de communes du Pays Grand'Combien majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2017, pour la deuxième échéance, et à compter du 4 juin 2018 pour la troisième échéance, avec capitalisation des intérêts échus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du présent jugement ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération Alès Agglomération, venant aux droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien, à lui verser la somme de 1 433 760 euros toutes taxes comprises, au titre de l'échéance de juin 2019, résultant de l'arrêté de réquisition du 19 juillet 2016, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2019, avec capitalisation des intérêts échus, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du présent jugement ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Alès Agglomération une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle détient deux créances, correspondant à des échéances de juin 2017 et juin 2018, qui résultent d'un arrêté de réquisition du 19 juillet 2016 pris à son encontre par le président de la communauté de communes du Pays Grand'Combien ;

- elle entend fonder son action, à titre principal, au titre de la responsabilité quasi-contractuelle et corrélativement de l'enrichissement sans cause, à titre subsidiaire, si l'illégalité de l'arrêté de réquisition est retenue, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle pour faute ;

- le quantum de la créance exigible s'élève à la somme totale de 4 301 280 euros correspondant aux échéances de juin 2017, de juin 2018 et de juin 2019 ;

- le préfet du Gard a obligé la communauté de communes du Pays Grand'Combien à supporter financièrement le stockage temporaire des déchets, en sa qualité de propriétaire du bien immobilier ;

- elle justifie de l'exécution des prestations ordonnées ;

- l'arrêté de 19 juillet 2016 devenu définitif n'est pas entaché des illégalités dont la communauté d'agglomération Alès Agglomération se prévaut pour s'exonérer de ses obligations ;

- le moyen tiré de l'exception de l'illégalité de l'arrêté du 19 juillet 2016 soulevé par la communauté d'agglomération Alès Agglomération est inopérant dans un contentieux indemnitaire ;

- l'inexistence juridique de l'arrêté de réquisition du 19 juillet 2016 aurait pour effet de consacrer la responsabilité juridique de cet établissement public de coopération intercommunale ;

- l'inexistence juridique de l'arrêté est par nature fautive et engage la responsabilité extracontractuelle de l'établissement ;

- s'agissant d'une réquisition, elle était tenue d'exécuter l'ordre qui lui a été adressé, faute de s'exposer à des sanctions administratives et pénales ;

- la responsabilité pour faute lourde de l'Etat n'est en tout état de cause pas exonératoire s'agissant d'un arrêté de réquisition du 19 juillet 2016 inattaquable, ayant fait l'objet d'un contrôle de légalité et étant devenu définitif.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 septembre 2022 et le 2 janvier 2023, la communauté d'agglomération Alès Agglomération, représentée par Me Février, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Etablissements Jouvert au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prestations facturées par la société Etablissements Jouvert ne sont pas justifiées ; d'une part, la société requérante n'établit pas que les déchets de l'entreprise Soreplast ont été enfouis dans le centre d'enfouissement des déchets qu'elle exploite et, d'autre part, elle a procédé au traitement des déchets avant l'arrêté du 19 juillet 2016 ;

- l'arrêté du président de la communauté de commune du Pays Grand'Combien est entaché d'illégalités qui le privent de toute existence juridique ;

- il est irrégulier du fait de l'incompétence de son auteur et du fait de l'illégalité de son objet ;

- l'action de l'Etat a été défaillante au titre de l'exercice du contrôle de légalité.

Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer informe la cour qu'il laisse le soin au ministère en charge de l'environnement de produire des observations.

Il soutient que la responsabilité de l'Etat n'est pas recherchée à ce stade.

La procédure a été communiquée le 5 septembre 2022 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'a pas présenté de mémoire.

Par une ordonnance du 3 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 29 février 2012 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Massal, représentant la société appelante ;

- et les observations de Me Février, représentant la communauté d'agglomération intimée.

Considérant ce qui suit :

