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23/05/2024 | FRANCE | N°22TL21286

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 23 mai 2024, 22TL21286


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2021-DRH-119 du 19 mars 2021 par lequel la maire de Saint-Clément-de-Rivière a prononcé sa révocation à compter du 6 avril 2021, d'enjoindre à la commune de Saint-Clément-de-Rivière de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à la date d'effet de sa révocation, soit le 6 avril 2021, de reconstituer sa durée d'activité telle qu'elle se serait déroulée en l'absence d'évict

ion, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et de lui verser la rémunérat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2021-DRH-119 du 19 mars 2021 par lequel la maire de Saint-Clément-de-Rivière a prononcé sa révocation à compter du 6 avril 2021, d'enjoindre à la commune de Saint-Clément-de-Rivière de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à la date d'effet de sa révocation, soit le 6 avril 2021, de reconstituer sa durée d'activité telle qu'elle se serait déroulée en l'absence d'éviction, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir et de lui verser la rémunération habituelle correspondant à ses fonctions, y compris les deux parts récurrentes du RIFSEEP, depuis sa révocation à effet du 6 avril 2021 jusqu'à la date de sa réintégration effective.

Par un jugement n° 2102592 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2022 et des mémoires enregistrés le 23 mars 2023 et le 11 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A... C..., représentée par la SELARL Gil-Cros agissant par Me Gil-Fourier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement de l'information judiciaire en cours devant un juge d'instruction de Montpellier à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la commune de Saint-Clément-de-Rivière du 30 août 2019 à son encontre sur des faits de harcèlement moral au sens de l'article 222-33-2 du code pénal et de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

2°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté n° 2021-DRH-119 du 19 mars 2021 par lequel la maire de Saint-Clément-de-Rivière a prononcé sa révocation à compter du 6 avril 2021 ;

4°) d'enjoindre à la commune de Saint-Clément-de-Rivière de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à la date d'effet de sa révocation, de reconstituer sa durée d'activité telle qu'elle se serait déroulée en l'absence d'éviction, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui verser la rémunération habituelle correspondant à ses fonctions, y compris les deux parts récurrentes du RIFSEEP, depuis sa révocation à effet du 6 avril 2021 jusqu'à la date de sa réintégration effective ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Clément-de-Rivière la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de droit, d'appréciation des faits et de qualification juridique des faits de l'espèce ;

- l'arrêté a été pris en violation de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 en ce qu'il doit être regardé comme ayant pris en considération les dénonciations et actions relatives aux faits de harcèlement moral dont elle a été l'objet ; le jugement n'a pas examiné ce moyen de façon complète ;

- l'avis du conseil de discipline est irrégulier ;

- les faits reprochés sont inexacts et ne justifiaient pas qu'une sanction soit prononcée à son encontre ;

- la sanction de révocation infligée est disproportionnée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 octobre 2022 et le 11 décembre 2023, la commune de Saint-Clément-de-Rivière, représentée par Me Jeanjean de la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen nouveau en appel tiré de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline, qui se rattache à la légalité externe de l'acte attaqué, alors que seuls des moyens de légalité interne ont été soulevés devant le tribunal administratif de Montpellier, est irrecevable ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

- la demande tendant au sursis à statuer est dépourvue d'utilité ;

- en toute hypothèse, les conclusions à fin d'injonction de versement de la rémunération correspondant aux fonctions de la requérante sont irrecevables en l'absence de demande préalable.

