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23/05/2024 | FRANCE | N°22TL21173

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 23 mai 2024, 22TL21173


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2019 par lequel le maire de Fenouillet n'a pas reconnu sa maladie déclarée le 3 décembre 2015 comme imputable au service, ensemble la décision du 30 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Fenouillet de la rétablir dans ses droits à compter de septembre 2015 en reconnaissant sa maladie imputable au service et en tirant les conséquences

financières en la rétablissant à plein traitement à compter de cette date, en prenant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2019 par lequel le maire de Fenouillet n'a pas reconnu sa maladie déclarée le 3 décembre 2015 comme imputable au service, ensemble la décision du 30 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Fenouillet de la rétablir dans ses droits à compter de septembre 2015 en reconnaissant sa maladie imputable au service et en tirant les conséquences financières en la rétablissant à plein traitement à compter de cette date, en prenant en charge ses frais médicaux et en rétablissant son droit à pension de retraite, de condamner la commune de Fenouillet à lui verser la somme de 12 622 euros en réparation des préjudices subis, augmentée de mois en mois à due proportion de sa perte de rémunération liée au fait qu'elle ne peut plus travailler à plein temps, soit 888 euros par mois, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de la commune de Fenouillet une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1905507 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré irrecevable l'intervention du syndicat Sud-CT 31 et rejeté les demandes de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de Fenouillet a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ensemble la décision du 30 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Fenouillet de la rétablir dans ses droits à compter du mois de septembre 2015, en rétablissant son plein traitement à compter de cette date, en prenant en charge ses frais médicaux et paramédicaux et en rétablissant ses droits à pension de retraite ;

4°) de condamner la commune de Fenouillet à lui verser une somme de 12 622 euros en réparation de son préjudice financier, arrêtée au 3 juillet 2019, augmentée de 888 euros par mois à compter de cette date, au regard de sa perte de rémunération liée à l'impossibilité d'exercer à temps plein, assortie des intérêts au taux légal, et une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Fenouillet les dépens et une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'origine de sa maladie ;

- il doit être annulé dès lors que c'est à tort qu'il a déclaré irrecevable l'intervention du syndicat Sud-CT 31 ;

- l'arrêté du 30 avril 2019 ne répond pas à l'exigence de motivation imposée par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation, eu égard au caractère professionnel de sa pathologie, sa supposée fragilité ne pouvant justifier le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;

- en prenant la décision contestée, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, alors qu'elle est tenue de préserver la santé de ses agents en application de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle a subi un préjudice financier à hauteur d'une somme de 12 622 euros à la date de son recours gracieux, augmenté de 888 euros par mois à compter de cette date, correspondant à sa perte de rémunération du fait de l'impossibilité de supporter un travail à temps plein, ainsi qu'un préjudice moral qui sera évalué à la somme de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, la commune de Fenouillet, représentée par Me Briand, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement contesté et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- ce litige individuel ne remet pas en cause une prérogative statutaire des agents, ni un intérêt collectif de ceux-ci et seul le syndicat a un intérêt à agir à l'encontre de l'article 1er du jugement ;

- l'arrêté du 30 avril 2019 est motivé aussi bien en droit qu'en fait ;

- aucun élément ne permet de reconnaître l'existence d'un lien direct entre la pathologie de la requérante et l'exercice des fonctions ;

- les demandes indemnitaires sont infondées ; celle relative au préjudice financier est injustifiée et aucun lien de causalité avec une faute n'est démontré ; aucun préjudice moral n'est établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe administrative affectée au service urbanisme de la commune de Fenouillet (Haute-Garonne) a sollicité le 3 décembre 2015 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 7 avril 2016, la commission de réforme a émis un avis tendant à la reconnaissance d'une maladie à caractère professionnel. Par un arrêté en date du 19 avril 2016, le maire de Fenouillet refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A.... Cet arrêté a été annulé pour insuffisance de motivation par un jugement définitif n°1604158 du tribunal administratif de Toulouse en date du 30 novembre 2018. Cependant, par un arrêté en date du 30 avril 2019, le maire a repris une décision de refus d'imputabilité. Par une lettre en date du 3 juillet 2019, Mme A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision et sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en conséquence de ladite décision. Le recours gracieux a été expressément rejeté par une décision du 30 juillet 2019. Par un jugement n°1905507 du 18 mars 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes à fin d'annulation de l'arrêté du 30 avril 2019, de la décision de rejet de son recours gracieux, à fin d'injonction et indemnitaire. Il n'a également pas admis, par son article 1er, l'intervention du syndicat Sud-CT 31 au soutien des conclusions de Mme A....