1. La société PLF Industries Sud, société spécialisée depuis 2006 dans le traitement et l'élimination des déchets non dangereux qui exerçait son activité dans des locaux appartenant à la communauté de communes du Pays Grand'Combien sur le territoire de la commune des Salles du Gardon (Gard), a été placée en redressement judiciaire en mars 2009 et a fait l'objet, en octobre 2009, d'un plan de cession à la société Soreplast, succédant à la société PLF Industries Sud et elle-même placée en liquidation judiciaire le 12 février 2010. Compte tenu des milliers de tonnes de produits combustibles abandonnés sur site et du " risque majeur pour la sécurité des personnes et des biens tant en ce qui concerne les habitants des environs que les autres entreprises situées sur la zone industrielle ", le préfet du Gard a ordonné, par un arrêté du 26 juillet 2010, la réquisition de la société Etablissements Jouvert aux fins d'enlever et d'entreposer temporairement des déchets plastiques combustibles alors stockés sur le site de l'entreprise Soreplast, en mettant à la charge de la communauté de communes du Pays Grand'Combien les frais imposés par cette réquisition d'un montant de 250 000 euros hors taxes. Par un arrêté du 30 mars 2011, le préfet du Gard a complété l'arrêté du 26 juillet 2010 en ordonnant à la société Etablissements Jouvert d'enlever et d'entreposer temporairement 10 000 tonnes supplémentaires de produits combustibles par rapport aux 25 000 tonnes déjà enlevées et stockées, en mettant à la charge de la communauté de communes du Pays Grand'Combien les frais imposés par cette réquisition d'un montant de 100 000 euros hors taxes. En raison de l'expiration du délai de réquisition, de la détérioration progressive de l'enveloppe des balles de matériaux combustibles et de la nature hétérogène et volatile desdits matériaux, le président de la communauté de communes du Pays Grand'Combien a réquisitionné, par arrêté du 19 juillet 2016, la société Etablissements Jouvert aux fins d'enfouir 35 800 tonnes de déchets ultimes de classe 2, en précisant que la société ainsi réquisitionnée serait indemnisée à hauteur de 103 euros hors taxes par tonne enfouie et pour 1 000 tonnes en novembre 2016, 11 600 tonnes en juin 2017, 11 600 tonnes en juin 2018 et 11 600 tonnes en juin 2019. La première échéance a été réglée par la communauté de communes du Pays Grand'Combien. Cependant, à la suite de la fusion de la communauté de communes avec la communauté d'agglomération Alès Agglomération qui la substitue, les factures correspondant aux deuxième et troisième échéances, adressées respectivement le 9 mai 2017 et le 1er juin 2018 pour un montant total de 2 867 520 euros toutes taxes comprises, n'ont pas été honorées, Alès Agglomération s'étant opposée au règlement de ces factures par courrier daté du 9 juillet 2018. Par la présente requête, la société Etablissement Jouvert relève appel du jugement susvisé du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de condamnation de la communauté d'agglomération Alès Agglomération à lui verser, la somme de 2 867 520 euros toutes taxes comprises au titre des deuxième et troisième échéances de juin 2017 et 2018, et la somme de 1 433 760 euros toutes taxes comprises au titre de la dernière échéance de juin 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'action en paiement en contrepartie de la réquisition :

2. Aux termes de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " (...) Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation à l'article L. 2224-16, lorsqu'un groupement de collectivités est compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités transfèrent au président de ce groupement les attributions lui permettant de réglementer cette activité. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que par un arrêté n° 16-209 en date du 19 juillet 2016, le président de la communauté de communes du Pays Grand'Combien a requis la société Etablissements Jouvert, sur le fondement de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, aux fins de procéder à la collecte et à l'enfouissement dans son centre de stockage de déchets ultimes de classe 2 des 35 800 tonnes de déchets et a fixé les modalités d'indemnisation de ces prestations. Par ailleurs, par un arrêté du 13 septembre 2016, le préfet du Gard a prononcé la fusion de la communauté d'agglomération Alès Agglomération et des communautés de communes Vivre en Cévennes, Hautes Cévennes et Pays Grand'Combien, le nouvel établissement public de coopération intercommunale Alès Agglomération reprenant notamment les droits et obligations de la communauté de communes du Pays Grand'Combien en application de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales. Il résulte également de l'instruction que la société Etablissements Jouvert se prévaut à l'égard de la communauté d'agglomération d'Alès Agglomération d'une créance totale de 4 301 280 euros toutes taxes comprises, sur le fondement de l'arrêté du 19 juillet 2016 qui a décidé que les frais qui lui sont imposés par la réquisition en cause seront indemnisés à hauteur de 103 euros hors taxes la tonne enfouie, pour 1 000 tonnes à enfouir en novembre 2016, 11 600 tonnes en juin 2017, 11 600 tonnes en juin 2018 et 11 600 tonnes en juin 2019.

4. La demande d'une société requise par une autorité administrative sur le fondement d'un arrêté de réquisition tendant seulement au versement des frais imposés qu'elle a exposé, sans chercher la réparation d'un préjudice distinct du préjudice matériel objet de cette demande pécuniaire, ne revêt pas le caractère d'une action indemnitaire en responsabilité. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à rechercher pour le paiement de cette créance la responsabilité quasi-contractuelle de la communauté d'agglomération d'Alès Agglomération au titre de son enrichissement sans cause. En revanche, la société appelante est fondée à demander, au titre d'une action en paiement de droits, son droit à rétribution en contrepartie de ladite réquisition.