Par ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cros représentant Mme C..., et de Me Gimenez représentant la commune de Saint-Clément-de-Rivière.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., rédactrice principale de 1ère classe, exerçait depuis le 2 novembre 2010 les fonctions de responsable du service ... de la commune de Saint-Clément-de-Rivière (Hérault). Elle a été placée en congé maladie du 12 avril 2019 jusqu'au 31 mars 2020. A compter de cette date, compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, elle a été placée en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 11 mai 2020. Par un arrêté du 4 mai 2020, elle a été suspendue de ses fonctions à compter du 11 mai 2020, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la commune à l'encontre de Mme C... du chef de faits de harcèlement moral auxquels elle se serait livrée envers plusieurs agents de la commune. Cet arrêté de suspension de ses fonctions a été prolongé à deux reprises, en dernier lieu jusqu'au 10 mai 2021. Par un arrêté du 19 mars 2021, la maire de Saint-Clément-de-Rivière a prononcé sa révocation à compter du 6 avril 2021. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 2102592 du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme C... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. Si devant la cour, elle soutient en outre dans son mémoire en réplique que l'avis du conseil de discipline sur lequel la décision est fondée serait entaché d'irrégularité, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte ainsi que le fait valoir la commune, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que les premiers juges, après avoir considéré que la sanction disciplinaire contestée n'a pas été prise en prenant en considération les différents recours et actions intentés par Mme C... visant à faire cesser des agissements de harcèlement moral, ont estimé que si l'intéressée s'estime victime de tels agissements, les éléments de fait qu'elle invoque ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Les premiers juges ont par ailleurs relevé que ces éléments de fait qui ont déjà été invoqués dans ses demandes de protection fonctionnelle, ont fait l'objet de décisions de rejet par la collectivité publique qui l'emploie, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Montpellier, ainsi que dans son recours indemnitaire également rejeté par ce tribunal. Toutefois, alors même que l'intéressée a interjeté appel à l'encontre du jugement de rejet concernant sa demande indemnitaire ainsi qu'à l'encontre du jugement n° 2100070 du 8 avril 2022 de rejet concernant la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle du 29 septembre 2020, le tribunal n'a ni omis de statuer, ni insuffisamment motivé son jugement sur les faits de harcèlement moral invoqués par Mme C....

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans ses dispositions alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".

5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour prendre la sanction de révocation de Mme C..., la maire de Saint-Clément-de-Rivière s'est fondée sur des faits graves de harcèlement, de pressions, de violences verbales et menaces à l'encontre de plusieurs agents, contraires à l'obligation de probité, ainsi que des manquements aux obligations de réserve et de discrétion professionnelle.

7. Mme C... soutient toutefois que la sanction prononcée à son encontre a été prise en raison de ses dénonciations des faits de harcèlement moral dont elle s'estime victime, ainsi que de ses actions, recours et signalements formulés à compter de mars 2018, lesquels ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale et de compromettre son avenir professionnel.

