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28/05/2024 | FRANCE | N°23TL00829

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 28 mai 2024, 23TL00829


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le préfet du Gard a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée le 17 décembre 2019 au bénéfice de ses deux enfants.



Par un jugement n° 2003676 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête, enregistrée le 11 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Ezzaitab, demande à la cour :



1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., veuve C..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le préfet du Gard a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée le 17 décembre 2019 au bénéfice de ses deux enfants.

Par un jugement n° 2003676 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Ezzaitab, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le préfet du Gard a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de ses deux enfants, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Gard d'ordonner un nouvel examen de sa situation en munissant ses enfants d'une autorisation provisoire de séjour et ce sous astreinte de 100 jours de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État, à verser à son conseil, la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 su code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de regroupement familial est insuffisamment motivée et se trouve entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation dès lors que le préfet du Gard s'est borné à rejeter sa demande au motif du non-respect par son logement, de la condition de surface, sans procéder à un examen global de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; en effet, le préfet se fonde sur le fait que la surface de 39,21 m² du logement au titre duquel elle a présenté sa demande de regroupement familial, serait insuffisante, faute d'atteindre le seuil de 44 m² imposé par les dispositions applicables pour l'habitation de quatre personnes ; or, la condition de superficie est parfaitement respectée ;

- elle respecte par ailleurs également la condition de ressources posée pour le regroupement familial ;

- la décision du 14 octobre 2020 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale compte tenu de ce qu'elle est séparée de ses deux enfants, nés le 25 juin 2003 et le 29 juillet 2004, dont elle a la garde, depuis 2006 pour le premier, et depuis 2013, pour le second, et qui sont en Algérie ;

- la décision de refus de regroupement familial porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 25 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., veuve C..., de nationalité algérienne, née le 15 décembre 1984, est entrée en France le 9 septembre 2018. Titulaire d'une carte de résident, elle a déposé, le 17 décembre 2018, une demande de regroupement familial au profit de ses deux enfants alors mineurs.

2. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2020 par laquelle le préfet du Gard a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de ses deux enfants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision attaquée qui se fonde notamment sur l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et sur les articles L. 411-1 à L. 411-7, et R. 411-1 à R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suffisamment motivée en droit. Elle est également, suffisamment motivée au regard des éléments de fait en opposant à l'intéressée le fait que les conditions de logement imposées par les dispositions réglementaires applicables ne seraient pas réunies dès lors que la superficie du logement occupé ne serait que de 39, 21 m², au lieu des 44 m² requis pour une famille composée de quatre personnes.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4, que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ". Aux termes de l'article R. 411-5 du même code, applicable aux ressortissants algériens, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : (...)- en zones B1 et B2 : 24 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes (...) Les zones A bis, A, B1, B2 et C ci-dessus sont celles définies pour l'application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation (...) ".

7. En vertu de l'annexe 1 de l'arrêté du 1er août 2014 pris pour l'application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, la commune du Grau-du-Roi est au nombre des communes classées en zone B1. En conséquence et par application de ces dispositions, la surface minimale requise pour un logement de quatre personnes dans cette commune était à la date de la décision attaquée, de 44 m². C'est donc à bon droit que le préfet du Gard a considéré que, compte tenu de ce que le logement auquel se référait l'intéressée dans sa demande de regroupement familial n'avait qu'une surface de 39,21 m², la condition de disposer d'un logement d'une superficie suffisante n'était pas remplie. Par ailleurs, la légalité d'une décision s'appréciant à la date de son édiction, la circonstance selon laquelle l'époux de Mme A... est décédé le 23 août 2021, et qu'il devait dès lors être tenu compte de ce décès pour le calcul des surfaces de son logement,est inopérante.

8. En troisième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. L'intéressée, qui a épousé en Algérie, le 27 novembre 2013, un ressortissant français, est entrée seule en France le 9 septembre 2018, alors qu'elle avait la garde en Algérie de ses deux enfants issus d'une précédente union et sans indiquer que son mari se serait opposé à leur venue en France, que ce dernier a du reste autorisée par un courrier du 16 décembre 2019. Par ailleurs, l'appelante ne donne aucune indication sur la situation de ces deux enfants, nés en 2003 et 2004, ni sur l'existence des liens entretenus avec eux, ne faisant notamment pas valoir qu'elle retournerait les voir en Algérie. Dans ces conditions, faute pour Mme A... d'établir la réalité et, à fortiori, l'intensité des liens l'unissant à ses enfants, la production d'un certificat d'un médecin généraliste, au demeurant postérieur à la décision attaquée, selon lequel le rapprochement avec ses deux enfants lui permettrait de reconstruire une cellule familiale stable, n'étant pas de nature à établir la réalité de ces liens, le moyen invoqué sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., veuve C..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL00829 2


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00829
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : EZZAÏTAB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-28;23tl00829 ?
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