5. Par ailleurs, il est constant que cet arrêté de réquisition n'a été ni rapporté ni annulé et que son illégalité n'a pas été déclarée par une décision juridictionnelle. Il incombe à l'ensemble des autorités administratives de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet arrêté aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin. Par suite, il incombe à la communauté d'agglomération d'Alès Agglomération, venant aux droits de la communauté de communes du Pays Grand'Combien qui s'est placée elle-même sous le régime des réquisitions administratives, de verser la rétribution due à la société requise. Il s'ensuit que la communauté d'agglomération d'Alès Agglomération ne peut utilement se prévaloir de l'éventuelle illégalité, et, en tout état de cause, de " l'inexistence juridique " de l'arrêté de réquisition en date du 19 juillet 2016 pour contester le fondement de cette créance de la société Etablissements Jouvert.

En ce qui concerne les droits à rétribution :

6. Aux termes de l'article L. 541-7 du code de l'environnement : " I.-Les personnes qui produisent, importent, exportent, traitent, collectent, transportent ou se livrent à des opérations de courtage ou de négoce des déchets tiennent à disposition de l'autorité administrative toutes informations concernant : / 1° La quantité, la nature et l'origine des déchets qu'elles produisent, remettent à un tiers ou prennent en charge ; / 2° La quantité de produits et de matières issus de la préparation en vue de la réutilisation, du recyclage ou d'autres opérations de valorisation de ces déchets ; / 3° Et, s'il y a lieu, la destination, la fréquence de collecte, le moyen de transport et le mode de traitement ou d'élimination envisagé pour ces déchets. Ces informations sont déclarées à l'autorité administrative pour : / a) Les déchets dangereux ; / b) Les déchets contenant des substances figurant sur la liste de l'annexe IV du règlement (UE) 2019/1021 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants, ou contaminés par certaines d'entre elles ; / c) Les installations d'incinération et de stockage de déchets non dangereux non inertes ; / d) Les installations dans lesquelles les déchets perdent leur statut de déchet. ". Aux termes de l'article R. 541-43 du même code : " I.-Pour l'application du I de l'article L. 541-7, les exploitants des établissements produisant ou expédiant des déchets, les collecteurs, les transporteurs, les négociants, les courtiers, et les exploitants des installations de transit, de regroupement ou de traitement de déchets tiennent à jour un registre chronologique de la production, de l'expédition, de la réception et du traitement de ces déchets et des produits et matières issus de la valorisation de ces déchets. Ce registre est conservé pendant au moins trois ans. ". Selon l'article 1er de l'arrêté du 29 février 2012 fixant le contenu des registres mentionnés aux articles R. 541-43 et R. 541-46 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Les exploitants des installations de transit, de regroupement ou de traitement de déchets, notamment de tri, établissent et tiennent à jour un registre chronologique où sont consignés tous les déchets entrants. / Le registre des déchets entrants contient au moins, pour chaque flux de déchets entrants, les informations suivantes : / ' la date de réception du déchet ; / ' la nature du déchet entrant (code du déchet au regard de la nomenclature définie à l'annexe II de l'article R. 541-8 du code de l'environnement) ; / ' la quantité du déchet entrant ; / ' le nom et l'adresse de l'installation expéditrice des déchets ; / ' le nom et l'adresse du ou des transporteurs, ainsi que leur numéro de récépissé mentionné à l'article R. 541-53 du code de l'environnement ; / ' le cas échéant, le numéro du ou des bordereaux de suivi de déchets ; / ' le cas échéant, le numéro de notification prévu par le règlement susvisé ; / ' le code du traitement qui va être opéré dans l'installation selon les annexes I et II de la directive susvisée. ". Selon l'article 2 du même arrêté : " Les exploitants des établissements produisant ou expédiant des déchets tiennent à jour un registre chronologique où sont consignés tous les déchets sortants. / Le registre des déchets sortants contient au moins, pour chaque flux de déchets sortants, les informations suivantes : / ' la date de l'expédition du déchet ; / ' la nature du déchet sortant (code du déchet au regard de la nomenclature définie à l'annexe II de l'article R. 541-8 du code de l'environnement) ; / ' la quantité du déchet sortant ; / ' le nom et l'adresse de l'installation vers laquelle le déchet est expédié ; / ' le nom et l'adresse du ou des transporteurs qui prennent en charge le déchet, ainsi que leur numéro de récépissé mentionné à l'article R. 541-53 du code de l'environnement ; / ' le cas échéant, le numéro du ou des bordereaux de suivi de déchets ; / ' le cas échéant, le numéro de notification prévu par le règlement susvisé ; / ' le code du traitement qui va être opéré dans l'installation vers laquelle le déchet est expédié, selon les annexes I et II de la directive susvisée ; / ' la qualification du traitement final vis-à-vis de la hiérarchie des modes de traitement définie à l'article L. 541-1 du code de l'environnement. ".