8. Selon la requérante, la commune aurait décidé de l'évincer de son poste en mai 2018 et aurait depuis lors multiplié les actes et prises de position attentatoires à ses droits et à sa dignité, jusqu'à sa révocation par l'arrêté attaqué. Elle a ainsi signalé, par courriers adressés les 29 et 31 mars 2018 au maire de Saint-Clément-de-Rivière qui était alors en fonctions, des faits constitutifs de harcèlement moral de la part de la responsable de ..., de deux agents du service des finances et de l'ancien directeur ..., et a présenté deux demandes de protection fonctionnelle les 13 avril et 8 août 2018, auxquelles la maire élue à la fin du mois d'avril 2018 n'a pas fait droit. Ses requêtes présentées à l'encontre des décisions refusant d'accéder à ses demandes ont cependant été rejetées par jugements du tribunal administratif de Montpellier n° 1805990 et 1805992 du 10 juillet 2020 devenus définitifs, au motif que les agissements au titre desquels Mme C... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral. Elle ajoute avoir été l'objet d'accusations publiques de la part de la maire ainsi que de plusieurs collègues lors de la réunion de service du 4 juillet 2018, à laquelle elle n'avait pu assister. Toutefois, il ne résulte pas des termes du procès-verbal de cette réunion que les reproches formulés à son encontre par la maire concernant les convocations pour le conseil municipal du 9 juillet excèderaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La circonstance qu'une remarque ait été formulée lors de cette réunion par un agent de la commune, portant sur la nécessité pour la requérante de respecter les délais de remise des chiffres concernant la masse salariale, ne révèle par elle-même aucun agissement susceptible de faire présumer de faits de harcèlement à l'encontre de Mme C.... La requérante produit deux attestations de l'ancien directeur ... rapportant les propos d'un conseiller municipal et du responsable du service ... lui affirmant qu'elle allait être mutée comme secrétaire ..., poste qu'elle occupait avant le 2 novembre 2010. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la commune de Saint-Clément-de-Rivière a mis fin au détachement de ce directeur pour perte de confiance à la fin de l'année 2018, à la suite de l'analyse de la masse salariale par l'adjoint aux finances en mars 2018 révélant un dérapage des dépenses concernant en particulier l'évolution du régime indemnitaire des agents lors de l'application du RIFSEEP en janvier 2017. Si Mme C... se plaint d'une attitude de dédain et d'une absence de protection de la part de la collectivité, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite des courriers précités des 29 et 31 mars 2018 tendant à dénoncer des faits de harcèlement moral dont elle estimait être victime, la nouvelle municipalité a diligenté une enquête interne auprès de 51 de ses agents, en excluant ceux qui avaient été recrutés de manière récente. Il était demandé de manière anonyme aux agents si la responsable ... leur semblait être victime de critiques émises à l'encontre de son travail et dans quelles conditions, si des pressions pesaient sur elle et si elle était victime de discrimination ou de harcèlement, et de décrire de façon générale le service ... s'agissant de son fonctionnement, de son ambiance, en faisant part de toute remarque sur ce service et sur le fonctionnement de la mairie. Il ressort des résultats de cette enquête menée entre le 19 septembre et le 11 octobre 2018 que de très nombreux agents se sont plaints d'un comportement inadapté de la part de Mme C... depuis plusieurs années, au regard de faits de harcèlement, de pressions, de violences verbales et de menaces à l'encontre de plusieurs agents ainsi que d'abus de pouvoir, de manipulation et d'emprise sur les agents plus vulnérables, à l'origine d'un climat anxiogène au sein des services de la commune. Par la suite, un courrier signé par 38 agents a été adressé à la maire le 25 janvier 2019, concernant un " dysfonctionnement du service ... " et sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle et en dénonçant des actes graves imputables à la requérante. Au regard de l'ensemble de ces faits portés à sa connaissance, la requérante n'est pas fondée à reprocher à la commune d'avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République du chef de faits de harcèlement moral le 22 mai 2019, puis une nouvelle plainte avec constitution de partie civile le 30 août 2019. Mme C... ne peut davantage sérieusement remettre en cause les conditions dans lesquelles cette enquête interne a été menée, ni exposer qu'elle démontrerait la volonté de la commune de l'évincer de son poste au regard des résultats de cette enquête, alors que plusieurs réponses étaient particulièrement circonstanciées sur les faits graves qui lui étaient reprochés par de nombreux agents. La requérante conteste également les circonstances dans lesquelles un audit externe auprès d'un psychologue psychosociologue expert près le tribunal judiciaire de Montpellier a été réalisé en mai 2020, sans qu'elle puisse être entendue alors qu'elle était en congé de maladie depuis un an et reprochant que l'audit n'ait interrogé que 38 agents de la commune. Alors que les résultats de cet audit convergent tant avec ceux de l'enquête interne réalisée en septembre-octobre 2018 qu'avec les faits dénoncés dans le courrier du 25 janvier 2019 émanant de 38 agents, il ressort des pièces du dossier que les agents ont été choisis sur la base de critères objectifs portant sur leur ancienneté dans la commune, leur niveau de responsabilité et leur disponibilité professionnelle lors de l'audit. En outre, ces agents représentaient l'ensemble des services, une hétérogénéité des fonctions exercées, de grades détenus, de parcours professionnel ainsi que d'antériorité, cette dernière allant de 3 à 40 ans d'ancienneté. Par ailleurs, la commune produit plusieurs attestations d'agents faisant état du comportement répréhensible de la requérante, dont le contenu n'est pas utilement remis en cause par l'intéressée. Mme C... soutient avoir été mise à l'écart en ce qu'elle n'était plus conviée aux entretiens de recrutement à compter de juin 2018 et aux réunions concernant son domaine d'activité, et n'était pas destinataire de toutes les informations nécessaires à l'exercice de ses missions. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante a participé à des entretiens de recrutement en juin 2018, avant d'en être dispensée en raison de son retard dans les missions qui lui étaient confiées. Les faits de mise à l'écart dont elle se prévaut ne sont pas corroborés par la production des courriels produits. En outre, si Mme C... se plaint des refus d'entretien que la maire lui aurait opposés et de la circonstance que certaines de ses questions n'auraient pas été abordées au cours de rencontres qui ont eu lieu, ces éléments ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. La requérante soutient ensuite que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 10 avril 2019 et de la maladie pour laquelle elle est placée en congé maladie depuis le 12 avril 2019 a été rejetée à tort, alors que la commission de réforme avait émis un avis favorable. Toutefois, si le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 16 juillet 2019 par un jugement du 7 mai 2021 n° 1904128, il s'est fondé sur un motif de forme relatif à l'insuffisance de motivation de cette décision. De même, par un jugement du 7 mai 2021 n° 1904138, ce tribunal a annulé le compte-rendu d'entretien professionnel établi le 23 janvier 2019 au titre de l'année 2018 en relevant l'insuffisance des appréciations relatives à certaines compétences ou qualités succinctement énumérées, ainsi que de l'appréciation générale littérale ne comportant que le mot " insatisfaisant ". L'illégalité de ces décisions ne saurait constituer, par elle-même, un agissement révélant l'existence d'un harcèlement moral. Si Mme C... conteste des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre, il est constant que les deux avertissements en cause ont été retirés et que le blâme n'a pas été prononcé. Si elle se plaint ensuite du non-respect de ses droits au titre de son compte épargne temps, les faits reprochés ne sont pas établis, alors que la requérante a bénéficié de l'indemnisation de l'ensemble des jours sollicités en avril et novembre 2020 et en juillet 2021. Mme C... reproche en outre à la commune d'avoir engagé une procédure de recrutement d'un responsable des ... en décembre 2019, alors qu'elle était toujours en position d'activité. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'alors que la requérante était en congé maladie depuis le 12 avril 2019, la commune a été contrainte de recruter un agent contractuel pour effectuer des tâches ne nécessitant pas de compétence particulière en matière de ... pour une durée de six mois prenant fin le 12 décembre 2019. La collectivité a ensuite procédé au recrutement d'un agent sur un poste de responsable de la gestion administrative et du personnel, distinct du poste occupé par la requérante. Les faits dénoncés ne sont dès lors pas établis. Si elle reproche à la commune de l'avoir placée en autorisation spéciale d'absence dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire du 31 mars au 11 mai 2020 et refusé de la faire bénéficier d'un temps partiel thérapeutique, cette décision relève de l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service dans le contexte particulier précité. La circonstance que, par arrêté du 4 mai 2020, la maire l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 4 mai 2020, ne révèle par lui-même aucun agissement constitutif d'un harcèlement moral à son encontre au regard des faits reprochés, et alors que la plainte déposée à son encontre par la commune le 30 août 2019 était en cours d'instruction.