Sur le refus du tribunal d'admettre l'intervention du syndicat Sud-CT 31 :

2. Par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas admis l'intervention à l'instance du syndicat Sud-CT 31. Ainsi que le fait valoir la commune de Fenouillet en défense, seul ce syndicat, a intérêt à demander l'annulation de cet article. Par suite, Mme A... n'est, sur ce point, pas recevable à demander l'annulation du jugement contesté, en tant que par son article 1er il n'a pas admis l'intervention de ce syndicat.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'arrêté attaqué vise les considérations de droit qui en constituent le fondement. Il précise également les éléments de fait de nature à justifier la décision du maire de Fenouillet en s'appropriant les motifs et conclusions du rapport d'expertise du 21 janvier 2016 du docteur C.... Il permettait ainsi à la requérante de connaître les motifs du refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie déclarée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) ".

5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. Par une lettre du 3 décembre 2015, Mme A... a sollicité la reconnaissance de maladie professionnelle de son affection consistant en un état anxio-dépressif. A l'appui de sa contestation de la légalité de l'arrêté du 30 avril 2019 du maire de Fenouillet, elle soutient que les éléments médicaux produits ainsi que l'avis de la commission de réforme apportent la preuve du caractère professionnel de sa pathologie, et elle précise également que cette dernière a pour origine un changement dans ses conditions de travail et la réorganisation de ses tâches entre les mois d'avril et de décembre 2014 ainsi que l'annonce, lors de l'entretien professionnel du 11 mars 2015, de ce qu'elle devrait assurer " un doublon " à l'accueil de l'état civil et, pour ce faire, suivre une formation théorique et pratique.

7. Toutefois, d'une part, les changements dans ses conditions de travail décrits très succinctement dans les écritures de la requérante au titre de la période allant d'avril à décembre 2014, consistant en des changements de chef de service et de bureau, une diminution de prime à propos de laquelle elle ne fournit d'ailleurs aucune précision, le retrait de ses fonctions de secrétaire de la voirie et l'exercice d'une nouvelle mission d'accueil ponctuel du public ne révèlent pas, en eux-mêmes, un contexte professionnel propre à susciter l'apparition et le développement de la maladie de l'intéressée, d'autant que la commune souligne en défense que l'externalisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme à compter de l'année 2011, avait allégé la charge de travail de Mme A.... Si, dans son certificat du 22 février 2016, le médecin de prévention a évoqué un contexte qualifié de complexe dans la collectivité, aucun élément plus précis n'est versé au dossier sur ce point. D'autre part, les demandes de sa hiérarchie tendant à ce que l'intéressée suive une formation puis assure, dans l'intérêt du service, une mission d'accueil au service de l'état civil, ne peuvent en elles-mêmes être regardées comme révélant des conditions d'exercice des fonctions et un contexte professionnel pathogènes, compte tenu du caractère varié des missions qui peuvent être confiées aux adjoints administratifs en application de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs,. Contrairement à ce qu'elle soutient, le certificat du médecin de prévention, qui se borne pour l'essentiel à rapporter les dires de l'agent lors de ses entretiens avec ce médecin, ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de sa maladie. Si l'attestation d'une psychologue clinicienne fait état d'un lien direct entre épisode dépressif et situation vécue par Mme A... au travail et rejoint ainsi les conclusions favorables à la reconnaissance d'une maladie à caractère professionnel du docteur D..., médecin expert, diplômé en réparation juridique du dommage corporel qui assistait l'agent lors de la réunion de la commission de réforme, ces éléments sont cependant contredits par le compte-rendu d'expertise du docteur C..., expert judiciaire, psychiatre, auteur de l'expertise présentée à la commission de réforme, qui attribue les troubles de l'intéressée, non à des facteurs professionnels mais à un trait de sa personnalité, soit une sensibilité particulière ayant limité ses capacités d'adaptation au poste proposé. Dans ces conditions, et en dépit de l'avis favorable émis le 7 avril 2019 par la commission de réforme après avoir entendu le docteur D..., l'administration n'a pas, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des troubles anxio-dépressifs dont souffre Mme A..., entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'illégalité fautive et que la commune de Fenouillet ne peut être, en l'espèce, regardée comme ayant, par ses actes ou son comportement à l'égard de Mme A..., méconnu le droit à la protection de sa santé, assuré par les dispositions de l'article 23, alors applicables, de la loi du 13 juillet 1983.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction et indemnitaires ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. En l'absence de dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Fenouillet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune de Fenouillet au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Fenouillet sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Fenouillet.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Anne Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21173


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21173
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SELARL Sylvain LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;22tl21173 ?
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