7. Il résulte des termes de l'article 3 de l'arrêté de réquisition en cause que les frais imposés à la société appelante sont indemnisés en fonction du prix commercial appliqué par cette société à sa clientèle pour des prestations de même nature, soit 103 euros hors taxes la tonne enfouie et il résulte également des termes de l'article 4 de ce même arrêté que l'indemnisation des tonnes enfouies se fera à hauteur de 1 000 tonnes en novembre 2016, de 11 600 tonnes en juin 2017, de 11 600 tonnes en juin 2018 et de 11 600 tonnes en juin 2019. Comme il a été dit au point 3 du présent arrêt, la société Etablissements Jouvert se prévaut à l'égard de la communauté d'agglomération d'Alès Agglomération d'une créance totale de 4 301 280 euros toutes taxes comprises sur le fondement de l'arrêté du 19 juillet 2016.

8. Pour établir l'exécution des prestations requises, la société appelante, à qui il incombe d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, verse un registre chronologique d'admission de déchets entre février 2017 et février 2018 produits par la société Alnath Venture, société en liquidation judiciaire, mentionnant 12 525 tonnes pour l'exercice 2017 et 23 995 tonnes pour l'exercice 2018, un plan topographique de récolement établi par le cabinet BBass indiquant l'enfouissement de 60 003 m³ de déchets, ainsi qu'un rapport hydrogéologique de Fondasol portant sur un contrôle de la densité des déchets de ballots de plastiques enfouis sur le site de la société Etablissements Jouvert. Toutefois, le registre d'admission de déchets produits par une autre société ainsi que les données topographiques et de densité exprimées en mètres cubes ne sont pas de nature à démontrer que les déchets provenant de l'installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement exploitée par la société Soreplast auraient été effectivement enfouis par la société requérante en exécution de l'arrêté de réquisition du 19 juillet 2016. De même, la circonstance que des rapports d'activités concernant l'installation de stockage de déchets non dangereux de Cadacut pour les années 2017 et 2018 indiquent que 12 525 tonnes de déchets plastiques en 2017 proviennent d'" une entreprise ayant fait faillite aux Salles du Gardon " et que le stockage des déchets plastiques dans l'alvéole n°1 depuis la création du site a représenté 74 425 tonnes en 2018, ne démontre pas la traçabilité des déchets et le quantum des prestations fournies afférentes alors qu'il est constant que, sur la même période, la société Etablissements Jouvert a également traité par enfouissement des volumes importants de déchets plastiques provenant d'activités diverses. Par suite, en l'absence de communication par la société requérante du registre chronologique de réception et de traitement des déchets que les dispositions précitées de l'article R. 541-43 du code de l'environnement lui font obligation de tenir et qu'elle seule est en mesure de détenir, sans qu'importe à cet égard, sur le terrain de l'administration de la preuve, la circonstance que le rapport d'inspection de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Languedoc-Roussillon en date du 11 juin 2018 ait constaté la présence dudit registre des admissions des déchets non dangereux stockés dans l'alvéole 1, ces pièces produites ne permettent pas de corroborer par recoupement, de manière suffisamment probante, l'existence et le volume des prestations d'enfouissement des 35 800 tonnes de déchets réalisées par la société appelante en exécution de l'arrêté de réquisition du 19 juillet 2016. Par conséquent et dans ces conditions, la société appelante n'apporte pas la preuve qu'elle serait détentrice d'une créance à concurrence d'un montant total de 4 301 280 euros au titre de l'enfouissement de ces déchets.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Etablissements Jouvert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande pécuniaire.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Alès Agglomération, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Etablissements Jouvert et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Etablissements Jouvert les sommes demandées par la communauté d'agglomération Alès Agglomération sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Etablissements Jouvert est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Alès Agglomération, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Etablissements Jouvert, à la communauté d'agglomération Alès Agglomération, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. ChabertLe greffier,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21269


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21269
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Xavier Haïli
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP MASSAL-RAOULT-ALARDET-VERGANI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-30;22tl21269 ?
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