9. Il résulte de ce qui précède que les actes invoqués par la requérante, qu'ils soient considérés isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence de harcèlement moral à son encontre, dès lors qu'ils ne sont soit pas matériellement établis, soit ponctuels ou justifiés par l'intérêt du service ou encore n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

10. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à l'espèce : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Selon l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicables au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ".

11. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apporter la preuve de l'exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté, qui vise notamment le rapport d'enquête interne diligentée du 19 septembre au 11 octobre 2019, le courrier du 25 janvier 2019 par lequel 38 agents ont sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle et l'audit externe réalisé en mai 2020, est motivé par référence à l'avis du conseil de discipline, selon lequel " Mme C..., qui exerce les fonctions de Directrice des ressources (...), a, par ses méthodes de travail, son management, son attitude et son comportement à l'encontre de plusieurs agents de la collectivité créé un climat anxiogène et entrainé non seulement une dégradation des conditions de travail mais également une souffrance au travail de nombreux agents. Ces manquements de l'agent à ses obligations professionnelles, dont la réalité est établie par les résultats de l'enquête interne réalisée par son employeur et dont il ressort que plus d'une trentaine d'agents se plaignent de l'attitude et du comportement de Mme C..., constituent une faute très grave de nature à justifier une sanction disciplinaire, alors en outre que l'intéressée ne fait preuve d'aucune remise en cause ou en question de son comportement et de ses méthodes de management ".

13. Mme C... soutient que l'enquête interne menée du 19 septembre au 11 octobre 2019 est dénuée de crédibilité et de rigueur ainsi que d'objectivité. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 8, cette enquête qui a collecté les témoignages anonymes de 51 agents et a été menée dans le but de permettre à la commune de déterminer si Mme C... avait été victime de faits de harcèlement moral qu'elle dénonçait dans ses courriers des 29 et 31 mars 2018, a permis de révéler que de nombreux agents de la collectivité se plaignaient d'un comportement inadapté de la part de l'intéressée en invoquant des faits de harcèlement, de pressions, de violences verbales et de menaces ainsi que d'abus de pouvoir, de manipulation et d'emprise sur les agents plus vulnérables. La circonstance que cette enquête n'ait pas fait l'objet d'un échange contradictoire avec l'intéressée ne permet pas de remettre en cause la réalité des agissements dénoncés, alors que la dénonciation de ceux-ci a ensuite été réitérée dans un courrier du 25 janvier 2019 signé par 38 agents, puis par un audit externe réalisé en mai 2020. Il ne ressort ni des questions posées aux 51 agents ni des conditions dans lesquelles l'enquête a été menée que la commune aurait manqué à son obligation de loyauté dans l'administration de la preuve des faits reprochés. Les circonstances qu'aucun agent n'avait fait de signalement antérieurement à cette enquête, qu'aucun agent n'ait fourni un certificat médical ou un arrêt de travail ou encore que la commune se soit abstenue de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou la médecine préventive, sont par ailleurs sans incidence sur le caractère probant de cette enquête. Il ressort de cette enquête ainsi que du courrier du 25 janvier 2019 que les accusations portées à son encontre émanent d'une majeure partie des agents de la commune et sont précis, circonstanciés et concordants sur les souffrances au travail et les situations de harcèlement moral, lesquelles ont eu des répercussions sur le service des ... mais également sur la situation de nombreux agents de la commune. Alors même que Mme C... n'avait plus de contact avec les agents communaux depuis son congé maladie, il ressort des pièces du dossier que le rapport et le courrier en cause concernent ses méthodes de travail et son comportement lorsqu'elle était en poste. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les difficultés des agents résulteraient des problèmes organisationnels du service des ... et de la charge importante de travail de son service, alors en sous-effectif, alors que les témoignages portent davantage sur son comportement que sur le service des ... en lui-même. Si elle remet en cause l'indépendance et l'objectivité du cabinet de conseil qui a mené l'audit externe, elle se borne à soutenir que ce cabinet a réalisé un second audit en mai 2020 concernant le " bien-être au travail ". Si elle ajoute que M. B..., qui a été recruté en juin 2020 en qualité de ..., aurait été consultant au sein de ce cabinet, cette circonstance, qui n'est au demeurant pas établie par les pièces produites, est sans incidence sur la légalité de la sanction prononcée à son encontre. Il ressort par ailleurs des conclusions de cet audit que celui-ci met en exergue le comportement de l'intéressée et ses difficultés relationnelles avec les agents de la commune, lesquels ont témoigné de blessures psychologiques, et il corrobore ainsi les conclusions de l'enquête interne et les informations mentionnées dans le courrier du 25 janvier 2019. L'ensemble des manquements reprochés, lesquels sont à l'origine d'un climat anxiogène au sein des services de la commune, a été de nature à perturber le bon fonctionnement du service. Par suite, les faits reprochés à Mme C..., dont la réalité matérielle est établie et qui constituent des manquements à ses obligations professionnelles, sont fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire.

14. Eu égard à la gravité des faits commis par Mme C..., à la nature de ses fonctions de responsable d'un service impliquant un devoir d'exemplarité et à l'atteinte au fonctionnement du service, alors même qu'aucune sanction n'avait été prononcée à son encontre depuis sa nomination sur ses fonctions en novembre 2010 et que jusqu'en 2018 elle avait fait l'objet de bonnes évaluations, la sanction de révocation ne présente pas un caractère disproportionné.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement de l'information judiciaire en cours devant un juge d'instruction de Montpellier à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la commune de Saint-Clément-de-Rivière formée le 30 août 2019, laquelle demande ne présente pas d'utilité à la solution du présent litige, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Clément-de-Rivière, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme à verser à la commune de Saint-Clément-de-Rivière en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Clément-de-Rivière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de Saint-Clément-de-Rivière.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21286 2


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21286
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Anne Blin
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : GIL, CROS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;22tl21286 ?
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